Je me suis finalement résolu à regarder Mad Max : Fury Road, le quatrième opus d'une série de films tournés par George Miller commencée en 1985. Le trailer ne m'avait pas vraiment envie de regarder le film en entier, et j'aurais très bien pu m'en passer. La curiosité a été la plus forte, et je ne sais pas si c'est un bien ou un mal.
Avertissment : Cet article est destiné à des lecteurs ayant déjà vu le film. Vous avez été prévenus. Je ne recommande pas le visionnage du film, cependant.
Un féminisme absent, des fantasmes omniprésents
Les premières critiques que j'ai lues à propos de Mad Max : Fury Road avant de voir le film louaient le film pour avoir fait d'Imperator Furiosa le personnage principal du film, même devant Max Rockatansky, ce qui témoignerait, sinon d'un féminisme, au moins d'un progressisme évident. Si je suis d'accord que le personnage de Max est complètement accessoire, je ne considère pas que le personnage d'Imperator Furiosa est beaucoup mieux loti. Certes, elle a su s'élever dans les rangs universellement masculins des War Boys, mais sa tentative d'évasion échoue lamentablement avec la triste découverte de la disparition de l'oasis nommée Green Place ("endroit vert") et c'est finalement Max qui sauve la situation en suggérant de revenir à la Citadelle. Les autres femmes à l'écran se partagent sans aucun intermédiaire entre jeunes nymphes et vieilles plus ou moins guerrières. Ces dernières font d'ailleurs référence à une sorte de tribu d'amazones qui est un mythe grec. On fait mieux comme féminisme.
Finalement, le personnage le plus riche du film est bien Immortan Joe, suivi de près par le War Rig, le fameux camion-citerne blindé de 2 000 chevaux (sic). Celui-ci a en effet plus de personalité que la majorité des personnages du film. Et je suis convaincu que le ton du film est donné par le fait que le grand méchant du film, tueur, violeur, eugéniste, pervers, despote et misogyne soit le personnage le plus détaillé du film à travers tout ce qu'il a mis en place dans son coin de désert, comme le culte de sa personnalité et du saint V8, la réhabilitation de la raffinerie pétrolière appelée Gastown ("Essenceville") et de la mine de plomb nommée Bullet Farm ("Ferme à balle") et le placement de lieutenants fidèles à leur tête dont la cruauté visible ou supposée rejaillit sur le personnage d'Immortan Joe, et bien sûr par toutes les créations automobiles à l'exception des épisodiques Buzzards. Et ce ton n'est clairement pas féministe, mais au contraire joue sur la plupart des fantasmes masculins. Grosses voitures et camions jusqu'á l'absurde, harem de femmes de toutes les couleurs de cheveux possible, culte de la personnalité, vaches à lait humaines, sacrifice rituel fait de prouesses martiales, armes exotiques à gogo, musique métal, on se croirait dans les rêves d'un adolescent de 15 ans.
Le problème pour moi, c'est que je sais de source sûre que George Miller n'a pas (ou plus) 15 ans, et que ses précédents films n'étaient pas aussi immatures. Que s'est-il passé pour tomber aussi bas dans la flatterie de ses instincts adolescents les plus bas ? Comment se fait-il que tant de gens l'aient laissé faire avec un tel budget ?
La vision apocalyptique déprimante
J'affectionne particulièrement le genre post-apocalyptique parce qu'il permet souvent de révéler nature humaine dans un environnement ultra-hostile. Qui dit nature humaine, dit bien sûr souvent violence et injustice, mais également bonté et altruisme. La plupart des histoires post-apocalyptique se terminent souvent sur une note positive ; les gentils s'en sortent ou sauvent le monde grâce à la confiance, l'honneur ou la camaraderie, bref, des valeurs que l'on croyait perdues à tout jamais. Dans Mad Max : Fury Road, rien de tout ça. Le bébé parfait meurt avec sa mère, le méchant devenu gentil meurt, le méchant qui voulait restaurer un semblant de société meurt, ainsi que ses deux lieutenants ce qui laisse planer des troubles de succession dans Gastown et Bullet Farm, the Green Place a disparu ainsi que le reste du clan des Many Mothers ("les mères nombreuses"). Il n'y a pas d'espoir de salut dans un exode, et Max disparaît dans la foule.
Après tout ce déchaînement de folie destructrice et meurtrière, de gaspillage de ressources et de vies, le retour à la case départ dans un état pire qu'au début m'a fichu un sacré coup au moral. Ce n'est même pas un jeu à somme nulle ; dans ce jeu, tout le monde est perdant. Les War Boys ont perdu leur divinité, Max a perdu sa voiture iconique, Furiosa a perdu le peu de famille qu'elle avait encore du lieu où elle est née, les anciennes captives de Joe ont perdu l'une des leurs, Capable a perdu un petit ami qu'elle n'avait pas avant la fuite, le fils survivant de Joe a perdu un père et un frère, l'approvisionnement en "guzzoline" et en armes à feu deviendra sans doute plus complexe.
Un scénario invraisemblable
Bref, pour la libération de 5 personnes, des dizaines sont mortes et la survie de toutes celles qui restent est remise en question. Au final, la mission de sauvetage a semble-t-il été entreprise par quelqu'un avec des principes moraux de 2015 dans un univers qui n'en admet pas le luxe.
