Le Seigneur des Anneaux, castreur d'imagination ?

Voici l'extrait d'un débat qui a débuté dans le Taupikafloude sur Savhon à propos de mon appréciation du Seigneur des Anneaux.


Sizix a écrit :

le seigneur des anneaux en film faut les regarder en version longue, ça dure le double mais y a tellement de scène plus bandante. sourire (enfin y a aussi les livres, mais bon spas trop mon truc les gros pavés.)

Votre serviteur a écrit :

Personnellement, j'ai trouvé que les films rendaient honneur aux bouquins : longs, chiants, et qui ne donnent aucune place à l'imagination. wink

Tangeek a écrit :

La place à l'imagination qui n'est pas présente dans le livre, je veux bien croire, parce qu'il parait que l'auteur décrit TROP les scènes (parait hein, je n'ai jamais lu ni vu aucun des tomes). C'est dommage. Mais pour le film, t'as pas grand chose à imaginer. Tu t'assieds et tu regardes.

 Après, longs, je vois pas en quoi c'est un défaut, c'est même cool. 

 Chiant, encore une fois, je n'ai pas vu/lu, mais si c'était chiant, je pense pas que ça aurait marqué aussi fort la génération contemporaine et les suivantes. 

Arthic a écrit :

Long, c'est sur qu'il faut aimer lire..., chiants, c'est sur qu'il faut aimer le genre..., aucune place a l'imagination, ça non par contre, Tolkien a créé un monde en entier, un monde ultra détaillé qui plus est, ça laisse carrément place a l'imagination, peut être pas celle que tu désires (genre le truc trolol"contemporain", qui sont généralement aussi intéressant qu'un téléfilm français). Perso je trouves que c'est des classiques (en plus quand on les regarde après un pet ou deux c'est carrément mieux \o/ !) 

Avant de développer plus avant mon propos, je voudrais rappeler qu'il n'engage que moi, que ce n'est que mon avis mais que je le partage.

Reprenons dans l'ordre.

Long

Même si cet adjectif était inclus dans une phrase assez péjoratif, ce terme ne l'est pas. Côté bouquin, une trilogie de pavés, complétés par des formats plus courts (Bilbo, Le Silmarillion), des poèmes (Les aventures de Tom Bombadil), etc... On est dans le long.

Côté films, une trilogie de films totalisant 10 heures, soit 5 à 6 films de durée standard, là aussi on est dans le long. De ce point de vue-là, le film et les livres se ressemblent.

Chiant

Là on est dans le troll mais ce n'est pas très subtil. C'est pourtant basé sur des expériences personnelles malheureuses. J'ai lu la trilogie du Seigneur des Anneaux après Bilbo le Hobbit à 12-13 ans, et cela a été dur d'aller jusqu'au bout du troisième tome. Evidemment, les descriptions interminables sont pour beaucoup dans la lenteur du rythme de l'oeuvre, j'y reviendrai. Donc non, cela n'a pas été une partie de plaisir, je l'ai lu parce qu'il fallait le lire quand on faisait du jeu de rôle à l'époque.

Quant aux films, je n'ai vu que les deux premiers en version normale, et ça m'a suffit. Sans pression sociale, je n'ai pas eu besoin de me forcer à voir ni le troisième épisode, ni les versions longues qui m'auraient je suis sûr ennuyées au plus haut point. Mais pourquoi un tel ennui ? Parce que les versions films sont d'exactes copies des bouquins. Pas dans l'histoire non, durée des films oblige, mais dans l'univers et dans l'ambiance graphique. Quand j'ai vu le premier film, j'ai été extrêmement étonné de voir exactement ce que j'avais imaginé lors de ma lecture des livres. Et vu le manque de passion que m'ont inspiré les livres, il n'était que justice que les films fassent aussi bien (ou mal, selon le point de vue).

Et puis je n'ai jamais fumé, ce qui me retire la possibilité d'apprécier ces films sous l'emprise de stupéfiants.

