Mortimer récupère un étrange appareil, le "chronoscaphe", en héritage de son vieil ennemi le professeur Miloch. Mais ce dernier n'avait-il vraiment plus de rancune envers son confrère ?
Type : franco-belge Parution : 1962 Scénario : Edgar P. Jacobs Dessins : Edgar P. Jacobs Série : Blake et Mortimer Genre : Science-Fiction, Aventure
6e volume de la saga et 2e des aventures françaises du duo so british, le Piège diabolique suit chronologiquement les évènements ayant survenus dans l'album S.O.S. Météores (que je n'ai toujours pas lu...). Le professeur Miloch, qui était un antagoniste dans le volume précédent, vient de décéder et lègue à Mortimer une vielle bicoque dans le Val d'Oise mais surtout son invention révolutionnaire : le chronoscaphe, une machine à voyager dans le temps.
Tête de bourrique comme à son habitude, Mortimer, qui c'est rendu seul au labo, décide de tenter l'expérience sans plus de précautions. C'est alors que se déclenche le Piège diabolique du professeur Miloch, le sélecteur temporel déréglé fait voyager Mortimer d'époque en époque sans qu'il puisse en avoir le contrôle. Notre ami parviendra-t-il a revenir dans le présent ?
L'archétype de l'aventure à travers le temps
Je ne sais pas si E.P. Jacobs a été le précurseur dans le domaine du voyage dans le temps, je pense que non mais je n'ai pas envie de faire des recherches en ce sens. En tout cas pour moi, cette BD fut mon premier contact avec les aventures de Blake et Mortimer (ce qui remonte à 15-20 ans déjà) et aussi ma première rencontre avec le voyage dans le temps.
L'aventure suit étonnement ce qu'on peut considérer comme un archétype du voyage dans le temps :
- la préhistoire et ses dinosaures
- le Moyen-Âge et ses chevaliers
- le futur et ses avancées technologiques
Néanmoins au fur et à mesure, le traitement de chaque période ne suit pas le modus operandi standard :
L'aventure dans la préhistoire confronte le professeur aux géants à sang-froid avec le classique Tyrannosaure et le vol de Pteranodons.
L'aventure au Moyen-Âge fait s'affronter Mortimer avec un seigneur dans les terres sont en proie à une révolte paysanne puis aux paysans eux-mêmes, rugueux et superstitieux à souhait.
L'aventure dans le futur est sans conteste la plus intéressante. La première partie voit Mortimer errer dans les ruines d'une cité ravagé par les combats. J'ai trouvé cette partie particulièrement glauque et inquiétante, on ressent bien comme Mortimer le poids de la solitude et du dédale dans lequel il est.
Ses errements s'arrêtent lorsqu'il est récupéré par les restes de la civilisation humaine. Cette dernière c'est complètement anéantie (thème récurent de l'auteur) par holocauste vers 2075 et est retombé dans l'obscurantisme sauf un groupe d'asiatique qui impose l'esclavage au reste de l'humanité grâce à la technologie qu'il a pu conserver (à nouveau le thème du "péril jaune" récurrent de l'auteur).
Mortimer est tombé sur le docteur Focas qui mène une résistance contre le régime dictatorial et ce dernier convainc le professeur de l'aider, étant donné qu'il est le seul à avoir les connaissances nécessaires en physique pour pouvoir contrer la technologie du tyran. La fin de cette seconde partie voit le mouvement réussir tant bien que mal mais envoie une dernière menace, la "chose" une sorte d'entité capable d'ingérer n'importe quoi et qui se lance à la poursuite de Mortimer. A nouveau ma première rencontre avec un "personnage" de ce type et non de Dieu quel frayeur ! Mortimer parvient à la leurrer dans le réacteur d'une centrale nucléaire (!) et parvient à répartir avec le chronoscaphe avant l'explosion totale.
Grâce à une combinaison anti-radiation il est maintenant capable de supporter les dérèglement du sélecteur temporel et parvient à rejoindre son époque, non sans mal puisque Miloch avait même prévu cette éventualité et mis en place un dispositif d'explosion, anéantissant du coup l'invention. Néanmoins Mortimer s'en sort à l'hôpital on ne sait pas trop comment (sinon ses aventures ne continuent pas ) et le volume se termine sur comment de toute façon personne le croira s'il racontait son histoire. Le paradoxe temporel est pourtant bien présent (et ce dès le début du récit) puisque Mortimer change le court du temps en sauvant une damoiselle à l'époque du Moyen-Âge, un fait qui lui vaudra le titre de démon à la barbe de feu, fait raconté dans un guide touristique au XXe siècle avant sa montée dans le chronoscaphe.
