A la poursuite de demain (Tomorrowland)

Le XXIe siècle est une époque géniale. Nous vivons l’avènement d’une nouvelle culture, celle du numérique, qui est certainement le plus grand basculement de civilisation depuis l’invention de l’écriture. De plus, nous approchons de la fin d’un système social et économique qui s’était révélé à la fois inique et destructeur pour notre planète. Nous devrions être à l’ouvrage pour forger plein d’entrain un nouvel avenir. Au lieu de cela, les plus malins d’entre nous devisent avec cynisme sur la médiocrité de la nature humaine. Je le redis, le XXIe siècle est une époque exceptionnelle. L’Homme de ce siècle par contre...


Voilà le thème du nouveau film de Disney. Nous faire renouer avec l’espoir et l’optimisme qui avait encore cours deux générations plus tôt.

Bioshock version Disney

L’histoire part d’une jeune fille intelligente et pleine de volonté. Elle ne baisse pas les bras et se pose plein de questions. Après l’entrée en scène d’une jeune fille qui n’est pas ce qu’elle semble être et d’un pin’s publicitaire, elle découvre un monde caché et merveilleux, le futur. Un George Clooney et un Hugh Laurie plus tard on découvre qu’elle est le seul espoir à la fois pour ce monde et pour le notre.

Dans le pitch de ce film, somme toute assez classique, il y a deux éléments vraiment intéressant. D’abord, ce que j’expliquais en introduction : L’opposition entre le fatalisme supposé de notre époque et le fol espoir en l’avenir des années 50. Ensuite, l’aspect “physique” de cet autre univers qui, lui, n’a jamais perdu sa foi dans le progrès. Evidemment, dans cet autre monde quelque chose a dérapé et le film se base essentiellement dessus.

Ce qui est dommage, et je commence là un long chapelet de regrets, c’est que cet aspect dystopique n’est pas vraiment développé. Le temps de film passé dans cet autre monde est négligeable. Néanmoins, je comprends très bien d’où viens ce parti-pris. Un monde en pleine déchéance ne fait pas très familial. N’oublions pas qu’il s’agit d’un Disney.

Par contre, ce que je ne comprend pas et qui est, du coup, beaucoup moins pardonable selon moi, c’est l’absence d’explication. Notre monde va mal, c’est justifié dans le film (j’y reviendrai) mais lorsqu’on arrive dans l’autre monde, on le découvre à moitié à l’abandon. Et cette décadence n’est absolument jamais expliquée. A moins de l’avoir loupée, à aucun moment les personnages n’en font mention. Qu’un film ne nous prenne pas par la main et ne nous explique pas par le menu tous les éléments de l’intrigue, ça ne me dérange pas. J’apprécie même le fait de ne pas être pris pour un crétin. Mais il faut alors qu’il suive sa propre cohérence, qu’il y ait une certaine logique décelable. Il me manque peut-être quelques points de QI mais personnellement, je n’ai pas trouvé. J’ai quelques vagues soupçons mais pas assez pour le film tienne.

Quand a l’explication sur la raison du déclin de notre planète, je suis hum... D’accord, le message se veut optimiste mais de là à dédouaner totalement la population et le système je trouve ça... C’est tiédasse. On ne prend pas de risque, on ne reproche rien à personne. C’est presque aussi nul que l’archétype du vilain méchant pollueur. J’aurais préfèré quelque chose de plus subtil et finaud.

Twist final : check... Fin du méchant : check...

Pour résumé, le thème est sympa et l’histoire un peu trop timide. Le plus gros problème du film n’est pas là. Son plus gros problème, c’est qu’il s’agit d’un film familial Disney calibré comme tel. Sur le plan narratif, tu en as vu un, tu les as tous vus. Aucune surprise sur le déroulé de l’histoire.

Pourtant, il y avait de quoi espérer avec un bon thème, un personnage principal beaucoup moins effacé que je le craignais (l’actrice Brittany Roberson joue très bien) et un méchant moins crétin que d’habitude.

Malheureusement, le méchant est comme l’autre monde, sous-exploité. Sa fin est presque honteuse tellement elle est téléphonée. Et le petit twist final se repère à des kilomètres. Pourtant, je suis pas finaud pour ce genre de chose. Bref, la narration de ce film c’est comme le fauteuil de grand-mère. Confortable certes mais ça sent plus la naphtaline que l’aventure.