Oui, le viol c'est mal, mais dans l'univers de Mad Max, cela semble être un bien moindre mal que la maladie dont tous les Wretched et War Boys semblent avoir contracté, le risque militaire des convois de ravitaillement, le manque d'eau, de nourriture et d'éducation. Oui, il est normal que les femmes de Joe veulent se rebeller, mais il est difficile de comprendre ce qui a persuadé Furiosa, qui a connu la dureté du monde extérieur, de les mener vers un destin incertain dans un univers ultra-hostile quand elles n'étaient "que" abusées sexuellement, tout autre besoin étant satisfait à un niveau pré-apocalyptique, ce qui est une exception vu les inégalités criantes du monde de Mad Max.
De nouveau, cela en dit long sur la tonalité du film quand le plan des "gentils" tient moins bien la route que le plan du méchant, et ce en dépit de ses vices. Libérer les "épouses" ? Oui mais pour les emmener où ? Dans un lieu dont le souvenir remonte à plusieurs dizaines d'années ? Ouvrir les vannes de la réserve d'eau de la Citadelle ? L'image de fin du film est puissante, mais ce n'est pas viable à long terme. Encore une fois, dans le monde de Mad Max, ce gaspillage n'a pas de sens. Au contraire, tous les excès d'Immortan Joe servent un but précis, productif. Les "blood bags" servent à soigner ses War Boys, les vaches à lait humaines fournissent une monnaie d'échange supplémentaire à l'eau trouvée sous la citadelle. Le culte de sa personnalité permet de maintenir l'ordre et d'obtenir l'efficacité maximum de chaque War Boy. L'isolation de ses "épouses" est destinées à les protéger de l'environnement extérieur hostile afin de mettre au monde un enfant en bonne santé qui pourrait reprendre le flambeau de la Citadelle vu qu'Immortan Joe est clairement en fin de vie et que ses enfants actuels n'ont pas la carrure physique et l'intelligence combinée nécessaires pour faire un héritier divin capable de maintenir le plan d'Immortan Joe.
Une production impressionnante
Je finis sur une note positive qui donne son sens au titre de l'article. J'étais triste, déçu et en colère quand le générique final de Mad Max : Fury Road est apparu. Et puis j'ai regardé des extraits du tournage et je me suis renseigné sur la construction des véhicules du film, dont j'ai déjà dit qu'ils avaient plus de personnalité que la majorité des personnages du film. Et mon humeur s'est clairement améliorée. Fidèle à sa philosophie cinématographique, George Miller s'est assuré qu'il y aurait un minimum d'effets spéciaux utilisés pour ce film. Ainsi, tous les véhicules à l'écran sont fonctionnels et ont été construits souvent en plusieurs exemplaires pour tenir compte de la casse réelle. Les doubles moteurs du War Rig et du Gigahorse ? Fonctionnels ! Les lance-flammes et lance-harpons montés sur les véhicules ? Fonctionnels ! La guitare électrique/lance-flammes et le mur de haut-parleurs ? Fonctionnels ! Les balanciers et les charrues ? Fonctionnels !
Et quand bien même pas mal de cascades ont été effectuées à l'arrêt par les acteurs principaux, beaucoup de prises de vues ont été effectuées à des vitesses de l'ordre de 80km/h, ce qui n'est pas courant même dans le tournage de beaucoup de films d'action incorporant une course-poursuite. Le camion-grue portant la caméra mobile a même dû atteindre des vitesses de l'ordre de 160km/h pour pouvoir dépasser les véhicules du film !
Le mot de la fin
L'ordre des chapitres de cet article est représentatif de l'ordre dans lequel j'ai expérimenté les différentes émotions que m'ont procuré ce film que je ne recommande toujours pas de regarder, à moins d'être prêt à passer quelques heures supplémentaires à regarder des extraits du tournage et à se documenter sur les véhicules réels qui sont rentrés dans la composition des véhicules du film, dont plusieurs véhicules militaires.
Au final, ce film est pour moi un grandiose gâchis. Un gâchis de scénario, un gâchis de personnages, un gâchis de féminisme, un gâchis de fantasmes adolescents, et enfin un beau gâchis de métal.
La bannière et les images sont la propriété de Warner Bros. trouvées sur Mad Max: Fury Road Vehicle Showcase [en], la vignette est l'oeuvre de Jeany Ngo intitulée "War Boys" [en].
Et quid de la relation de ce film avec les précédents opus ? (et de ta relation avec ces derniers ? ) comme il s'agit d'une "suite" personnellement j'aimerai bien avoir ton avis sur ça aussi.
erreur
C'est vrai qu'on peut dire objectivement qu'une place dans le harem d'Immortan Joe est une position de privilégiée.
Restent le droit de la femme à disposer de son corps et le droit d'éduquer ses enfants selon ses règles. Même dans un monde apocalyptique, la perspective de n'être qu'une poule pondeuse de luxe, bien qu'enviable pour beaucoup, ne m'apparaît pas comme un projet de vie de femme. C'est d'autant plus vrai qu'Immortan Joe n'a aucun moyen ni de soigner ses citoyens-esclaves ni de leur faire entrevoir un avenir meilleur pour leurs enfants. Son projet eugéniste n'a aucune dimension collective. Son seul but est de survivre assez longtemps pour mettre au monde un enfant-dieu afin de perpétuer à jamais le culte de sa misérable personne. Que ce culte soit le vecteur d'une certaine paix sociale ne m'a pas paru constituer la raison d'être du projet.
Fury Road est indéniablement un film pour jeune-homme. Que l'élément déclencheur de la course poursuite soit la libération de quelques ventres féminins ne change rien à l'affaire. Autrement Terminator 2 serait un film sur la protection de l'enfant. Alors que Terminator 2 n'est juste qu'un autre film de course poursuite.