Le mystère de la bove
En geek bien finit, j'ai cependant un point de détail que je ne suis pas arrivé à résoudre (ou peut-être que je cherche des poux là où il n'y en a pas). Durant le récit il est fait mention d'une "bove" mais je ne sais pas exactement ce que veut dire ce terme du coup je ne sais pas quelle image lui associer. Du coup si quelqu'un pouvait satisfaire ma déraisonnable envie de savoir ça m'aiderait beaucoup à achever mon existence.
Voici les textes où la bove est mentionnée :
- "Bove de la damoiselle" : partie de l'adresse d'une lettre, probablement le surnom donné à la maison qu'hérite Mortimer
- "On montrait encore il y a peu, la «BOVE» ou grotte par où s'échappèrent les fugitifs. Elle se trouve aujourd'hui enclavée dans les caves d'une des vielles maisons qui entourent l'église paroissiale." : tiré du guide sur la Roche Guyon
- Mortimer : Pardon facteur, ... la "BOVE de la DAMOISELLE" je vous prie ?
- Facteur : La "BOVE" de... Hem ! c'est que... la maison est fermée... et pour les visites...
- Mortimer : [...]
- Facteur : Oh! rien m'sieur, rien... La "BOVE" HEM! c'est la "BOVE"... [...] La "BOVE" est juste à côté... il y a une statuette au-dessus de la porte...[...] - Narrateur : [...] une maison basse aux volets clos, dont la façade délabrée s'orne d'une figurine de pierre.
Mortimer : La "BOVE"... [...] - Mortimer : Instructions : 1° Aller dans la cave et entrer dans la "Bove" avec la clé ad hoc. 2° Faire face à la niche [...]
- Narrateur : [...] Mortimer se trouve dans un petit réduit taillé dans la roche crayeuse, et dont le mur du fond creusé en forme de niche abrite une fruste figurine de vierge.
Mortimer : Voilà donc cette "Bove" légendaire ! [...] - Mortimer : Y a -t-il une issue en bas ?...
Agnès : Oui dans une bove au pied de la falaise - Passant : c'est du côté de la "Bove" !!
- Chef de chantier : M'SIEUR!... LA "BOVE" VIENT DE SAUTER!!
- Article de journal : [...]a été découvert inanimé dans les ruines de la "Bove dela Damoiselle" qui venait d'être détruite[...] aient réellement découvert un ancien escalier reliant la "Bove" au Donjon et une crypte inconnue au cours de leurs travaux [...]
- Légende de photo : LA CRYPTE SECRÈTE DE LA "BOVE DE LA DAMOISELLE" APRÈS L'EXPLOSION
Le mot semble avoir un sens différent selon l'époque. Au 14e siècle il correspondrait à une ouverture/grotte/passage par lequel Agnès s'échappe tandis qu'au 20e il correspond plus à la maison ou la statue de la Vierge.
Et vous qu'est-ce que vous pensez que le terme "bove" veut dire exactement ?
Aaah, "Le Piège Diabolique", ce tome des aventures de Blake et Mortimer est pour moi emblématique d'une époque, celle où ma mère écumait les rayons BD de la bibliothèque municipale tous les mercredi, BD que je dévorais à son retour. Le stock étant relativement limité, certaines BD revenaient régulièrement, dont "Le Piège Diabolique".
Cet album est singulier dans le sens où le capitaine Blake n'intervient peu ou pas du tout, laissant Mortimer comme seul héros de l'histoire. Et puis, il délivre une image d'un futur apocalyptique comparable aux travaux d'autres auteurs d'anticipation. Le fameux détail des stations de métro mal orthographiées est pour moi révélateur du sens du détail d'E.P Jacobs.
J'étais un fan de cette série dans ma jeunesse (d'ailleurs, je les ai tous chez moi)
Je te conseille la lecture de SOS météores, qui est à mon avis le plus abouti de la série avec la marque jaune et le mystère de la grande pyramide : l'intrigue est très bien ficelée, les héros ont toujours de la chance mais c'est un peu moins marqué que d'habitude, et c'est une très bonne histoire.