Le pire, c’est la fin. Elle n’explique rien. On ne comprend pas comment ils ont sauvés le monde (Ah oui, parce qu’ils sauvent le monde à la fin). Faut juste les croire sur parole. Ok.

On passe quand même un bon moment

Quel dommage. Vraiment. Un film optimiste c’est exactement ce dont j’avais besoin en ce moment. C’est sans doute pour ça que j’ai malgré tout passé un bon moment. Je regrette le manque d’ambition du projet mais ce qui manque, je le comblerai avec mon imagination. Le film m’a quand même donné la pêche et c’est sans doute l’un des buts de Disney.

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10 Commentaires

  • Désolé, je n'ai pas (encore) visionné ce film.
    Le titre incite à penser que demain est une chimère.

    Cathaseris a écrit :

    Le XXIe siècle est une époque géniale. Nous vivons l’avènement d’une nouvelle culture, celle du numérique, qui est certainement le plus grand basculement de civilisation depuis l’invention de l’écriture.

    Ça mériterait un article dédié. Où l'on pourrait partager notre expérience de ce nouveau monde d'opportunités. Au premier abord ça paraît en effet assez enthousiasmant. Au final j'ai un peu le sentiment que le côté mercantile l'a emporté sur l'utopie initiale d'une expérience constructiviste collective. Beaucoup de bons outils de propagande. Trop peu d'outils de création partagée, trop mauvais, trop administrés.

  • J'ai un exemple, c'est wikipédia. Souvent décrié pour son manque de fiabilité, il est pourtant utilisé par tous. Pour moi, il représente parfaitement cette nouvelle culture. La connaissance n'est plus l'apanage de quelques savants qui nous la prodigue généreusement à nous, béotien. Une vision très verticale de la transmission de savoir. Aujourd'hui, le savoir est l'affaire de tous et chacun y va de son expertise, débattant avec d'autres pour déterminer la vérité la plus consensuelle à un instant précis. C'est connaissance qui n'est pas, comme l'encyclopédie, gravé dans le marbre et par conséquent très vite obsolète dans notre monde ou les découvertes vont si vite. C'est un savoir protéiforme, multigénique et en constante évolution.

  • Mais la wikipedia actuelle est-elle toujours ce truc coopératif des débuts ou un nouveau système avec une autre forme de hiérarchie, notamment de ceux qui savent wikifier dans les normes de wikipedia ?

  • Tous les projets de ce genre connaissent une phase d'expérimentation, où les gens tâtonnent, découvrent et s'enthousiasment sur ses qualités. Souvent, on lui prête un peu trop de vertus. Puis viens une phase de maturation, où certains usages disparaissent et d'autres s'ancrent et se développent.

    Wikipédia a atteint cette phase de maturation, elle a crée ses propres usages. Cela fait partie d'un processus normal. Il n'y a rien de choquant là-dedans.

  • Je n'y trouve rien de choquant, je m'interroge juste sur le fait que ce soit toujours quelque chose d'alternatif. Une encyclopédie conventionnelle est le résultat d'une collaboration d'experts fondée sur des consensus. Wikipedia est-elle différente de ça aujourd'hui ?

    Par ex je ne vois pas trop l'évolution par rapport aux méthodes normales lorsque wikipedia s'est mise à décider qu'il fallait, comme tout le monde, mettre des tonnes de citations de sources. Et sauf à ce que je fasse preuve d'un manque de bol sidéral, les liens vers les sources dans wikipedia sont toujours à 80% morts... alors quel intérêt d'en mettre ? n'est-ce pas rater un embranchement vers ce "C'est un savoir protéiforme, multigénique et en constante évolution. " ? Ne pourrait-on pas imaginer une autre manière de "fiabiliser" ce qu'on raconte ? On recherche la légitimité vers un expert (la source) plutôt que vers le fait qu'une communauté a partagé quelque chose (ce qui me semblerait pourtant plus proche des buts originels).

  • Je ne comprends pas vraiment le sens de cette critique...

    Reprenons les différences entre wiki et une encyclopédie écrite :

    - Une encyclopédie fige le savoir à un moment précis (quand il a été écrit). Wikipédia est en évolution constante.