Le passage le plus emblématique à cet égard c'est la rencontre de Max et de Furiosa. Max meurt de soif. Devant lui quelques belles femmes dévêtues prennent une douche à l'aide d'un tuyau d'alimentation d'eau. Réflexe : Max dégaine son arme et exige sa ration d'eau, sous la menace. C'est à ce moment précis que le film se révèle. Max n'est pas capable de quémander quelques gorgées d'eau à de faibles femmes qui n'ont aucune raison de lui refuser. Peut être parce qu'il a le cerveau dérangé. Ou peut être qu'il y a deux films, un film où Max abandonnerait son arme le temps de se désaltérer, et un autre film où il n'épanche sa soif que sous la menace. Le choix qui a été retenu est celui qui offre un Max de violence.
Tu as tout à fait raison SpiceGuid, qui plus est à propos d'une oeuvre de fiction. Je me suis beaucoup inspiré du réalisme des véhicules pour interpr[eter tout le reste du film, mais c'est clairement une impasse, vu que le scénario et l'univers sont par ailleurs absurdes et invraisemblables.
Sinon, pour les véhicules, c'est vrai que, juchée sur un monster truck, on reconnaît la forme de la cadillac et autres carrosseries iconiques.
Mais là je dirais que tout est dans le rapport du spectateur à la mécanique automobile. Et au bruit. Pour certains un bruit ronflant exalte une sensation de puissance. Pour d'autres c'est juste une nuisance sonore.
Dans le même genre de film automobile "féministe" il y a Boulevard de la mort de Tarantino. On le regarde une deuxième fois parce qu'il a du style et que les nanas sont trop chouettes.
Le Bashar a écrit :
J'ai vu les films dans le désordre il y a pas mal d'années, du coup mes préférences sont modifiées en conséquences. J'ai d'abord vu Mad Max : The Road Warrior que j'ai beaucoup aimé notamment du fait de la nouveauté. Je n'avais jamais vu un univers post-apocalyptique rendu de cette manière au cinéma avant. Ensuite j'ai vu Mad Max : Beyond the Thunderdome que j'ai beaucoup aimé aussi pour ses choix de casting. Ainsi la surface de Bartertown est dirigée par une femme noire, tandis qu'un couple d'handicapés règne sur la production d'électricité. En outre, Mad Max refuse d'achever Blaster dans le Thunderdome après lui avoir arraché son casque et j'ai trouvé cette image très forte, ayant eu l'occasion de côtoyer des personnes avec un handicap moteur et/ou cognitif. Enfin, quand j'ai appris la sortie de Mad Max : Fury Road, j'ai visionné la trilogie dans l'ordre, donc avec Mad Max en premier, dont j'ai pu apprécier l'honnêteté des cascades réalisées sans trucage ni effets spéciaux, mais dont le rythme plutôt lent coutumier des films de 1979 m'a empêché de l'apprécier complètement.
J'ai vu les précédents opus et je les ai oubliés, je n'en garde que le souvenir de les avoir visionnés un jour lointain. À cette époque la qualité de l'image n'était pas la même qu'aujourd'hui et la pellicule n'est plus toute jeune ce qui n'arrange rien.
Dès que j'ai vu Fury Road j'ai compris qu'il s'agissait d'un reboot plutôt que d'une suite à la Terminator.
C'est bien la sensation que j'avais en lisant l'article, que ça ressemble plus à un reboot qu'autre chose.
Après bon, rechercher des considérations féministes dans madmax j'avoue que...
Pourquoi pas un reboot, mais qu'est-ce que Max fout là? Si on le retirait physiquement du film, il ne manquerait pas grand-chose pour que le film continue de se tenir.
Sinon pour le féminisme, il semblerait qu'il y ait de vrais bouts dedans, comme me l'a expliqué un ami sur Facebook :
bon, heu... ok ?
Donc si je comprend bien, pour cette personne, le féminisme, c'est de s'approprier une liberté de choix, qu'on soit homme ou femme.
Vu que je pense que la liberté de choix est une illusion, je pense que ce féminisme là en est une aussi. On dirait que pour fuir le carcan d'une vision sexuée des rôles sociaux, ils veulent s'enfermer dans un autre carcan, où chaque individu doit refuser le carcan précédent. Pour moi c'est toujours un carcan.
Le reboot avec ou sans max, c'est je pense le problème du concept même du reboot : si on ne remet pas le héros on a l'impression qu'il manque un truc, mais si on le met on a l'impression qu'il sonne faux. (peut-être vaudrait-il mieux éviter les reboots )
Oui m'enfin tous les carcans, comme les opinions, ne se valent pas. Et le carcan du libre arbitre est bien meilleur pour l'individu que le carcan physique ou psychologique dans lequel tu te trouves à cause du sexisme systémique. Parce qu'il y a besoin de moins de rationalisation pour le supporter.
Moins besoin de rationalisation pour supporter l'idée d'être prisonnier d'une obligation de libre arbitre ?
Il me semble que l'essentiel de l'Histoire s'est déroulée avec un enfermement dans un paradigme de fatalité, lié à l'impossibilité matérielle de le dépasser, et que ça ne posait pas de problèmes de rationalisation.
Ou alors tu voulais dire, pour des occidentaux d'aujourd'hui, non ?
Tu fais un jugement mais sans indiquer le cadre dans lequel il se trouve. (et pour moi il n'a aucun sens dans l'absolu)
Sur ce, adieu 2015.
Le paradigme de fatalité supposait quand même l'existence d'une ou plusieurs entités surnaturelles immortelles qui soi-disant décidaient du sort des mortels, ce qui les encourageaient à sacrifier inutilement une partie du fruit de leur labeur pour faire pencher un destin inexistant en leur faveur.
