La Science Fiction

La science fiction est un genre littéraire relativement nouveau, et ayant fait couler beaucoup d'encre. Considéré par ses détracteurs comme un sous-genre commercial de la littérature, quelques livres phares de la SF on malgré tout réussi à passer avec succès l'épreuve des critiques, et à faire connaître ce genre du plus grand nombre. Il faut aussi noter que bien souvent, la Science Fiction est une amante capricieuse : une fois qu'on y a goûté, les autres styles littéraires perdent de leur saveur... Je vous propose ici ma définition de ce style littéraire. Elle est loin d'être complète, comme je manque de temps en ce moment, je vous la livre telle quelle en attendant vos retours.


1) Table d'analyse des récits

Je me suis appuyé pour faire cette analyse de la science fiction sur le diagramme ci-dessus, représentant la justification de l'auteur quant à son récit. Il a été réalisé par Alexandre Drouet, un auteur de science fiction.

a) Justification du récit

La première question à se poser est : l’auteur justifie-t-il les faits qu’il raconte ?

Récit fantastique : L’auteur ne justifie pas les faits qu’il raconte. Dans ce cas il est libre de nous raconter ce qu’il veut. Ce qui se produit n’est pas explicable – et donc étrange, inquiétant, déstabilisant, ou absurde.

Récit réaliste : L’auteur veut justifier les faits qu’il raconte. Il y a donc des raisons logiques pour lesquels les faits ont lieu, car dans le monde réel tout événement est la conséquence d’autres événements. L’auteur conduit donc son récit de manière réaliste, en respectant la logique des causes et des effets. Il faut noter que l'auteur n'est pas obligé de nous donner les causes des faits en question, il nous suffit de savoir qu'elles existent pour différencier ce type de récit d'une histoire fantastique.

« Tiré d’une histoire vraie » : L’auteur peut alors se référer à une histoire ayant eu lieu dans le monde réel, ou du moins s’en inspirer. Ce type de littérature, aussi passionnant soit-il, n'entre pas dans le cadre de cet article.

Fiction réaliste : Mais dans la majorité des cas, l’auteur donne naissance à une fiction. Comme cette fiction est réaliste, il doit trouver l’enchaînement de faits qui relieront de manière crédible les événements qu’il souhaite raconter, et qui aboutiront avec logique à la conclusion qu’il a imaginée. Cette fiction peut prendre place dans le monde tel que nous le connaissons, soit parce qu’il est présenté tel que nous avons pu le spéculer de manière scientifique pour chaque époque passée, soit parce qu’il nous est contemporain. L’auteur, pour justifier le monde qu’il présente, peut alors compter sur un minimum de science commune – ce qui le dispense d’un grand nombre d’explications.

Fiction réaliste se déroulant dans un monde imaginaire : Cette fiction réaliste peut également prendre place dans un monde que nous ne connaissons pas – un monde qui est issu de l’imaginaire de l’auteur. Dans ce cas, l’auteur se doit de nous fournir les justifications de ce monde.

Récit de Fantasy : Il peut se servir de la magie comme argument – celle-ci étant alors soumise à une règlementation, plus ou moins précise selon les œuvres, qui est définie et exposée par l’auteur. La fiction réaliste se déroulant dans un monde imaginaire justifié par l’argument magique porte, si elle est ancienne le nom de mythologie, si elle est récente celui de fantasy. Elle peut se dérouler dans un monde totalement imaginaire, un « ailleurs » n’ayant aucun lien avec l’univers dans lequel nous vivons. Elle peut également déformer les mondes et les chronologies que nous connaissons, anciens ou contemporains – on parle alors d’une uchronie. Elle peut aussi se dérouler dans un monde qui est présenté comme le nôtre mais dans une époque future.

Récit de science-fiction : Dans le cas de la science-fiction, afin de justifier le monde qu’il nous présente, l’auteur utilise une argumentation qui répond à l’exigence d’objectivité et de précision qui est le propre de la science. Il se base pour cela sur des possibilités d’évolution de nos connaissances, de nos technologies et de nos systèmes politiques. Ces évolutions possibles peuvent prendre place dans le monde tel que nous le connaissons, passé ou présent, créant ainsi une uchronie. C’est le cas, par exemple, si l’auteur raconte que les dinosaures étaient des extraterrestres, s’il écrit l’histoire d’un alchimiste du moyen-âge ayant découvert la technologie de la fusion atomique, ou s’il tente d’imaginer ce que serait devenu notre monde suite à une victoire des nazis. L’auteur peut aussi supposer que notre monde contemporain n’est qu’une façade et que, derrière, une autre réalité est déjà présente, que nous ne connaissons pas encore. Enfin, le récit de science-fiction peut – et c’est le cas le plus fréquent – se dérouler dans le futur, ce qui permet aux auteurs d’explorer pleinement diverses hypothèses quant à l’évolution de notre monde et de nos sociétés.

b) L’incendie

Afin d’illustrer ce qui précède, je me servirai d’un exemple très simple : un accident de voiture.

