De l'état des OS alternatifs

Y-a-t-il une vie en dehors de Windows/MacOS/Linux ? Peut -on encore échapper au Maître Contrôle Principal ? C'est ce que nous allons voir en passant en revue l'état de l'offre actuelle en matière d'OS alternatifs.


Sur le plan des systèmes d'exploitation la décennie 1980 a été celle de la foire d'empoigne, chaque fabriquant de matériel cherchant à imposer son propre environnement logiciel. Puis la décennie 1990 a été celle de l’hécatombe ne laissant plus que Microsoft Windows et Mac OS sur le marché. Avant de se terminer sur une lueur d'espoir avec l'avènement de Linux et du développement décentralisé non-professionnel. Désormais plus besoin de capitaux considérables, chaque groupe d'utilisateur pouvait s'autonomiser sur une niche logicielle à développer par soi-même. Aujourd'hui que reste-t-il de cette utopie d'une diversité d'OS qui donnait tout son sens au mot portabilité ?

Généralités

Autant le dire tout de suite, si j'écris cet article c'est parce que la situation n'a jamais été aussi catastrophique. Plutôt que de chercher l'élu de votre souris Logitech on va se contenter de faire un inventaire des espèces en voie de disparition. Puisque tel est le sort qui semble inéluctable pour les survivants de cette liste pourtant longue de systèmes qui n'ont pas démérité mais dont personne ne parle ou que tout le monde a oublié.
Dans cette classification on remarquera 3 catégories principales :
Les "historiques" ont un passé actif de vrais utilisateurs en chair et en OS. Des gens comme vous et moi qui cliquaient et pensaient différemment (non, pas forcément sur un Apple).
Les "clones" sont des copies plus ou moins actualisées d'un OS "historique".
Les "universitaires" sont des créations à vocation éducative destinées à simplifier et à systématiser l'intégration de composants logiciels interopérables.

Hébergés

Un OS est dit hébergé (hosted) s'il tourne au dessus (en utilisant les drivers) d'un système hôte, en général Windows/Linux.

AmigaOS/MorphOS

C'est le premier des survivants "historiques". Avec une communauté d'utilisateurs dont l'estimation va de quelques milliers (selon les manifestants) à quelques centaines (selon la police).
Les uns ont choisi la branche légitime Amiga OS4, développée à partir des sources de feu Amiga OS3.
Les autres ont choisi la branche dissidente MorphOS 3, un clone développé de façon indépendante.
Aucun des deux n'est compatible PC, pour les faire fonctionner il faut un matériel spécifique construit autour du processeur risc PowerPC.
Alors ils sont au moins compatibles Commodore-Amiga ? Même pas, puisque Commodore n'a commercialisé que des Amigas construits autour du processeur Motorola 680x0. Bizarrement, cette niche logicielle basée sur une niche matérielle a réussi à survivre jusqu'à aujourd'hui.
À noter également : ces deux OS sont commerciaux. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont profitables.

AROS

La communauté Amiga ne pouvait pas se résoudre à asseoir sa survie sur celles de société commerciales. Il lui fallait un compatible AmigaOS open-source, qui soit libre de droits. Ce sera le projet AROS (Aros Research Operating System), un Amiga OS3 sur votre compatible PC. Aujourd'hui que ce projet a plus ou moins abouti il faut se rendre à l'évidence. Conçu uniquement pour la rétro-compatibilité, sans aucune direction pour son avenir, AROS peine à combler les retards de son modèle et aujourd'hui le projet fait du sur-place.
En plus de sa version native AROS peut également être hébergé sur Linux.

HaikuOS

Dans la ligné des historiques, HaikuOS est le clone open-source descendant de feu BeOS.
Le projet HaikuOS est encore actif, aujourd'hui en version alpha 4.

eComStation

Toujours dans la ligné des historiques, eComStation est le nouveau nom commercial de feu IBM OS/2 Warp.
Comme presque tous les OS historiques eComStation offre un navigateur web moderne (FireFox) et... pas grand chose de plus.