Alors non, à l'époque cela ne leur posait aucun problème de rationalisation parce qu'il n'y avait rien d'autre, mais à notre époque cela nous paraît absurde (et encore, pas à tout le monde). Le libre-arbitre est sans doute un peu absurde aussi, mais moins que le sexisme systémique et encore moins que la fatalité déiste.
Tu annonce pourtant clairement toi-même que tout cela est un jugement arbitraire. Si absurde signifie insensé, et qu'on ne peut pas trouver insensé ce qui fonde notre vision du monde. Alors ceux qui pensent que la loi du plus fort c'est normal, ne peuvent pas la trouver absurde. C'est quelqu'un qui ne partage pas cet avis qui peut le juger absurde mais comme la réciproque est vrai, on n'avance pas. Le plus fort des deux partis l'imposera à l'autre.
Moi je ne trouve pas que c'est "mieux" de croire qu'on doit lutter pour se donner l'impression qu'on contrôle les choses via un supposé libre arbitre. Car si celui-ci est une illusion, tous ces efforts sont sacrifiés aussi inutilement que l'étaient les offrandes aux divinités du destin.
La rationalité pour moi serait de constater que puisque tous ces efforts sont vains, le vrai "mieux", serait de ne pas en faire !
Je comprend de ce que tu dis que tu pense que les efforts investis dans l'obtention du libre arbitre sont mieux investis que les autres. Mais pour ça il faut avoir un but à atteindre, non ? quel est-il ? Que chacun soit libre de son destin ? (homme ou femme, il me semble que ça dépasse la question de genre)
Or cet objectif est paradoxal, car si chacun doit être libre, ça implique qu'on mette des règles pour limiter la force des plus forts et donc... qu'on limite leur libre arbitre. (ou : qu'on normalise tout le monde pour que tout le monde devienne rigoureusement identique). Rien de bien neuf.
J'ai l'impression que si on considère, comme moi, que tout cela ne mène à rien, on se voit assez vite relégué au rang de réactionnaire sexiste. Or en ce qui me concerne je n'ai aucune envie de faire des efforts pour lutter contre le changement (je n'ai pas plus l'intention d'en faire pour le provoquer ). Je préfère essayer d'apprendre à me satisfaire de ce que j'ai, ce qui semble bien difficile, de sorte à pouvoir conserver la curiosité mais sans qu'elle soit accompagnée par son inévitable acolyte l'envie. Et le but que je poursuis avec ça, c'est de provoquer moins de conflits. ça me semble beaucoup plus valable que de chercher à provoquer des conflits plus "justes". Car investir des efforts dans une cause, en postulant qu'elle est meilleure qu'une autre, pour moi ça ne produit qu'une seule conséquence objective : augmenter les batailles.
(Évidemment pour ça je postule que les batailles c'est "mal" )
On pourra m'objecter que dans ce cas je vais me contenter de ne rien faire pour améliorer les choses. Pourtant je consens quand même à faire quelque chose, c'est de discuter avec tous les autres pour trouver un compromis qui satisfasse tout le monde. Évidemment, ça ne sera pas possible si dans le lot, certains pensent que leur position est meilleure qu'une autre, dans l'absolu. Dans ce cas on ne peut que continuer à ferrailler. (ce qui d'un certain point de vue pourrait confirmer la vision fataliste des choses, en donnant du crédit à ceux qui pensent que nous sommes le jouet d'instances supérieures qui se moquent de nous et nous condamnent à la répétition à perpétuité )
ouf ! contre toute attente j'ai l'impression de revenir vers le sujet d'origine
Si on suit ton raisonnement à la lettre alors les personnes discriminées ont, ont eu et auront toujours tort de s'opposer à l'opinion légitime du moment. Associé à ton commentaire plus avant sur l'inutilité de la liberté, alors cela légitime l'esclavage et surtout sa perpétuation.
Je ne peux rien répondre à ça vu que "opinion légitime" n'a pour moi strictement aucun sens. ça serait quoi une "opinion illégitime" ?
Pourtant j'ai vraiment utilisé le terme du point de vue le plus relativiste possible.
En gros lorsque je parle d' "opinion légitime du moment" je fais référence à une opinion soutenue par la majorité des individus à un moment donnée dans une société donnée. Société dans laquelle elle a une incidence majeure.
Pour donner un exemple, dans notre société le droit de propriété est une opinion légitime. Elle est partagée par la majorité et a des conséquences sociales sur la vie de tout un chacun.
A l'inverse une opinion illégitime est une opinion non reconnue par la majorité des individus qui compose une société à un moment donné. Cette opinion est rejetée par la société. Exemple : "La propriété, c'est le vol" est une opinion partagée par une minorité d'individus et rejeté par la société elle-même.
Si on reprend ma phrase initiale, avec plusieurs exemples on peut dire que ton raisonnement rejette le combat des suffragettes pour le droit de vote des femmes (dans le contexte de la société au 19e siècle), des esclaves pour l'abolition de l'esclavage (à l'époque gréco-romaine), des ouvriers pour l'obtention de nouveaux droits sociaux (de la révolution industrielle à nos jours).
En fait, ton point de vue est un point de vue conservateur. Les choses sont ce qu'elles sont, il faut les laisser ainsi. Tenter de les faire bouger n'entraînent que des conflits inutiles car, comme toutes les opinions se valent, le changement n'a pas d'intérêt.
Bien c'est plus clair mais du coup la question de savoir si c'est légitime est sans objet puisque qu'on peut légitimer tout et son contraire.