Récit fantastique : le héros voit sa vie défiler devant ses yeux alors que le mur semble foncer sur son pare-brise. il ferme les yeux, et est effaré de se retrouver indemne, au milieu des ruines de sa voiture, de l'autre côté du mur. C'est un miracle !

Récit réaliste : le héros voit sa vie défiler devant ses yeux alors que le mur semble foncer sur son pare-brise. il braque à fond, essaie de virer pour ne pas rentrer dans le mur de plein fouet, mais les récentes pluies ont rendu le bitum extrêmement glissant, annihilant ses efforts désespérés.

Fantasy : le héros voit sa vie défiler devant ses yeux alors que le mur semble foncer sur son pare-brise. il ferme les yeux, et psalmodie les incantations d'un vieux sort réduisant l'énergie cinétique d'un objet. la voiture s'arrête immédiatement, et il sort de sa voiture, ébranlé mais indemne.

Science-fiction :le héros voit sa vie défiler devant ses yeux alors que le mur semble foncer sur son pare-brise. il active le générateur à impulsion auxiliaire de sa voiture pour réduire l'énergie cinétique de la voiture, qui s'arrête immédiatement. Il sort de sa voiture, ébranlé mais indemne.

c) Fantastique et Fantasy

J’ai constaté une tendance assez répandue, qui est de ne pas faire de distinction entre fantastique, science-fiction et fantasy, c’est-à-dire de classer les récits soit dans le réel, soit dans l’imaginaire. Mais cet article ne pourra prendre son sens que si je me base sur des définitions réfléchies, exactes et strictes. Je voudrais ici préciser certains points concernant la fantasy et le fantastique, en insistant bien sur la différence entre les deux.

Le fantastique se définit une émergence de l'étrange dans la réalité . Pour cela, bien sûr, il faut que ce qui précède cette intrusion ne soit pas étrange. Ainsi il s’agira plus facilement d’un contexte contemporain. Mais pas nécessairement. L’auteur peut aussi prendre son temps pour installer un univers réaliste de type historique, ou futuriste (donc de science-fiction), nous en donner les règles, puis y faire surgir un élément injustifiable, inexplicable, qui fera basculer le récit dans du fantastique. La réaction des personnages soulignera alors le fait que cet événement-là n’est pas habituel, qu’il est incompréhensible. « Mais… ce n’est pas possible », s’exclameront-ils. Ce qui compte, c’est que les règles du monde dans lequel se déroule le récit soient franchies contre toute logique, contre tout bon sens, et contre toute possibilité d’explications.

Ecrire de la fantasy, ce n'est pas laisser libre cours à son imagination quant aux événements racontés – nous serions alors dans du fantastique – mais bien de laisser libre cours à son imagination quant aux règles auxquelles seront soumis ces événements. Les faits qui semblent inhabituels au lecteur ne le sont pas pour les personnages qui vivent dans ce monde et en connaissent les règles. La magie est une réalité au même titre que la gravitation, que le soleil, que le défilement des jours et des nuits : personne ne s’en étonne.

2. différentes définitions de la science-fiction

a) Un récit se déroulant dans le futur

Lorsque l’on demande aux gens de définir la science-fiction, une majorité répondra : « cela se passe dans le futur ». Or on peut constater que sur notre table d’analyse trois types de récits peuvent prendre place dans le futur :

Le fantastique futuriste : j’ai déjà dit qu’un auteur pouvait très bien partir d’un univers futuriste réaliste pour le faire ensuite basculer dans le fantastique. C’est le cas de certains textes de l’américain Ray Bradbury. Par exemple, dans La Savanne, une salle de jeu futuriste se met à fonctionner anormalement, jusqu’au final où de simples représentations vidéo de lions en trois dimensions vont, contre toute logique, dévorer des personnes réelles. Or il a été précisé plus tôt que ces lions n’étaient rien de plus que des enregistrements sonores et des visualisations. C’est un récit fantastique, même s’il se déroule dans le futur.

La fantasy futuriste : de même, un auteur peut très bien exploiter un univers futuriste régi par une magie qui n’est pas scientifiquement justifiée. J’entends par ce « pas scientifiquement justifié » que ce qui peut sembler issu de la magie ne doit alors pas être la conséquence de radiations, de mutations de l’espèce humaine, etc…, auquel cas ce n’est plus de la fantasy mais de la science-fiction.

La science-fiction futuriste : une branche très importante de la SF est en effet futuriste. On nous présente alors un monde qui est la conséquence, proche ou lointaine, de l’évolution humaine et de l’évolution de notre habitat la planète Terre.