SyllableOS

Avec SyllableOS on quitte la lignée des historiques pour une lignée encore plus ambitieuse.
Ici il ne s'agit plus de construire une communauté d'utilisateurs nostalgiques mais d'attirer une nouvelle communauté autour d'un projet open-source qui veut corriger tous les défauts (réels ou perçus) des OS existants ou ayant existé. La logithèque est également créée ex nihilo.
En plus de la version native Syllable-serveur est une version hébergée sur Linux.
Aujourd'hui, le projet SyllableOS semble inactif, sans doute faute de contributeurs.

SkyOS

On reste dans l'ambition d'une nouveauté totale avec le projet SkyOS.
Celui-ci a l'originalité de n'être porté que par un seul homme.
Son modèle économique était basé sur le crowd-funding avec une version bêta payante donnant droit à une version finale gratuite.
Après le désistement de son contributeur principal, SkyOS est aujourd'hui au point mort.

Smalltalk

Bien qu'originaire du secteur privé (Xerox,IBM,Apple) Smalltalk, que vous connaissez peut être mieux sous le nom de Squeak, a toutes les caractéristiques du système d'exploitation "universitaire". Un système compact, un seul langage de programmation pour tout faire, le jusqu'au-boutisme du tout-objet, le système Squeak/Smalltalk a la simplicité du concept universitaire qui ne rencontrera jamais la complexité des demandes du marché. À tel point que la version native a été carrément abandonnée au profit de la version hébergée. Il faut dire que le système à lui seul ne propose pas de navigateur web. Cela suffit à confiner le système dans une sorte de bac-à-sable dont l'utilisateur voudra pouvoir sortir sans redémarrage.

Oberon

Le projet de Niklaus Wirth, inventeur du Pascal, enseignant à ETH-Zurich.

Un système compact, un seul langage de programmation pour tout faire, le jusqu'au-boutisme de l'envoie de message, vous avez reconnu la simplicité du concept universitaire qui ne rencontrera jamais la complexité des demandes du marché. Et toujours pas de navigateur web. Même causes, même conséquences. La version native a été abandonnée au profit de la version hébergée.
Oberon ne dépassera jamais le stade de l'expérience de laboratoire hébergée sur Windows/Linux.

Conclusion

Rétrospectivement, les nouvelles possibilités de communication et/ou de financement offertes par l'internet apparaissent plus comme un mirage qu'une réelle opportunité. D'énormes quantités de ressources humaines ont été investies en vain dans des projets zombis qui n'avaient ni public ni logithèque ni support exhaustif des nouveaux périphériques. Alors que le bureau perd de la valeur ajoutée au profit des jeux flash, des appliquettes connectées et des plateformes mobiles, les OS alternatifs veulent aller à contresens de l'histoire en proposant un ancien bureau, ou même un nouveau bureau. Ils se heurtent rapidement au problème de la poule et de l'œuf. Pas de bureau alors pas de logithèque, et pas de logithèque alors pas de bureau. Même les OS historiques n'arrive pas à résoudre cette équation. D'une part leur logithèque est datée, d'autre part les logiciels, la plupart d'origine commerciale, ne sont disponibles qu'en binaire et pas en source. Pour empirer encore les choses, les logiciels récents disponibles sont en grande majorité des portages GNU (gcc, Pov-Ray, Blender) ce qui leur enlève leur seul atout : la personnalité.
En résumé, si les OS alternatifs sont encore là, leur source d'utilisateurs, qu'elle soit dans le futur ou bien dans le passé, semble bien asséchée.

Voilà. J'espère ne pas avoir oublié votre OS alternatif favori.
N'hésitez pas à poser des questions sur l'un ou l'autre des systèmes mentionnés, que vous soyez intéressé ou par simple curiosité.

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16 Commentaires

  • J'ai retrouvé le coupable qui a tué SkyOS !
    C'est la personne en bas à droite.

  • Salut, chouette article !

