Facebook m'a tuer

Facebook a récemment conditionné mon accès au service à l'envoi d'une pièce d'identité corroborant le nom que j'utilise actuellement (Hypolite Petovan). Ne souhaitant pas me soumettre à cette démarche, mon compte Facebook est donc brutalement décédé.


Un peu d'histoire

Quand j'ai eu un accès régulier à Internet à partir de 2002, j'ai immédiatement adopté une seconde identité quand on m'a demandé d'en décliner une. A l'époque, j'avais choisi Ertaï parce que je manquais déjà d'imagination, mais j'ai quand même conservé ce peudonyme jusqu'en 2006 où je suis passé à Hypolite Petovan, parfois simplement Hypolite, parfois MrPetovan, parce que ma compagne a plus d'imagination que moi et que j'étais sûr qu'il n'y aurait pas deux Hypolite Petovan sur Internet.

En parallèle, j'avais pris d'autres mesures de sécurité pour ne jamais révéler mon vrai nom sur Internet, comme de ne pas inclure mon nom et mon prénom en entier dans mes adresses e-mails, mais juste les premières lettres. Depuis lors, j'ai confié mes noms, prénoms, adresses et numéros de carte bancaire à plus de sites Internet que je voudrais bien l'admettre, mais le fait est que l'identité d'Hypolite Petovan est restée. Elle a même sauté le pas dans la vraie vie après avoir participé à des rassemblements de personnes rencontrées sur Internet. Actuellement, je réponds autant à Hypolite qu'à mon prénom de naissance.

La croisade d'authenticité de Facebook

Mais revenons à Facebook. le réseau social a entrepris depuis début 2011 d'exiger l'utilisation de son identité officielle sur le réseau. Cette mesure, loin d'être une contrainte légale que ce soit aux Etats-Unis où la firme est implantée ou en France, est un parti pris censé responsabiliser les utilisateurs du réseau quand à ce qu'ils écrivent. C'est en partie vrai, Twitter est malheureusement un excellent exemple de ce que l'anonymat peut permettre en matière de harcèlement, mais seulement en partie. L'utilisation de son vrai nom n'empêche pas les insultes de fuser ni le harcèlement par message privé. D'autres mesures comme le blocage permettent un traitement plus local du harcèlement, mais au final, rien ne peut empêcher une personne d'en harceler une autre, surtout si elle se connaissent dans la vraie vie (camarades, collègues, etc...).

Le problème est que cette obligation fait des dégâts collatéraux. Entre les cyberactivistes qui risquent la prison pour avoir diffusé des textes subversifs contre leur gouvernement autoritaire, les personnes transexuelles qui ne se reconnaissent pas dans leur prénom de naissance et enfin ceux qui ont un vrai nom trop improbable pour être vrai, cette mesure ratisse beaucoup plus large que la simple lutte contre le harcèlement.

J'utilise cette identité depuis 2006 sur Facebook, et je n'ai pas l'impression d'avoir harcelé qui que ce soit. Qu'est-ce qui a motivé la mise sur la sellette de mon compte ? Pourquoi maintenant ? Je ne le saurai sans doute jamais. J'ai décidé de ne pas me plier aux exigences de Facebook, que ce soit en fournissant une pièce d'identité qui changerait le nom affiché sur mon profil (j'avais renseigné mon vrai nom dans un champ caché pour permettre aux personnes me connaissant en vrai de me retrouver) ou en plaidant ma cause auprès d'un service client que je n'imagine pas forcément compréhensif.

Rubrique nécrologique

De ce fait, mon compte Facebook est bel et bien comme celui d'un mort, car je n'ai pas la capacité de le faire définitivement fermer, et de la même manière je ne compte pas supplier le support technique de le faire à ma place. Indéfiniment gelé, il conserve toutes mes interventions sur le réseau social, mais l'activité d'Hypolite Petovan s'interrompt brutalement le Lundi 29 Février 2016, que ce soit sur mon mur ou sur Messenger, l'application de messages instantanés liée à un compte Facebook. Heureusement je n'ai pas utilisé le login Facebook sur beaucoup de sites tierce partie, car leur accès avec mon compte actuel m'est également impossible.

