Mare Nostrum

1 jeu de civilisation. 2 pages de règles. 10 ans de travail. Qui a dit que créer un jeu simple c'était facile ?


MARE NOSTRUM

Créer un jeu, comme toute autre création intellectuelle, ressemble à un accouchement. Certaines fois ça va passer comme une lettre à la poste mais il arrive qu'on ait droit à des heures de souffrance dans le sang et les matières fécales pour finir au forceps. Evidemment, on rêve tous de la première solution mais, il arrive parfois que ces épreuves si difficiles donnent naissance aux plus beaux bébés.

Opus major

Bon d'accord, j'exagère un peu (surtout le passage sur le sang et les matières fécales) mais vous aurez compris l'idée. Tous les bébés sont beaux pour leur parent, bien sur, mais certains vont rester leur chouchou, leur préféré, l'oeuvre de leur vie. Et bien, Mare Nostrum (MN) c'est le bébé chéri de son auteur , Serge Laget. Un fou qui a voulu condenser la subtentifique moelle du jeu de civilisation en deux pages de règles. Je ne sais pas si vous imaginez, juste deux pages pour simuler un empire, son commerce, ses armées, ses relations extérieures et ses merveilles culturelles. Le pari était audacieux mais M. Laget l'a fait. Il lui a fallu dix ans mais il l'a fait.

Toge, glaive et Amphore, Mare Nostrum pose le décor.

Ah la méditerranée ! Carrefour de trois continents et berceau de glorieuses civilisations. Le jeu nous propose justement de prendre la tête d'une des grandes nations méditerrannéennes qui a marqué l'époque antique (Rome, Carthage, Grèce, Egypte ou Babylone). Chacune avec les spécificités offertes par son leader.. Pour César des forteresses et des légions bon marché. Pour Hannibal, des légions d'élites. Périclès, lui, pourra compter sur ses trirèmes grecques à la fois puissantes et bon marché tandis que Cléopâtre bénéficiera d'un avantage économique. Enfin, le Babylonien Nabuchodonosor tirera, quant à lui, parti de son influence politique.

La criée des marchands, les chuchotements des diplomates et les cris de guerre des légionnaires.

Un tour se divise en trois phases complétementaires : commerce, politique (construction) et militaire. Lors de la phase commerce, les joueurs vont pouvoir s'échanger des cartes qui vont servir à construire bâtiments, armées, monuments ou héros au cours de la phase politique et enfin la phase militaire qui est consacré aux déplacements des troupes et à la confrontation.

Celui, qui dans son empire, a le plus de possessions relatives à une phase en devient le maître. Un statut qui lui accorde un privilège comme celui de choisir l'ordre du tour.

Exprimé ainsi, le jeu peut paraître basique mais ce qu'il faut comprendre c'est que chaque phase possède ses règles spécifiques à la fois sobres et retorses.

Il ressort de ces mécanismes l'un des points forts de Mare Nostrum, l'équilibre entre les différentes phases. Commerce, ''politique'' et militaire s'entremêlent et même s'il est possible dans privilégier une, il sera simplement impossible de se passer des deux autres sans se laisser rapidement distancer. A ce titre, MN est un digne représentant des jeux de civilisation qui, à la différence des jeux de conquête, ne laisse pas le combat prédominer sur la partie.

Sobriété et élégance

Comme souvent dans les jeux longuement travaillés, la simplicité et l'élégance des règles sont impressionnantes. Après seulement quelques tours, on est pris dans l'évidente mécanique du jeu. Les phases s'écoulent avec une fluidité déconcertante et, peu à peu, l'angoisse grandit. Faut-il faire confiance au pacifisme proclamé de notre voisin grec ou au contraire assurer en fortifiant ses positions quitte à laisser son ascendant commercial si durement acquis à la perfide Cléopâtre ?

Une partie de Mare Nostrum donne naissance à cette tension qui sont l'apanage des bons jeux de stratégie laissant au joueur suffisamment de ''bons choix'' pour faire naître le dilemme sans pour autant que le jeu ne devienne illisible.

Tout colosse a ses failles.

En effet, certains seront peut-être gênés par la faiblesse récurrente du joueur grec sans doute dû au contexte réaliste (je vous renvoie sur le fameux article d'Ertaï sur le sujet) mais ce défaut ne retire pas au jeu son plaisir. A ce problème d'ailleurs, des solutions plus ou moins complexes et élégantes existent sur le net. La plus simple étant encore de laisser cette place aux joueurs qui comme moi sont habitués aux défaites systématiques.

D'autres ne seront pas forcément emballés par la parte ''antique'' et la sobriété des illustrations que je trouve pourtant parfaitement dans le ton du jeu. D'autant que le reste du matériel, les dès et les pions en bois, est plutôt agréable.