Pour ton jugement sur mon point de vue, j'avais écris une explication assez longue mais je me demande si c'est bien utile, parce que finalement, j'ai l'impression que tu confond "être pour" avec "ne pas être contre" ? Comme si le fait de ne pas vouloir se battre au côté des "pro" impliquait forcément qu'on soit du côté des "anti".
Malheureusement, dans tous les débats de société, ne pas être explicitement pour un changement quelconque implique forcément que tu sois contre le changement en question, même si tu ne conçois pas forcément d'arguments explicitement contre. Tu peux parfaitement te complaire dans une position de neutralité, cela n'empêche pas que dans la pratique tu favorises le statu quo, ce qui est exactement le but des conservateurs même si tu ne le poursuis pas activement ou pour les mêmes raisons. Au final la neutralité dans ces questions de société est une posture puisque en pratique ton inaction ralentit voire empêche le changement, ce qui est indissociable de ce qui motive les conservateurs à agir activement contre le changement.
Je précise bien question de société parce que tu fais partie de la société, que tu le veuilles ou non. Il est possible d'avoir une position neutre sur des questions scientifiques ou philosophiques parce que ton opinion en tant que simple citoyen n'a pas d'influence directe sur l'évolution de ces disciplines si tu n'es pas chercheur ou philosophe. Mais concernant le féminisme ou la lutte contre les discriminations, tu es forcément concerné parce que tu es un homme blanc hétérosexuel (de ce que j'en sais). Du coup tu n'as pas le choix de ne pas prendre parti, même si tu peux évidemment te convaincre du contraire ; cela ne change rien au résultat final : tu favorises les conservateurs, jusqu'au prochain changement de société après lequel tu favoriseras les conservateurs du nouveau statu quo. Le vote blanc et l'abstention sont un très bon exemple de ce principe. A posteriori, les votes non exprimés favorisent le gagnant des élections parce qu'il n'aura pas eu besoin de convaincre ces électeurs de voter pour lui, avec un résultat identique : il a été élu. L'analogie s'arrête par contre au fait que cette réflexion ne peut s'exercer qu'a posteriori, à partir du moment où les résultats sont connus.
Maintenant, je comprends tout à fait ta position. Tu n'as rien à gagner personnellement à un changement de société, ni à perdre vraiment, du coup objectivement tu n'as pas de raisons de t'engager ni dans un sens, ni dans l'autre (même si ton inaction joue en faveur des conservateurs). Et tu n'as rien à gagner personnellement parce que tu es déjà au sommet de la pyramide des privilèges : homme, blanc, hétérosexuel, cisgenre, autochtone, tu as tout pour toi. Tu n'as rien à perdre parce que tu as correctement identifié que l'avancement des droits des minorités ne t'en enlèverait pas à toi.
A partir de là, je considére personnellement que ta position de privilégié est un avantage sans pareil pour améliorer la vie de millions de personnes qui ne sont pas homme, blanc, hétérosexuel, cisgenre ou autochtone. Encore récemment, le Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême a été accusé de sexisme car dans les 30 nominés pour le Grand Prix choisis par la direction du festival il n'y avait pas une seule femme. Une association de femmes artistes de BD a levé le lièvre, mais ce n'est que lorsque Riad Sattouf et Joan Sfar ont publiquement annoncé leur retrait de la liste des nominé que la direction du festival a daigné répondre et ajouter quelques femmes à la liste.
Tu dis que tu veux éviter les batailles, mais ton inaction fait perdurer certaines batailles qui existent déjà plus longtemps que si tu y prenais toi-même une part plus active.
L'adjectif "légitime" ne détermine pas une valeur mais un état. Une opinion légitime signifie qu'elle est reconnue, elle va avoir un effet sur nos vies. Entre une société qui pratique le pater familias et une autre qui défend l'égalité homme-femme, la situation des femmes (et des hommes !) ne sera pas la même. Il faut se rappeler que les opinions ne vivent pas gentillement dans le monde des idées, elles ont une incidence sur le monde. Si leur état est légitime ou non, leur incidence ne sera pas la même.
Ce n'est pas un jugement, c'est un constat. C'est toi-même qui dit que puisque "tous ces efforts sont vains, le vrai "mieux", serait de ne pas en faire !". Je te réponds que si on suit ton raisonnement à la lettre la conclusion sera forcément que "les personnes discriminées ont, ont eu et auront toujours tort de s'opposer à l'opinion légitime du moment.". Je n'ai jamais dit que tu préconisais l'esclavage ou que tu étais machiste. Je dis seulement que ton raisonnement conteste le droit des individus à se battre pour leurs idéaux.
Si tu souhaites un jugement, je vais te l'exposer. Ton raisonnement tient sur une idée très simple qui s'appelle le relativiste. Dans l'absolu tout se vaut. Ce qui est vrai puisque dans l'absolu, il n'y a pas de jugement de valeur, pas de bien ou de mal, pas de justice. Une idée popularisée par Nietzsche et très en vogue au milieu du 19e siècle jusqu'au milieu du 20e siècle. Elle a perdue beaucoup de sa superbe à la fin de la deuxième guerre mondiale et la découverte des camps d'extermination nazis. Les intellectuels se sont dit alors que même si c'était vrai dans l'absolu ça ne pouvait être vrai à l'échelle d'une société. Car si c'était vrai ça légitimerait universellement les pires atrocités. Il fallait un garde-fou. Et le garde-fou, c'est la conscience. L'idée qu'ont les individus de la justice. Alors oui, en vérité, il y a autant d'idées de la justice qu'il y a d'individus mais ce n'est pas vraiment un soucis. Il faut que les gens s'indignent, s'expriment et défendent leurs opinions afin d'éviter qu'une poignée d'entre eux, simplement parce qu'ils arrivent au pouvoir se croient libre de faire n'importe quoi. C'est pour qu'il est important de se battre pour ses idéaux.