Je dois avouer que cela me touche beaucoup. D'une certaine manière, cela souligne le succès de Facebook à constituer une seconde réalité où tout le monde réel pouvait s'y retrouver. La mort de mon compte va rendre ma communication virtuelle avec ma femme, ma famille et mes amis beaucoup plus compliquée. Facebook était un nexus de communication diablement pratique pour moi, et je vais devoir ramer pour rétablir le contact avec certaines personnes. Je ne vais plus pouvoir faire la promotion de mes écrit aussi facilement qu'avant non plus.

Quelles alternatives ?

J'ai passé une partie de ma journée à m'intéresser à Google Plus sur lequel j'ai recréé la structure qui me permettait de diffuser mes articles sur Facebook. J'ai dépoussiéré la page du Refuge d'Aerie's Guard, créé la page de la version anglaise du Refuge, créé deux communautés respectives liées à ces deux pages, configuré dlvr.it et Buffer pour poster automatiquement les nouveaux articles publiques de chaque version sur la page Google Plus correspondante.

Le moins que je puisse dire, c'est que Facebook a de beaux jours devant lui. L'interface de Google Plus déjà peu intuitive et ralentie par d'incessantes animations est actuellement en transition vers une nouvelle version à laquelle manque un certain nombre de fonctionnalités au nom de la simplification. Je ne sais pas laquelle est la moins pire, mais aucune n'est aussi simple à utiliser que Facebook tout en présentant l'intégralité des fonctionnalités du réseau social.

J'évidemment pensé à Diaspora* ou encore Ello (ne riez pas dans le fond) mais l'un et l'autre n'accueillent pas autant de gens que je connais que Facebook ou même Google Plus. Ce dernier représente ma meilleure chance de recréer l'environnement social dont je disposais sur Facebook, même si je ne me fais pas beaucoup d'illusions. Et puis rien ne dit que Google ne commencera pas à exiger de vrais noms dans le futur.

Conclusion

Combien de temps arriverai-je à tenir sans Facebook ? Je ne le sais pas moi-même mais à part l'envie machinale d'ouvrir le site web ou l'appli que j'ai remplacée par Google Plus (avec un gain de temps certain puisqu'il ne s'y passe rien !), je n'ai pas ressenti de manque particulier aujourd'hui. S'il me prend l'envie de parler à de vrais gens, j'ai toujours les numéros d'amis français et new-yorkais, et pour l'écriture, le Refuge est encore là pour cela. C'est peut-être ma plus grande satisfaction dans cette histoire sordide : être le presqu'absolu propriétaire des articles que j'écris ici, publiés sur mon site hébergé sur un serveur que je loue personnellement.

(Bannière extraite de l'émission vidéo "Facebook m'a tuer" sur le site de l'Express, utilisée sans permission)

Laissez un commentaire

19 Commentaires

  • grr
    Est-ce que tu peux visionner le replay de Cinésix à l'aide de ton compte Facebook?

  • Vu que moi non plus je n'utilise pas mon vrai nom sur Internet (genre, jamais sauf pour les sites du gouvernement - APB, CROUS, insérer acronyme abscon ici), tu me fait peur ! Va falloir que je vérifie tous mes comptes gérés via Facebook , ça fait chier. D'autant plus que c'est mon seul moyen de communication fiable (régulier) avec mes amis de l'année dernière.. frown

    T'as pas pensé à refaire un compte avec un pseudo plus probable ? Genre Jean-Marc Sertu ou un truc dans le genre.

  • Bienvenue au club.

  • Donc sur facebook, ce n'est plus possible d'utiliser un pseudonyme ? c'est pas comme si la pratique n'était pas répandue dans les milieux de création artistique !

    Bon perso je m'en fiche vu que j'ai pas de page facebook (la seule que j'avais créé était au nom de prénom = moi, nom = lereste, j'imagine que j'aurais reçu un avis aussi ouf )

    En tout cas ça me laisser perplexe. les pseudo et avatars font pour moi partie de l'identité numérique depuis le départ, tenter de les virer me semble assez ridicule.

  • @SpiceGuid : Non, mais c'est c'est parce que pour des raisons de droits, ce replay n'est disponible que sur l'application 6play. En tout cas c'est ce que l'on me dit.

    @martin_zepigue : Tu peux effectivement numéroter tes abattis si tu ne veux pas exposer ton vrai nom sur Facebook. Cependant, je ne sais pas pourquoi j'ai été visé particulièrement maintenant. Tu ne risques peut-être pas grand-chose si tu ne te fais pas activement dénoncer, mais je n'en sais pas grand-chose.