Enfin, les plus tatillons regretteront une fin qui arrive un peu comme un cheveux sur la soupe. Se payer une quatrième et dernière carte monuments ou héros, on a déjà vu plus glamour comme victoire mais après tout, comme dans l'Odyssée d'Homère, le plus passionant dans l'histoire ce n'est pas l'arrivée mais bien le voyage.  

EDIT

J'ais oublié une chose. Le jeu a eu droit à une extension. Elle rajoute un sixième joueur (les atlantes) et le bout de plateau qui va avec (''l'Espagne'' et le ''Maroc''). Elle inclue également au jeu une nouvelle phase, religieuse, qui permet de prendre le contrôle de créatures mythologiques (tiens ça me rappelle quelque chose...).

Vous l'aurez peut-être remarqué, je parle de cette extension au présent et pour cause. Si Mare Nostrum est épuisé depuis pas mal de temps déjà, l'extension est encore en vente chez Asmodée.

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11 Commentaires

  • De ce que tu expliques, le principe de jeu ressemble à "7 Wonders" auquel on a joué à la précédente AGCon chez Ertaï mais je retires tout de suite ce que je dis car il y a des différences notables notamment la présence d'un plateau avec des pions à déplacer.

    En tout cas la présentation donnes envie d'essayer smile

  • Je le veux chez moi !

    Il y a tout de même un défaut majeur dans ce jeu je trouve, ce sont les ressources qui ne servent pratiquement à rien. C'est dommage car il y a quelque chose à faire là-dessus, or justement il y a systématiquement suffisamment de ressources pour ne pas avoir besoin de faire de commerce. Dommage.

  • Il faudrait qu'on refasse une partie Drago, je me suis un peu planté sur les règles la fois ou on a joué. Du coup, ce que tu dis est un peu moins vrai.

    (Pour entrer dans les détails, on avait joué comme si on pouvait cumuler pour construire une combinaison de ressources différentes et des cartes impôts. Ce qui n'est pas possible normalement).

  • Comme quoi ça compte quand même énormément dans notre appréciation d'un jeu, quelle que soit le temps de maturation et la qualité des règles de Mare Nostrum, je n'ai pas réussi à passer outre l'aspect vieilli du jeu qui ne me plaît absolument pas. Je préfère, et de loin, les graphismes de 7 Wonders qui se rapportent pourtant à la même période. Je fais donc bêtement l'impasse visuelle sur un jeu qui est sûrement très bien pensé, mais je n'y peux rien...

    Je remets quand même en plus grand le petit détail visuel de la boîte qui m'a fait sourire quand j'ai cherché une vignette à apposer à cet article :

  • Le détail que tu as mis en vignette Ertaï n'est pas sur la boite originale du jeu. Quant à l'aspect visuel du jeu, il faut également se rappeler que le jeu a presque 10 ans. Le travail d'illustration dans le jeu de société est beaucoup plus exigeant aujourd'hui.

  • Ok, ce serait un gros plus que les ressources soient mieux gérées. Par contre, l'aspect visuel ne m'a pas du tout choqué, j'ai un peu de mal à comprendre à quoi tu fais référence Ertaï wink (surtout que j'ai 7 Wonders chez moi également).

    Une question bête : quelles sont les dimensions du plateau ?

  • J'ai écrit une petite chose sur l'apparence du jeu dans ma critique à la demande d'Ertaï. En vérité, on peut raisonnablement douter des goûts d'un amateur de l'esthétisme des jeux allemands.

    Les dimensions du plateau que j'ai mesuré pour toi sont de 76 sur 58.

  • Dragoris a écrit :

     l'aspect visuel ne m'a pas du tout choqué, j'ai un peu de mal à comprendre à quoi tu fais référence Ertaï

    Je ne sais pas, ce n'est pas parce que le thème d'un jeu est l'antiquité qu'il faut que les illustrations fassent ternes et vieux. C'est comme si à l'époque tout ce qu'ils construisaient avait instantanément l'air vieux et usé. Je trouve que ça manque de couleur et plus généralement de vie, ce qui nous rappelle, si besoin l'était, qu'on joue avec des civilisations mortes. Je préfère les graphismes de 7 Wonders parce qu'on n'a pas l'impression de jouer avec des pièces de musée mais au contraire d'être replongé directement dans cette époque, quand elle battait son plein. Au-delà de la qualité des graphismes même, c'est donc pour moi un problème d'immersion dans l'univers du jeu.

  • Tu es peut-être plus sensible à ce genre de visuel.

  • Absolument oui, cela me donne l'impression que le jeu est plus vivant. Après tout n'est qu'une question de goût, hein.

  • Haha ! C'est Olympos, un jeu dont je t'avais fait part il y a un mois par un mail (mais où j'ai oublié de mettre le lien lol, je m'en rends compte a posteriori). Le concept a l'air sympa et le visuel aussi smile

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