J'aime bien aussi cette histoire, mais comme les deux premiers retours dans le temps ne sont que des péripéties sans grand interet dans l'intrigue générale, on s'attarde dans le futur mais pas assez longtemps je trouve. Le thème de l'exploration aurait pu être plus développé. C'est un problème récurrent dans les histoires de Jacobs : l'intrigue passe au second plan par rapport aux élements d'aventure.
Je trouve également le thème de ce livre très proche de l'énigme de l'atlantide, ou on a un axe d'intrigue très proche avec des personnages assez semblables et un développement un peu calqué (sauf que la mortimer est pas tout seul).
Je l'ai jamais lu mais j'ai écouté en boucle la version en CD audio.
Il y a longtemps quand je lisais la BD pour les premières fois, je n'avais tilté que c'était du français mal-orthographié, je pensais que c'était une langue étrangère en fait. Quelques années plus tard je peux enfin faire le rapprochement avec le thème Orwellien de la désinstruction des masses par la simplification de la langue, d'autant plus que comme chez Orwell c'est le gouvernement qui a mis en place cette simplification.
Ivaldir a écrit :
Hum je ne sais pas trop, quand j'essaye de comparer les deux ben... rien ne me vient en tête
Ragnarok a écrit :
Han, la BD sous forme de CD Audio. C'est marrant hein j'ai toujours entendu parler de ce genre de format et pourtant je ne suis jamais retrouvé en contact avec dans un magasin... Je me demande si le dessin animé a repris les mêmes doubleurs ?
J'en ai un exemplaire chez moi, et je le relis régulièrement... Par contre, l'aspect orthographique ne m'avait jamais frappé.
Comme quoi ça sert d'être un grammar nazi. Oui parce que j'étais déjà un Grammar Nazi quand j'étais petit.
J'ai lu il y a longtemps un bouquin de sf post-apocalyptique dans lequel le langage était de même devenu dans la défunte société purement "comme ça se prononce". Niourk de stéphane wul. Paru en 1957, avant le piège diabolique donc. Je ne saurais vous dire s'il est vraiment bon en revanche, je l'ai lu une seule fois à 11 ans.
Avant ça, il y a le très célèbre 1984 de George Orwell publié en 1948 qui a fondé la novlangue, qui comporte beaucoup moins de mots pour limiter le développement de la pensée.
Exact, d'ailleurs je recommande son adaptation XTREM version non assumée Equilibrium, pour rire un grand coup. Je crois que je vais écrire une belle critique de ce flim.
Beurk ! Ce livre m'a dégouté des dictatures et des oppresseurs. JE SUIS LIIIIIBRE !
Ertaï a écrit :
Exact, ce détail m'a carrément marqué, et j'ai la sensation que, contrairement à un Retour vers le Futur 2 qui s'est montré (même si follement amusant) loin, loiiiiin loin de la vérité dans laquelle nous vivons, ce genre de vision du futur, en revanche, pourrait devenir réalité.
Hier j'étais au supermarché quand je suis tombé sur les bacs des DVD à bas prix et, surprise, je suis tombé sur le DVD de l'adaptation du Piège diabolique en dessin animé. L'occasion faisant le larron et le Piège diabolique étant un très grand moment d'enfance pour moi, j'ai sauté sur l'occasion.
Je ne fondais pas beaucoup d'espoir mais je ne m'attendais pas non plus à ce que cet épisode devienne un cas d'école de l'adage "édulcoration de l'adaptation n'est que ruine de l'original".
Je ne parlerais pas ici du chara-design ou de l'animation, problèmes que je connaissais déjà vu que j'avais demandé à mon oncle de m'enregistrer le Secret de l'espadon lors de sa première diffusion (sur Canal+ en prime time s'il vous plaît), non je veux surtout parler de la trame narrative et combien elle a été altérée pour sa diffusion sur le petit écran.
Le chronoscaphe à deux places
Pour ceux qui n'ont pas lu la BD, je résume juste en disant qu'il s'agit du voyage solitaire de Mortimer à travers le temps à bord d'une machine à voyager dans le temps (le chronoscaphe) détraqué par le professeur Miloch en guise de vengeance.