    Sinon, il y a évidemment des moyens de plus ou moins contourner l'obstacle, mais là c'est plutôt une question de principes que d'autre chose. Ce serait pour moi aussi douloureux d'abandonner mon identité Internet actuelle, que ce soit pour mon vrai nom ou pour un autre faux nom, même vraisemblant. D'autre part, je contreviendrai de nouveau aux conditions d'utilisation qui interdisent le multi-compte.

    @Kyradax : Qu'est-ce que tu as fait du coup, toi ?

    @Le Bashar : La mesure a été introduite en 2011, mais en 2015 ils ont assoupli le système devant la gronde générale. Les artistes sont maintenant exemptés d'utiliser leur vrai nom pourvu qu'ils justifient une utilisation répandue de leur pseudonyme. Encore une fois, il faut montrer patte blanche.

    Je trouve cela aussi ridicule, mais cela montre juste à quel point Facebook se superpose avec la réalité. Finalement, on sort d'un monde exclusivement numérique pour entrer dans un monde hybride dont je ne reconnais pas vraiment l'intérêt pour moi (même si je reconnais l'intérêt pour les gouvernements et les annonceurs), du coup j'en sors.

  • Et qu'est-ce qui t'avait éloigné de Twitter pour le coup ? Ce n'est clairement pas la même chose, certes. Mais pour ce qui est de s'exprimer publiquement sur des opinions, posts, etc., ça le permet aussi, ils ne cassent pas les pieds avec l'identité (et il parait qu'il veulent relever la limite de caractère, plus besoin d'être inventif pour faire tenir les noms d'oiseau ou les arguments refaisant l'intégralité du monde en 140 caractères).

  • @Kyradax : Qu'est-ce que tu as fait du coup, toi ?

    J'ai supprimé mon compte le 10 mars 2013 pour des raisons philosophiques smile

  • Je suppose que mon "Teaumate Origine Espagne" n'en a plus pour longtemps. C'est effectivement pénible, je n'ai pas envie de mettre mon vrai nom avec sa vraie orthographe, mais facebook me manquera sérieusement, puisque c'est ce qui me permet de suivre de près l'actualité de mes amis artistes, vernissages et cie. Ayant fini mes études depuis quelque temps, je n'ai plus de point de rdv quotidien avec mes amis, et c'est très facile d'oublier quelqu'un dans un sms groupé pour un événement, soirée, sortie etc.
    Quelle idée aussi, de gérer notre vie sociale par le biais d'une société privée.

  • Désolé pour toi. Le pire c'est qu'au final Facebook a conservé toutes les données et peut sans problèmes les restaurer a tout moment.

    Perso je me souvient que quand j'ai créé mon compte, c'était uniquement pour rester en contact avec mes anciens potes de lycées, sans quoi je m'en serais très bien passé. Il avait refusé mon pseudo usuel "Human Ktulu" en prétextant que ce n'était pas mon vrai nom. J'ai donc utilisé mon vrai prénom avec mon pseudo en diminutif, bizarrement plein de gens s’appelle dans le monde "Joel HK" ouf . Depuis j'y ai greffé mes colègues de boulot et le syndic de copro ...

    L'histoire de Ertaï montre une fois de plus que nous sommes pas propriétaires de nos données personnelles. Et google ne vaux sans doute pas mieux.

    Il y aura sans doute un jour une transition vers une identité numérique qui sera prédominante et nos papiers ne deviendrons que des reliques complètement sans valeurs. Les grands pays se préparent a cette transition en essayant de contrôler le stockage d'un maximum de données, c'est a dire que même en étant Français, si ton identité numérique est stocké aux USA ils pourront sans problème t’effacer en dehors de toute législation et sans aucun recours. Une arme de dissuasion redoutable plus puissante qu'une bombe nucléaire ...

    Un grosse étape a déjà été franchis il y a 10 ans quand la bourse de Paris c'est retrouvé dans un petit village paumé d'Angleterre avec quelques autres pays ...

  • @Ragnarork : J'ai passé un peu de temps sur Twitter lors des débats parlementaires sur le mariage pour tous, mais la difficulté de me constituer une timeline qui me plaise sans me submerger (je lisais tous les tweets, tous) m'a fait abandonner.

    @Kyradax :

    @generalmind : Ah je vais clairement perdre de vue tout un tas de gens dont j'aimais bien ce qu'ils publiaient sur Facebook mais qui ne publient pas ailleurs. Est-ce vraiment une grosse perte ? Pas forcément, maintenant que j'y pense. La qualité de Facebook est aussi de faire croire que tu maintiens un contact ou que tu pourrais réactiver un contact quand tu veux, alors qu'en réalité tu ne le fais jamais (comme tes lointains camarades de collèges/lycées).