    Tu fait bien de discerner la cible professionnel, de la non-professionnel. Le problème c'est que la grosse majorité des utilisateurs classiques veulent simplement que leurs ordinateur qui a couté plus ou moins 1000 euros fonctionne simplement et fasse tourner des trucs téléchargé sur internet. Ils se moquent même de savoir comment sont extrais et revendus les données personnels, ce qui est tout de même passablement scandaleux.

    Il ne faut pas s'étonner après qu'il arrive des aberrations telle que Windows 8. On est pas loin du serveur Web amélioré en exagérant à peine. Toi qui a fourré ton nez dans tous ces systèmes et moi qui a eu l'occasion d'ouvrir mon esprit sur le Workbench v3, on à du mal à se conformer aux nouveaux standard, mais on doit quand même faire avec sous peine d'être marginalisé.

    Maintenant les dès sont jetés, Linux a l’avantage de se présenter sous de nombreuses distributions, on peut donc allier interopérabilité et personnalisation avancé du système. Mais c'est certain que le luxe de maitriser à 100% son OS n'est plus offert a un publique large.

  • Merci pour ce panorama en forme d'épitaphe, je suis toujours épaté par ces projets qui commencent par "on va faire mieux que [insérez le nom d'une entreprise multinationale], on va refaire [nom d'un projet titanesque], on n'a pas de financement, qui est partant ?".

    Même pour des choses aussi simples que des cartes Starcraft dont l'ordre de magnitude de complexité est ridicule par rapport à celui d'un OS il y a des désistements. Qu'est-ce qui pousse les gens à se lancer quand même ?

  • Merci pour le tour d'horizon.

    SpiceGuid a écrit :

    les logiciels récents disponibles sont en grande majorité des portages GNU (gcc, Pov-Ray, Blender) ce qui leur enlève leur seul atout : la personnalité.

    Je ne suis pas familier des "portages GNU" du coup j'ai du mal à comprendre ce que tu veux dire par là, tu pourrais développer un peu plus ?

  • Spiceguid, tu ne considère dont pas linux comme un OS alternatif ? Quels sont tes critères pour définir "alternatif" ? parce que là j'ai un peu l'impression que si ton tableau est si noir c'est parce que tu n'y a listé que les projets morts ou presque. Or de mon point de vue, en se basant par ex sur le nombre d'utilisateurs réels actuel, linux est bel et bien un OS marginal, non ?

  • @ Ertaï

    Un des facteurs qui pousse les gens à ressusciter un OS zombi c'est une question de vie ou de mort. Certains ne peuvent tout simplement pas s'adapter à l'offre du marché. S'ils ne le font pas eux-mêmes personne d'autre ne le fera parce que tout le monde est passé à autre chose. Et tant pis s'ils n'ont pas la qualification, ils apprendront sur le tas (ce qui est incroyable c'est qu'apparemment ça marche).
    À mon avis il y a également un second facteur qu'il ne faut pas sous-estimer. Tout le monde ressent une perte de sens face à la mondialisation. Chacun tente de restaurer du sens comme il peut, pour certains ça passe par la sauvegarde de leur "patrimoine" logiciel.

    @ Aka

    Je fais des phrases trop longues confused
    Les logiciels GNU ne manquent pas de personnalité. Ce qui manque de personnalité c'est un OS alternatif qui n'offre qu'une logithèque GNU qu'on retrouve sur n'importe quel autre OS notamment Windows/Linux. À la fin c'est un peu désespérant (pour celui qui veut s'inscrire dans l'alternative) d'utiliser les mêmes logiciels que tout le monde.

    @ Le Bashar

    Spoiler (Sélectionnez le texte dans le cadre pointillé pour le faire apparaître)

    Réponse de mauvaise foi : Linux n'est qu'un noyau, pas un OS complet razz

    Sur le plan numéraire Linux est suffisamment marginal par rapport à Microsoft/Apple pour être considéré comme une alternative. Cependant il reste au moins 1000 fois plus populaire que ceux que j'ai énumérés, donc j'ai considéré qu'il ne joue pas dans la même catégorie. Linux n'a pas besoin de publicité, tout le monde le connaît au moins de réputation.