    - Une encyclopédie est issue d'une collaboration de savants apportant un point de vue d'experts qui ne peuvent pas être directement contredit. Wikipédia est issue d'un débat d'individus dont les points de vue sont immédiatement soumis à la controverse, ce qui les contraints à étayer leurs affirmations par des arguments et des preuves.

    - L'encyclopédie est conçu comme le condensé du savoir d'une époque. Wikipédia est une source de connaissances parmi d'autres. Connaissances qui doivent être étayées par d'autres sources.

    En fait, l'existence même de références prouvent bien la différence de philosophie entre l'encyclopédie et wikipédia. Wikipédia est une somme de savoirs rapportés par une communauté bénévole mais il est nécessaire de trouver des garde-fous pour que le site ne devienne pas une guerre d'écoles permanents ou un repaire de mauvaise foi sectaire. Pour cela, il faut discuter, débattre, apporter des preuves, écarter ce qui paraît douteux, aller au consensus. Ce débat, nous pouvons tous le voir mais, encore mieux, nous pouvons y participer.

    De plus, penses-tu vraiment que si wikipédia n'était finalement qu'une encyclopédie comme une autre, elle serait tant décriée ?

  • Je ne mets pas en doute la neutralité de Wikipédia mais je ne crois plus à son indépendance financière.
    La plupart des gens pense que Wikipédia vit de ses généreux donateurs.
    C'est vrai.
    Sauf que ses plus généreux donateurs sont Google et Bing.
    J'avais une source fiable pour étayer cette information, hélas je l'ai perdue.
    Cependant il suffit de regarder en haut de la colonne de droite pour se convaincre qu'il y a un partenariat entre Wikipédia et les plus gros moteurs de recherche :


    Après il faut voir le côté positif : Wikipédia ne nous harcèle plus avec des appels au don.
    Edit : chez Google ce partenariat officieux porte le nom de Knowledge Graph avec tout plein de jolies vidéos pour vous convaincre que c'est une révolution.

  • Oui, vous avez raison tous les deux. Wikipédia n'est pas une utopie anarchiste. Ce n'était pas non plus mon propos. Je ne voudrais pas que l'on s'enferme dans ce qui n'était, finalement, qu'un exemple d'un sujet plus large. La société change. Pas en mieux. Pas non plus en moins bien. Elle change, c'est tout. Wikipédia n'est qu'un des innombrables témoignages de ce changement. Tout comme le sont les tablettes numériques, les réseaux sociaux, le financement participatif ou candy crush saga.

    Je ne suis pas à m'extasier devant tout cela. Je dis simplement que c'est une évolution de nos pratiques sociales et, qu'au lieu de faire son Finkelkraut et de tout rejeter en bloc sous prétexte que tout était mieux avant, il vaut mieux avoir une attitude positive. Commencer par s'enthousiasmer des nouvelles possibilités qu'elles apportent plutôt que de tout de suite s'inquiéter de leurs effets néfastes. Chercher à comprendre et accepter l'idée d'être surpris n'est pas simple. A nous d'aller un peu à l'encontre de nos a priori.

  • Oui, il y a de nombreux signes qui donnent à penser que nous vivons une époque charnière. D'un côté c'est intéressant.

    D'un autre côté c'est angoissant parce que tout se précarise. À commencer par les savoir-faire des technophiles. Je ne crois pas à la "fracture numérique", à cette idée que le monde appartiendrait aux privilégiés qui cliquent tandis que les autres surnagent dans le marécage de l'ancienne économie. Il y a également beaucoup de précarité dans les métiers des nouvelles technologies. Et ceux qui y trouvent leur place déchantent vite. La réalité des métiers des nouvelles technologies n'a rien à voir avec le projet de bâtir un monde meilleur.

    Ceci dit, "renouer avec l’espoir" ça peut difficilement être une mauvaise chose. Moi je veux bien.

  • "Renouer avec l'espoir" est pour moi une phrase creuse avec laquelle personne ne peut être en désaccord, du coup cela n'avance à rien de la dire, sauf pour obtenir des applaudissements nourris dans une salle aux opinions hétérogènes.

    Pas étonnant donc que le film échoue dans cette optique, surtout quand il s'agit d'un espoir qui avait cours à une époque donnée, qui était dépendant d'un contexte qu'on ne pourra jamais reproduire.

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