Le mot clé ici étant solitaire or dès les premières minutes on constate que l'engin a deux places, well c'est vrai qu'on pouvait se demander à la BD pourquoi Miloch n'a-t-il pas étendu sa vengeance sur le Capitaine Blake (note : je n'ai toujours pas lu SOS Météores) du coup peut-être que la série a voulu corriger cette "erreur".
Néanmoins, comme dans le BD, c'est Mortimer seul qui prend le départ. Passé l'étape des dinosaures, arrive celle du Moyen-Âge avec Mortimer secourant Agnès de la Roche Guillot d'une bande de gueux en pleine jacquerie. Sauf que au lieu qu'Agnès s'enfuie par la Bove avec le prêtre pendant que Mortimer regagne la machine, voila que le professeur embarque la damoiselle avec lui ! Pour quelle raison ? Aucune réellement, peut-être qu'il fallait un quota de présence féminine dans l'épisode (mal barré avec E.P. Jacobs) alors voila... Mais ça n'est rien comparé à la suite.
Jamais sans mon Blake
Apparemment les scénaristes n'ont pas pu supporter l'idée ne pas voir Blake dans l'épisode du coup ils ont décidé qu'il participerais lui aussi à l'aventure. Et de quelle façon !
Le capitaine retrouve la trace de Mortimer dans la crypte et découvre un panneau de contrôle caché permettant de voir ce que fabrique le professeur et aussi de commander l'engin. On peut se demander à quoi pouvait bien servir ce dispositif pour le professeur Miloch (ce dernier étant décédé) qui ruine complètement sa vengeance puisque Blake s'en sert justement pour ramener son Old Chap et Agnès dans le présent... Jusqu'à ce qu'on découvre que Miloch n'est pas mort (dramatic prairie dog turn) et envoie nos trois amis (Blake étant entré dans le Chronoscaphe comme un idiot) dans le futur histoire de rigoler encore un coup.
Ainsi ce n'est pas avec un mais deux compagnons que Mortimer aborde la troisième partie de l'aventure qui brille dans le BD par le pesante solitude à laquelle fait face le professeur dans le dédale de béton calciné de la cité interne. Un passage complètement ruiné dans le dessin animé.
Les scénaristes ce sont du coup retrouvés avec le problème de donner quelque chose à faire au Capitaine. Du coup pendant que le professeur remet en état une centrale atomique et met au point des micro-bombe à fission, Blake... pioche. Ben ouais difficile de lui trouver mieux dans une trame prévue pour un seul personnage principal...
Tu ne tueras point (ou presque)
Passage obligé pour la diffusion sur les grandes chaînes, tous les morts doivent disparaître de l'écran. Autant je ne fais pas trop de cas du comte et ses gens qui se rendent au lieu d'être massacrés, autant je ne comprends absolument pas comment ils ont pu laisser le professeur Miloch en vie. Pire à la fin de l'épisode il se prend tout un pan plafond en pierre et parvient tout de même à survivre, bandé comme une momie à l'hôpital (pour rappel il est censé avoir pris des radiations le tuant à petit feu).
C'est d'autant plus bizarre que Miloch, antagoniste récurrent, soit épargné (ou presque) tandis que Krishna, le traitre du futur n'apparaissant qu'ici, soit finalement désintégré (hors caméra) par les robots de la police !?
On noteras aussi l'absence de l'appauvrissement de l'orthographe dans le futur, fait intéressant qui donnait une certaine saveur à cette partie de l'histoire. On retiendra par contre les relais de la police qui sont devenus bleu fluorescent, tellement camouflé que même une femme du XIVe siècle arrive à les découvrir
Cet épisode et surtout le passage dans le futur aurait pu produire quelque chose de très bonne facture visuellement parlant mais hélas la nécessité des quotas de personnages et du politiquement correct ont complètement ruiné cette opportunité...
Un peu d'actualité, une pastiche de cet album est sortie en librairie, je l'ai lue, plutôt drôle même si tous les passages ne sont pas hilarants. Un humour pas forcément très abordable, mais je le conseille à tous !
Avis aux amateurs, on se rapproche ici plus de la débilité noire que d'une histoire Mortimante, mais ça reste dans le domaine du correct... (sic)
J'ai eu moi aussi l'occasion de le feuilleter en librairie et si certains clins d’œil font sourire, dans l'ensemble je trouves ça trop lourd, trop niais, bref une parodie très premier degré.