Merci à tous les deux d'avoir pris le temps de détailler votre position, ça me conforte dans le choix que j'ai fait de ne pas poster ma précédente prose. Je devrais maintenant pouvoir mieux m'exprimer en virant ce qui n'est que bruit inutile.
Je crois avoir très bien compris ce que vous voulez dire, mais pour être sûr voilà comment je le résumerais :
- Ertaï, tu me dis que "ne pas être pour" c'est pareil que d'"être contre", puisque ça conduit à ne rien faire ce qui de facto aide le plus fort à le rester. (je met de côté tout l'aspect où tu juge ma position comme si je te l'avait donnée, alors que ce n'est pas le cas)
- Cath, tu me dis qu'on a besoin de défendre ses idéaux pour empêcher l'émergence voir la suprématie de ceux que tu juge les plus indéfendables.
Si cela vous convient, il me semble assez facile d'y répondre car j'y vois des biais évidents. (et sinon mon résumé n'est pas fidèle, corrigez-moi)
- Au point de vue d'Ertaï, ça suppose que la situation n'est pas en mouvement. Et dans ce cadre effectivement, l'inaction profite au plus fort en place. Sauf que ça nie le contexte, car la situation n'est pas et n'a jamais été immobile : l'évolution est constante.
- Au point de vue de Cath, cette vision duale du problème, avec une causalité linéaire, démontre sa propre vacuité dans l'exemple que tu donne pour l'illustrer. Si le 20ème siècle a vu des horreurs se perpétrer, n'est-ce pas précisément parce que les gens qui les ont pensées s'imaginaient devoir "se battre pour leurs idéaux" ? Le fait même de penser qu'on peut le faire implique de finir par légitimer n'importe quoi, sur le modèle de "Nous ne voulons qu'une chose, le bien de l'humanité" et pour cette raison "tout nous est permis" (y compris la pire violence à l'encontre des hérétiques)
Je vais maintenant tenter de ré-exprimer mon point de vue précédent en partant de la conclusion que donnait Cath (je vous demande votre indulgence car même si ces idées ne sont pas neuves pour moi, je n'en découvre l'expression que récemment, je risque donc de ne pas être très clair) :
Cathaseris a écrit :
Mon point de vue c'est que le changement est inévitable c'est à dire en cours et permanent. Tenter de l'empêcher est aussi futile que de tenter de le provoquer. Les seules options sont de s'adapter ou de disparaître. Tenter de stopper le mouvement des choses n'entraîne que des conflits inutiles puisque toutes les opinions se valent du fait que le changement est inéluctable et qu'elles n'en sont pas la cause.
Je ne sais pas si je dois détailler la suite ou si je vais juste me (nous ?) égarer.
Je vais juste donner quelques exemples pratiques. Ainsi, je voulais dire que "être contre" n'est pas synonyme de "ne pas être pour". Si je suis contre le changement, alors je dois faire des efforts pour m'opposer à ceux qui sont pour. Ce faisant d'ailleurs je renforce leur position parce que je reconnais leur existence.
En revanche, si je ne suis pas pour c'est parce que je constate l'absurdité de la question, l’impossibilité d'y répondre, et ainsi la futilité de la bataille.
Si on part de l'idée que la situation est figée, alors ceux qui veulent la conserver ne font pas d'efforts, ils se contentent de rester là. Ceux qui sont neutres ne font pas d'efforts non plus, et donc on les assimile aux premiers car ils en deviennent indifférenciables. Et ceux qui se battent contre doivent faire des efforts considérables pour bouger la montagne constituée des deux autres.
En revanche si on part de l'idée que la situation est en constant changement, alors ceux qui veulent le stopper, doivent faire des efforts énormes. En fait, des efforts identiques à ceux qui veulent le hâter. Quant aux neutres, eux ne font que s'adapter à l'évolution en cours, et là seulement, on peut voir à quel point c'est différent de l'activité de ceux qui veulent que rien ne change.
Et ça reste vrai dans un cadre politique, tout autant que philosophique ou scientifique. Prenons deux modes de décision de groupe : le consensus, et le consentement. On y retrouve précisément cette différence. Dans le consensus on veut que tout le monde soit "pour". Dans le consentement, on veut que plus personne ne soit contre. Ne pense-tu pas Ertaï que cette différence subtile a des répercussions politiques énormes et n'est pas juste un jeu sémantique pour s'amuser l'esprit ?
Un autre exemple de ce qu'implique inévitablement la logique de croire qu'une idée vaut mieux qu'une autre : comme elle se justifie elle-même, elle finit par atteindre un maximum d'intensité absurde quand elle constate que sa fin justifie ses moyens. Bien sûr certains diront que la fin ne justifie pas les moyens et ralentiront le constat fatidique, mais puisqu'ils restent sûrs au fond que leur idée est la bonne, il finira toujours par y avoir dans le lot des gens qui pensent qu'il faut mettre "plus de moyens" pour réussir à imposer "la bonne vision" des choses. Que si elle ne s'est pas encore imposée ce n'est que parce qu'il manquait un peu d'efforts. Et plus l'objectif est louable, et plus on aura tendance à accepter l’inacceptable en se convaincant qu'il est "provisoire". (comme par ex de plonger un pays entier dans la guerre civile pour en "libérer" le peuple., ou encore de rétablir la lettre de cachet comme si ça pouvait réduire le terrorisme, etc. les exemples pleuvent en ce moment )
Quelle que soit l'idée, quel que soit le domaine, on finit toujours sur le même défaut de logique, puisqu'on ne pas peut démontrer quelconque chose au moyen de lui-même. Et ça se termine toujours par la légitimation de la plus grande violence, ce qui est sans issue car plus on tape sur les hérétiques et plus on leur donne de raison de se battre. Le seul cas où ça pourrait théoriquement marcher, c'est si on éradiquait la totalité des hérétiques d'un seul coup. Mais ça pose deux problèmes tout aussi insolubles :
1- réussir impliquerai de faire preuve d'une violence inouïe, injustifiable pour des protagonistes qui se prétendent mus par humanisme.
