Pourquoi la politique en France est-elle si peu lisible ?

Avant de parler de la France, je vais parler des USA et du royaume-uni. En effet dans ces deux états le système semble être une unique lutte entre deux partis plus ou moins d'importance égale, et tous deux "de droite" de notre point de vue. Et on critique souvent ça d'ailleurs en se disant que ce sont d'affreux libéraux.

Les anglais ont un "conservative party" et un "labour party", et le premier au moins a le grand mérite d'annoncer très clairement son idéal : ne rien changer. Il représente donc les forces de conservation. L'autre est un peu moins clair, mais toutefois plus que ceux de chez nous, sur le fait que son idéal c'est la réforme. La dualité est donc clairement établie entre les conservateurs et les réformateurs. Aux USA c'est pareil, bien qu'ayant choisi "républicains" pour les conservateurs et "démocrates" pour les réformateurs. Il est évident que tous les démocrates ne sont pas contre la république, ni que les républicains ne sont pas contre la démocratie. Leurs idéaux sont eux aussi entre la conservation ou le changement.

Nous pouvons maintenant revenir en france, ou foin de ces deux catégories bien claires, chez nous on a "la droite" et "la gauche", dont à vrai dire personne ne saurait expliquer clairement ce que ça signifie, à part que dans l'assemblée, bidule est plus à droite que machin, et plus à gauche que trucmuche.

Les conservateurs sont-ils toujours de droite ? Rien ne l'y oblige. Le conservateur veut garder la situation actuelle. En 1970 dans la bureaucratie de l'URSS, il y avait plein de conservateurs... tout comme on y trouvait des réformateurs voulant mettre en place un capitalisme à l'occidentale. Qui ont d'ailleurs gagné à la fin.

Conservatisme ou réformation n'ont pas de tendance politique. Ils ne se situent qu'en rapport à la norme en place, soit pour la défendre, soit pour s'y opposer. S'il peut sembler de prime abord que c'est moins pratique que d'avoir une gauche et une droite, en réalité c'est beaucoup plus clair. Car s'il est difficile de savoir vraiment quels sont nos idéaux économiques et sociaux, en revanche n'importe qui peut dire s'il veut que les choses restent comme elles sont, ou s'il préfère qu'elles changent. C'est donc plus efficace de délimiter entre conservation et reforme qu'entre droite et gauche.

C'est la toute la difficulté qu'éprouve la politique chez nous, c'est que dans chaque parti ou presque, on va trouver à la fois des conservateurs et des réformateurs, et qu'ils tentent de bosser ensemble alors que c'est parfaitement impossible. Les conservateurs de gauche se sentiront toujours plus proche de leurs homologues de droite que des réformateurs de leur propre parti, et vice versa. Ce phénomène est particulièrement visible, et presque comique, sur les écologistes. Tout au long de leur histoire, on voit que le parti ne cesse de tenter de s'élargir pour rassembler tous les écolos (sur le mode "l'écologie n'est ni de droite ni de gauche" ) et ensuite d'exploser lamentablement en deux camps qui voient leur ex-frères comme des pestiférés, s'accusant mutuellement d'être trop à droite ou à gauche. En réalité ça ne marche pas parce qu'il y a des conservateurs écologistes (qui voudraient garder le modèle d'accumulation capitaliste fordien, mais en utilisant des technologies "propres" ) et des réformateurs écologistes (qui pensent que c'est impossible et qu'il faut changer carrément de paradigme). Ces derniers étant les plus nombreux, de part d'évolution des évidences scientifiques, ce qui fait que plus le temps passe plus les écolos grossissent "à gauche".

On a aussi en france quelques petits partis dont le classement est simple, comme par ex l'ex LCR, NPA : se définissant par leur opposition au système en place, ils se posent évidement en réformateurs. Mais ont toutes les peines du monde à s'entendre avec d'autres entités dites d’extrême gauche telles que certains syndicats purement conservateurs par ex.

Mais avoir juste conservateurs / réformateurs n'est pas suffisant. Car même si les camps s'entendent beaucoup mieux en les rassemblant comme ça, il reste des différences profondes, notamment sur la manière dont on doit distribuer les richesses. Théoriquement, la droite préfère récompenser les efforts et le mérite, et donc accroître les différences entre riches et pauvres (en croyant qu'un pauvre peut devenir riche s'il travaille assez). La gauche devrait tendre à l'inverse, en recherchant à redistribuer pour éliminier la misère ou les trop grande pauvreté (en croyant que l'égalité, c'est possible). Les deux crédo se défendent d'un point de vue théorique :
- le mérite : si on ne récompense pas les efforts, pourquoi en faire ?
- l'égalité : si on n'éradique pas la misère avec quelques aides bon marché ça nous coûtera bien plus cher de combattre ensuite les pauvres forcés de devenir brigands pour survivre.

On peut ainsi dans chaque groupe trouver les deux crédo.
Des conservateurs - mérite (la majeure partie de l'UMP),
Des conservateurs - égalité (les héritiers du gaullisme, mais aussi le PCF d'origine),
Des réformateurs - mérite (sarko... mais aussi hollande),
Des réformateurs - égalité (front de gauche, majeure partie des écolo).

Et enfin une dernière différence sur la manière dont ils voient la manière dont le pouvoir doit s'exercer : autoritaire ou démocrate. Ce n'est pas anodin parce que notre système vient du gaullisme, qui était avec cette grille de lecture : conservateur - égalité - autoritaire. Ce qui permet de peut-être mieux saisir les difficultés avec les USA (conservateur - mérite - démocrate) de l'époque.
Nota : "autoritaire" ici n'est pas à prendre comme un synonyme de dictature, mais comme un signe que le système permet un mélange, ou au moins une grande perméabilité entre les pouvoirs législatifs et exécutifs, comme c'est le cas dans notre 5ème république. Toutefois il est clair qu'un axe mérite + autoritaire est un excellent chemin vers une vraie dictature, le fait qu'il soit réformateur ou conservateur n'ayant trait qu'à la situation de départ dans laquelle il germe.

Au diable "droite" et "gauche" qui ne signifient rien.

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36 Commentaires

  • Non bien sûr, mais ceux qui discutent de l'art de gérer la société ne sont pas ceux qui la gèrent effectivement, et encore moins ceux qui ceux qui sont censés la gérer. Seuls ces derniers sont élus, et leur étiquette politique n'est rien de plus qu'un blason comme d'une équipe de sport. Une bannière de ralliement en somme.

    Tenter d'y trouver une signification philosophique est alors une entreprise vouée à l'échec car ces étiquettes ne sont pas censées signifier quoi que ce soit, juste être un point de repère pour les militants et leurs adversaires.

  • On renomme les partis avec des noms comme "les chaussettes rouges" ou "les chats sauvages" ? razz

  • Aux Etats-Unis ils ont bien réussi à nommer les deux partis opposés "les Républicains" et "les Démocrates" dans une république démocratique, on n'en est pas loin !

    Et avec le nouveau nom de l'UMP, on s'en rapproche en France !

  • Un parti qui s’appellerait "les chaussettes rouges" ou "les chats sauvages" n'inspirait pas plus confiance si il est composé des mêmes roublards qui gouvernent depuis 40 ans perplexe

  • Non mais ça serait juste plus clair sur le fait qu'ils font plus du spectacle que de la politique. roll

  • J'ai vécu assez longtemps pour voir (qui l'eut cru) le Front National devenir le parti des "homosexuels qui chassent en meute" sourire

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