Définir la science-fiction comme un récit se déroulant dans le futur est donc à la fois faux, puisqu’on englobe d’autres genres, et réducteur, puisqu’on ne tient pas compte des uchronies.

b) La science-fiction définie par ses thématiques

Une seconde manière de définir la science-fiction sera alors de l’enfermer dans ses thématiques : si il y a des robots, ou des clones, ou des mutants, ou des extraterrestres, si on parcourt l’espace, si on visite d’autres planètes, si on voyage dans le temps, si une explosion atomique a détruit la surface de la Terre, alors c’est de la science-fiction. Une telle définition serait nier le potentiel de création de toute littérature. Ce serait fermer la porte à toute innovation et emmurer le genre derrière ses clichés. Ce serait tuer la science-fiction. De plus – et cela rejoint la précédente contestation – rien n’empêche un récit fantastique de se servir de clones ou de robots ou de voyages dans le temps. Idem pour la fantasy.

c) Définitions spécialisées

Je vous laisse forger votre propre idée avec quelques définitions connues :

Isaac Asimov :
" On peut définir la Science-Fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie "

Petit Larousse :
"Genre littéraire et cinématographique dont la fiction se fonde sur l'évolution de l'humanité et, en particulier, sur les conséquences de ses progrès scientifiques. "

René Barjavel :
« La science-fiction, ce n'est pas un genre littéraire, c'est tous les genres, c'est le lyrisme, la satyre, l'analyse, la morale, la métaphysique, l'épopée. Ce sont toutes les activités de l'esprit humain en action dans les horizons sans limites. C'est en ce moment la seule littérature vivante du monde entier. »

John Campbel :
" La science-fiction n'est pas autre chose que des rêves mis par écrit. La science-fiction est constituée des espoirs, des rêves et des craintes (car certains rêves sont des cauchemars) d'une société fondée sur la technologie. "

Norman Spinrad :

"Il n'existe qu'une seule définition de la science-fiction qui me paraisse utilisable et sensée : "La science-fiction c'est tout ce qui est publié sous le nom de science-fiction."

Frederik Pohl :

"C'est cette chose que les gens qui savent ce qu'est la science-fiction désignent en disant : "C'est de la science-fiction."

Alexandre Drouet :

"La science-fiction est un type de récit conduit de manière réaliste où l’auteur, afin de justifier le monde qu’il nous présente et qui nous est inconnu, utilise une argumentation qui répond à l’exigence d’objectivité et de précision qui est le propre de la science. Il se base pour cela sur des possibilités d’évolution de nos connaissances, de nos technologies et de nos systèmes politiques. "

Anonyme :

"Science-fiction = piou-piou (lasers), vroooooooum (vaisseaux spatiaux), bip-bip (robots)."

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3 Commentaires

  • C'est intéressant mais tu n'as décrit ici la SF que sur la forme. Or comme tu dis, la définition est incomplète car d'autres genres peuvent utiliser une forme similaire sans que ce soit de la SF. La définition de la science-fiction, tu la laisses entrevoir à travers les définitions des personnes (mais que tu n'essaies pas d'expliquer). Il s'agit en fait de parler de notre société, à travers le prisme d'un possible futur, et c’est là le plus intéressant et le plus passionnant. Si un auteur de SF s'inquiète du clonage, il peindra un monde futur où le clonage sera au centre des problèmes de la société ou de la morale. Si ce sont les machines qui inquiètent et la dépendance des humains à leur égard, on verra se profiler des futurs où les machines font la guerre à l’homme.

    Cette définition, qui s’attache plus au fond qu’à la forme, a une conséquence visible : en fonction de l’époque et de ses peurs, la SF change de thématiques. Le premier livre qui parle d’extraterrestre, il me semble que c’est Micromégas de Voltaire, a pour but de critiquer la religion et la société. C’était la période des Lumières, où l’on remettait en cause beaucoup ces aspects. Plus récemment, la guerre froide a vu une infinité de romans de SF, parlant de fin du monde, de menace nucléaire, etc. Si l’on voit des extraterrestres, c’est pour mettre en avant justement ces problèmes là.

    D’ailleurs, on peut le voir dans les œuvres qui ont été réadaptées. Je pense à la planète des singes. J’aimerais éviter le spoil mais je vous conseille le film original de 1968, avec Charlton Heston, malgré qu’il ait mal vieilli. Bref ! Dans la version 1968, il est visible que c’est l’arme nucléaire qui est à l’origine du cataclysme. Or, dans la version plus récente de Tim Burton, datant de 2001, on ne voit nulle part trace de la peur de l’atome. Au contraire, c’est la science et ses avancées dans la génétique qui prend toute sa place. L’époque change, les thèmes pour un même film réadapté également.

  • je suis d'accord avec toi, et cette vision de notre société via un futur possible est le point que je souhaitais aborder par la suite. J'ai posté cette première partie pour fixer la forme avant d'aborder le fond, et pour vous rassurer quand au fait que je suis toujours là razz

  • Dragoris a écrit :

    Il s'agit en fait de parler de notre société, à travers le prisme d'un possible futur, et c’est là le plus intéressant et le plus passionnant.

    C'est une vision très réductrice de la science fiction. Il y a quantité de récits qui ne parlent pas de problèmes de société ou de peurs contemporaines mais de thèmes très généraux abordés dans d'autre type d'œuvres : fatalité, destin, éthique (souvent scientifique), morale, politique, etc... La science fiction n'est qu'un outil (au potentiel infini) permettant d'explorer ces thèmes. Je penses donc que la définition qu'en donne Mando est très proche de ce que pourrait être la science-fiction si l'on parvenait à la définir correctement.

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