2- même si ça réussissait, il resterait encore la trace de l'hérésie dans la mémoire des gens qui l'ont annihilée, et il faudrait eux aussi les éradiquer pour éliminer l'idée... Il faudrait donc éradiquer tout le monde.
C'est pourquoi à mon avis le seul moyen d'éliminer une idée, c'est de la vider de son sens, donc, de changer le cadre de son analyse. Et à ce titre oui je "conteste le droit des individus à se battre pour leurs idéaux" parce que je pense que ça ne mène strictement à rien d'autre qu'à faire perdurer ces batailles à l'infini, plutôt que de croire comme me le dit Ertaï que mon énergie, mes efforts, pourraient "faire la différence" et mettre fin au conflit : ils ne peuvent pas car le conflit n'est pas la conséquence de mes efforts, mais sa cause.
Maintenant, faut-il que je détermine moi-même des applications concrètes pour résoudre les questions de sexisme, car si je ne le fais pas j'ai l'impression que vous continuerez d'essayer de disqualifier mon outil au prétexte qu'il peut être mal utilisé ?
Je n'aurai pas le droit par exemple de constater l'inanité de la guerre en irak au prétexte que je n'ai pas de solution à y proposer ? (pardonnez-moi si je trahi votre intention mais moi c'est comme ça que j'ai compris vos critiques )
Le fait de n'avoir pas réfléchi à la solution ne m'empêche pas de constater l'absence de solution avec le méthode actuelle. (et même si je ne trouvais pas de solution, ça ne changerais pas non plus le fait que la vision dualiste précédente tourne en rond). Si vous êtes d'accord avec ça, alors je veux bien accepter de réfléchir aux genres de solutions que pourraient générer cet outil (même si je doute d'être le mieux placé pour faire ça).
Sinon puisque Cath exprime des classifications sur ce que j'exprimais, ce n'est pas juste du relativisme, c'est du constructivisme. ça s'appuie et ça découle du précédent, mais c'est plus "constructif" justement.
Tiens, c'est nouveau. Donc, si je comprend bien nous sommes passager du train de l'histoire et nous n'avons aucun moyen véritable d'en changer le sens ? C'est pour cela qu'il serait vain de vouloir avoir une influence sur les choses. C'est ça ?
Par ce qu'à l'origine je pensais que ton raisonnement tenait sur l'idée que chercher à changer l'opinion générale n'avait pas de sens puisque toutes les opinions se valent.
J'ai dû mal à te suivre, parce que compris comme je l'ai compris, cela change totalement ton raisonnement.
Mais tu oublies que le changement est provoqué par des gens, certes pas comme toi et moi, mais des gens quand même qui donnent (ou perdent parfois) leur vie pour provoquer le changement. Si Rosa Parks n'avait pas refusé de quitter son siège dans le bus, il y a des chances que le Civil Rights Act n'ait pas été signé en 1964 mais en 1965 ou 1966. Alors oui, à l'échelle géologique c'est minuscule et tu pourrais continuer à dire que le changement était inévitable, mais cela représenterait quand même un ou deux ans de ségrégation officielle supplémentaire, et donc des millions d'interactions négatives supplémentaires entre blancs et noirs justifiées par la loi. Et si à l'époque plus de Bashar avaient, même sans participer aux sit-in, au moins formulé verbalement leur soutien à l'abolition de la ségrégation plutôt que de dire que ce serait fuir un carcan pour un autre, qui sait combien d'années auparavant le Civil Rights Act aurait pu être signé ?
Alors non, le Civil Rights Act n'a pas été la panacée et on constate aujourd'hui un racisme systémique bien présent, et la diffusion des smartphones a permis de le mettre en lumière de façon plutôt crue, mais encore une fois, le changement ne vient pas tout seul, il faut des gens qui mènent et des gens qui suivent, et tu peux très facilement faire partie de cette dernière catégorie, il te suffit juste d'une micro-pirouette rhétorique dont tu es par ailleurs un artiste accompli. Tout le reste de ton message en est truffé, à part bien sûr les 80% de ton commentaire qui reposent sur le fait que le changement serait une entité à part et immuable:
Non, il y a d'autres options.
Evidemment, mais tu as pris seulement deux modes de décision de groupe et qui ne sont pas utilisées á l'heure actuelle par le système législatif qui confirme les changements d'opinion de la société. Il y d'autres modes comme par exemple la majorité absolue qui est beaucoup plus pertinente mais ta logique ne fonctionne plus.
Non, pas toi-même, d'autres ont fait le travail pour toi, et je peux t'indiquer des pistes si cela t'intéresse davantage que pour juste éviter notre soi-disant opprobre. Le fait est que tu peux très bien te fiche du féminisme ou de la lutte contre les discimination en général puisque tu n'es aucunement concerné directement. Mais je ne peux pas te laisser dire que "le changement est inévitable". C'est nier des décennies de batailles pour l'extension des droits de ceux qui en ont moins que toi, nier le sacrifice que beaucoup ont fait, connus et moins connus, pour être entendu, et enfin nier que tu as bénéficié dans ta vie d'une position ultra-privilégiée que tu n'as eu besoin de faire aucun effort personnel pour obtenir.