    @Human Ktulu : C'est l'une des réalisations de la suspension de mon compte Facebook. Tant que je m'en occuperai, il y aura toujours le Refuge, et tant pis si les moyens de promotion des articles changent de temps en temps.

  • Il va falloir qu'on se trouve tous les deux une manière alternative de communiquer. Nos discussions sont, tu le sais, très importantes pour moi.

  • Je suis maintenant disponible sur Google Hangout, par intermittence sur Skype, je peux venir sur IRC si on convient d'un rendez-vous, et il reste les SMS ou même, grands dieux, le téléphone ! surprised

  • @Cathaseris : Ertaï est trop modeste pour te rappeler qu'il y a bien évidemment les conversations AG wink

  • Je me suis livré a un petit exercice : rechercher des caricatures critiquant ou se moquant de Facebook, ben je n'ai pas trouvé !!! Il y a bien quelques caricatures, mais qui sont plutôt en sa faveur.

    Qu'est-ce qu'un média que l'on ne critique pas ?

  • @SpiceGuid : Ah oui tiens c'est vrai nuts

    @Human Ktulu: Je crois que tu te trompes de catégorisation. Facebook n'est pas un média au même titre que le Huffington Post ou le Monde, par exemple. Facebook ne créée pas de contenu lui-même, il permet juste à ses utilisateurs de partager le leur. De ce fait, Facebook n'a pas de parti pris en lui-même dont on pourrait se moquer. Je me demande ce que donnerait une recherche de caricatures sur Mark Zuckerberg, je pense que ce serait plus fructueux, car lui a des partis pris et les exprime, souvent sur la plate-forme qu'il a contribué à bâtir.

    En gros, ce n'est pas parce que tu n'as pas trouvé de caricatures sur Facebook en lui-même que c'est inquiétant, mais ce n'est pas non plus parce que ce n'est pas un média au sens où tu l'entends qu'il est exempt de toute critique non plus. Rappelle-toi de la controverse autour de la suppression d'une image de l'Origine du Monde par Courbet. Cela ne prend juste pas la même forme que pour les médias classiques.

  • En ce qui concerne Twitter, ça fait bien longtemps que j'ai abandonné le site de base pour passer à Tweetdeck. Oh, et que j'ai arrêté de vouloir tout lire. C'est absolument impossible passé un certain nombre de tweets...

    Pour ça, je suis passé pas mal aux listes (que tu peux afficher facilement et séparément dans Tweetdeck), et là selon le sujet, tu peux suivre plus facilement. C'est pas parfait, mais c'est quand même bien plus simple et pratique que le fil unique...

    Et tu parles d'un truc, le "Téléphone". Mais qu'est-ce donc? sourire

  • J'ai utilisé moi-même Hootsuite, mais comme je l'ai dit après le vote sur le mariage pour tous, j'ai senti que je perdais mon temps soit à essayer de tout lire (et sinon, à quoi bon ?), soit à séparer ce qui m'intéressait du bruit. Le problème est que je ne m'intéresse pas assez à un sujet particulier pour vouloir m'en constituer une timeline entière. Comme j'ai plusieurs intérêts modérés, je dois constamment passer des tas de tweets trop pointus ou trop fournis sur un sujet précis, ce qui ajoute d'autant à mon impression de manquer plein de trucs. Au moins, si je ne lis rien, je sais que je rate tout, ce n'est plus une peur, c'est une certitude !

  • De toute façon, est-ce utile de devoir tout suivre ? In fine, qu'est-ce qu'il reste en mémoire lorsque tu tiens à tout suivre ? Tu finis par ne plus te souvenir de qui a lancé telle petite phrase, qui a impacté le débat, etc. Il ne reste plus que l'impression générale, et peut-être quelques détails.

  • Tu as répondu tout seul à ta question ! Comme tu l'as constaté, si je préfère ne rien suivre que de suivre à moitié, l'important n'est pas le contenu suivi lui-même, mais juste l'impression générale, celle de ne rien avoir manqué, d'être à jour, d'être au courant.

Laissez un commentaire

Vous devez être connecté pour commenter sur le Refuge. Identifiez-vous maintenant ou inscrivez-vous !


Marre des pubs ? Inscrivez-vous !