  • Autant je comprends ce principe pour les remakes de jeu, ou même des sites web (j'ai volontairement écarté les solutions populaires de création de site web), autant ça me paraît un poil prétentieux de croire qu'on puisse faire son propre noyau.

    @Le Bashar: Linux représente quand même la grande majorité des serveurs (le cloud), assez pour ne pas vraiment pouvoir être considéré comme marginal à l'échelle de l'informatique en général. Bien sûr niveau grand public il est quasiment inexistant, mais Ubuntu ou Red Hat sont déjà beaucoup plus populaires que les exemples cités dans cet article.

  • NEWS HAIKU

    Les développeurs HaikuOS se seraient mis d'accord sur le fait que la prochaine version serait une beta1 au lieu d'une alpha5 comme prévu initialement.
    Ça sonne comme une accélération. Mais au bout du compte il faudra bien implanter tout ce qui doit l'être et éliminer autant de bugs que possible avant la release1. Ce qui rassure c'est que c'est un sursaut ou au moins un signe de vie. Et au point où on en est c'est déjà mieux qu'un silence de mort.
    Concrètement la version alpha4 a deux ans maintenant.

  • NEWS AmigaOS

    Hyperion Entertainment, l'entreprise qui développait la branche AmigaOS4 (la déclinaison PowerPC du cultissime ordinateur de feu Commodore) vient d'être mise en faillite.

  • Il reste encore les clones que sont MorphOS (commercial, exclusivement sur Apple/PowerPC, ) qui avance et AROS (libriste, compatibles PC) qui fait du sur-place. Le problème économique d'Hyperion c'est qu'il faisait de la vente liée logiciel/matériel (OS4/Amiga-PowerPC). Et comme ce sont de très petites quantités cela revient très cher pour un système de niche avec une logithèque moribonde.

  • J'en connais qui doivent remplir des piscines olympiques avec leurs larmes ...

  • NEWS AmigaOS

    Ah le délice de spammer AG avec des folles news AmigaOS deg

    On apprend aujourd'hui que Hyperion Entertainment n'est pas ou n'est plus en liquidation judiciaire. Selon la company il s’agirait d'une erreur administrative. D'autres sources évoquent l'arrivée providentielle de nouveaux financements ainsi qu'un changement de direction. Le développement du système se poursuivrait normalement, sur la base de AmigaOS 4.1 Final Edition, sorti récemment. Rappelons que les possesseurs d'AmigaOne X1000 attendent encore le support logiciel du multicœur.

  • Il y a même une version de l'OS4 pour Amiga Classic. Mais faut une CG assez pêchu, au final le machin est aussi puissant qu'un PC standard lol

    Mais c'est sympa car cela ouvre des perspectives, j'ai toujours dans l'idée de revamp mon vieux A1200 tower "fait maison" pour en faire une plateforme multimédia de salon.

  • Et c'est bien là tout le drame neutral
    Car une fois que ton A1200 est aussi puissant qu'un PC standard qu'est-ce que tu en fais ?
    Tu ouvres des onglets avec OWB (Origyn web browser), tu écoutes des MP3, tu regardes des vidéos YouTube, tu lances des rayons avec Poy-Ray, tu fais des animations avec Blender, tu copies des fichiers de plus de 4Go, tu programmes avec GCC. Et même tu émules un Mac-PPC pour pouvoir jouer à Starcraft Broodwars !
    Bref, tu fais presque tout presque aussi bien qu'avec n'importe quel ordinateur portable à 400€. Sauf que ça t'as coûté un mois de salaire.

  • Quoique, je viens de lire l'article de Lio sur le dernier mag Amiga=Power, conclusion l'OS 4 classic n'apporte pas grand chose par rapport au Workbench 3.9, même (surtout) avec une bonne carte PPC.

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