D'autant que le changement est peut-être inévitable quand on regarde la grande frise du temps, mais ces derniers temps nous rappellent cruellement que le changement n'est pas toujours un progrès, et qu'il est trés facile de revenir sur ce que l'on peut penser être des acquis.
Plutôt que de critiquer directement ta vision des choses Bashar, je vais exprimer la mienne. Une société est composée de multiples forces qui la tiraille pour aller dans un sens ou dans un autre. Il y a deux types de forces, il y a les conservatrices, frileuses et conformistes et les réformatrices vives et désireuses de changement.
Ce sont ses forces qui sont le moteur d'une société. L'histoire n'avance pas toute seule comme par magie. Le "sens de l'histoire" est donnée a posteriori, une fois que les événements sont passés. C'est un biais de croire que les événements du passé étaient inévitables.
Je pense qu'il est indispensable qu'il y ait un certain équilibre entre les forces conservatrices et réformatrices. Ces deux types de forces sont nécessaires au bon état de santé d'une société. Les conservatrices assurent une forme de stabilité. Les réformatrices permettent de faire avancer les choses. Si les forces conservatrices dominent alors la société végètent, peine à se renouveler et à s'adapter aux nouveaux défis auxquels elle est confrontée. La domination des forces réformatrices annoncent une période de chaos, de changements brutaux qui, par leur nombre et leur violence, met à mal la société et les individus qui la compose.
Les forces conservatrices sont une forme d'inertie qui obligent les forces réformatrices à redoubler d'efforts pour voir un changement se produire. Les forces réformatrices sont multiples. Elles ne tirent pas la société dans le même sens. Certaines voudraient la voir retourner en arrière, d'autres l'emmener vers telle évolution, d'autres vers telle autre.
En tant qu'individu, on est représentant de forces conservatrices comme réformatrices, à des degrés différents. Et cela qu'on le veuille ou non. Refuser de le reconnaître, prétendre se mettre "hors jeu" ne nous exclue pas du jeu. On est toujours sur le terrain. Simplement, cela signifie que l'on perde la toute petite part de contrôle qu'on avait sur ces forces qui s'expriment à travers nous.
Bashar, tu penses que ne pas combattre c'est éviter la guerre. Sauf qu'en vérité cette guerre-là est permanence. Refuser d'y participer, c'est simplement laisser les autres décider à ta place. C'est là le sens de mon commentaire sur le relativisme et Hitler. Si tu prétends que finalement, rien n'a d'importance, que tout se vaut ou que de toute façon c'est la fatalité de l'histoire alors tu laisses faire. Des personnes aux idées dangereuses, il y en aura toujours. Si tu te tais, si tu n'exprimes ou ne défends pas les tiennes, tu laisses à ses personnes le champ libre pour perpétrer ce qu'elles rêvent de faire.
Je comprend bien l'état où vous êtes mais de mon point de vue vous êtes tous les deux passés à côté du mien. Je vais tenter de trouver un moyen de vous expliquer où je suis et pourquoi précisément vos réactions confirme ce que je tentais de raconter.
Ce n'est pas parce que l'on n'est pas d'accord avec toi que l'on a forcément mal compris ton point de vue. J'attends ton éventuelle clarification qui j'espère sera moins rhétorique pour que l'on puisse sainement en discuter.
C'est une question honnête et franche : Es-tu sûr d'avoir toi-même compris ton point de vue ? Je veux dire, est-il clair dans ta tête ? Parce que, d'habitude ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et pour le moment, de mon point de vue, c'est pas clair du tout. Je dirais même qu'au fil des commentaires c'est de moins en moins clair.
Je suis sûr de ma compréhension, et tout aussi sûre de celle de ce que vous exprimez, vous (je comprend d'autant mieux votre position que je l'ai eu, et défendue aussi, donc de ce côté là je n'ai pas vraiment de doute). Enfin, ces réponses que vous faites sont celles qu'on obtient de manière prévisible à ce que j'énonce moi lorsqu'on n'a pas été compris, ce qui me permet de n'avoir pas vraiment de doute sur ça non plus (même si sur ça je peux évidement me tromper). En effet, de votre point de vue je refuse d'admettre l'évidence, non ? Du mien vous êtes tombés dans un piège de réflexivité.
Je pense que je vais tout simplement faire un article neuf, je pourrais ainsi suivre un processus qui sera sans doute moins brouillon. Toutefois pour ce faire j'ai besoin de confirmer vos postulats (parce que c'est à eux que je m'attaque, et non aux arguments qui en découlent). Il n'y a pas beaucoup de questions et ça devrait être facile d'y répondre.
n°1 : il existe une réalité objective. C'est à dire que ce qui est vrai ne peut pas être faux.
-> oui ou non d'accord avec ça ? (il n'est pas utile de préciser si vous pensez que cette réalité objective soit à notre portée ou pas, que ce soit d'un point de vue théorique ou pratique : croire qu'elle existe suffit).
n°2 : une conséquence suit nécessairement une cause dont elle découle. Il ne peut pas y avoir de conséquence avant sa cause. (là aussi, inutile d'entrer dans le détail de savoir s'il est possible ou pas de découvrir toutes ces causes : admettre une causalité linéaire suffit)
-> oui ou non ?
ça devrait m'aider à voir comment présenter mon affaire pour qu'elle soit intelligible.
Les réponses aux deux question du Bashar se trouvent dans l'article suivant créé pour l'occasion : La Réalité est-elle objective ou subjective ?