Aucune place à l'imagination

Voilà le coeur du problème pour moi. Non, Tolkien n'a pas "créé" un monde, il n'a fait que prendre à l'imaginaire populaire pour constituer un tout cohérent. Attention, je ne dis pas que ça a été facile, je ne minimise pas son travail énorme que je respecte. Simplement ce n'est pas un travail de création pure, mais plutôt de compilation. Il s'est basé sur des légendes orales et écrites dont il a fait un tout cohérent avec une chronologie, une géographie, une ethnologie et une biologie très détaillées. Tellement détaillées que depuis la parution de son oeuvre, la plupart des oeuvres médiévales-fantastiques ont visuellement ressemblé à la même chose.

Ainsi, après avoir vu ou lu le Seigneur des Anneaux, il est extrêmement difficile d'imaginer un univers médiéval-fantastique qui ne soit pas directement ou indirectement celui que Tolkien a créé. Il faut faire un effort pour s'extraire de ce carcan culturel constitué par la multitude de détails que Tolkien a patiemment décrits. Le Seigneur des Anneaux ne laisse aucune place à l'imagination parce que tout a déjà été prévu, tout à déjà été décrit.

Alors certes, je vous vois venir, même si Tolkien a décrit précisément l'univers médieval-fantastique de référence, il n'a pas écrit toutes les histoires qui ont emprunté à cet univers. C'est vrai, mais c'est bien lui qui a contribué à la diffusion du scénario fantastique basé sur une quête menée par un groupe d'aventuriers. Ce stéréotype n'est pas nouveau, il date de la légende d'Arthur et des chevaliers de la Table ronde, mais il a été largement répandu par Tolkien et sa communauté de l'Anneau. Et pour trouver un scénario qui s'en écarte dans un monde médiéval-fantastique, il vaut mieux s'accrocher. Heureusement ça existe, mais ça ne plaît pas à tout le monde. Alors qu'un scénar bateau dans un univers archi-connu, ça fait vendre, toi-même tu sais Bragelonne.

Voilà pourquoi je dis que le Seigneur des Anneaux ne laisse aucune place à l'imagination, même si c'est un classique.

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9 Commentaires

  • Ertaï a écrit :

    Voilà pourquoi je dis que le Seigneur des Anneaux ne laisse aucune place à l'imagination, même si c'est un classique.

    Peut-être peut-on nuancer ? Est-ce que le Seigneur des Anneaux ne laisse aucune place à l'imagination au sein de son univers ou bien au sein du genre de l'heroic-fantasy ?

    Dans son univers je dirais que c'est assez normal au vu de son auteur prolifique et en même temps je ne puis pas croire que Tolkien ait tout écrit sur tout. Quelqu'un voulant itérer sur l’œuvre pourra toujours aller plus loin dans le passé ou encore envisager l'avenir ou pourquoi faire une uchronie et conter ce qu'il se serait passé si tel ou tel évènement ne s'était pas passé pareil. Tout ceci est un travail d'imagination.

    Maintenant au sein du genre de l'heroic-fantasy, il est vrai que l’œuvre a considérablement influencé le genre en répandant la vision de Tolkien mais comme l'on disait dans le sujet sur l'imaginaire collectif : ledit imaginaire ne devient limité que si on se laisse limiter par la culture de masse et que l'on ne cherche pas ailleurs. Je pense d'ailleurs que de nos jours grâce à l'accessibilité de la culture il est vrai que cela devient de plus en plus difficile d'être complètement original (peut-on l'être encore, surtout dans un genre donné ?) l'imaginaire ne va-t-il pas fleurir du côté du détournement des codes établit -de manière comique ou non- et ainsi puiser son originalité dans le "ça ressemble à ça et finalement... non".

  • Malheureusement on ne peut pas vraiment nuancer, parce que c'est Tolkien lui-même qui a créé involontairement le genre héroïque-fantastique.

    D'autre part, cette stérilisation de l'imagination ne date pas des films, elle date déjà des livres qui ne peuvent pas vraiment être considéré comme culture de masse, l'oeuvre n'étant bien connue que dans les cercles rôlistes.

    Alors certes l'universalité de cet univers a favorisé les parodies comme Le Donjon de Naheulbeuk ou Reflets d'Acides en détournant les codes par trop connus, mais pour moi ce n'est qu'une exploitation du filon, pas une véritable stimulation de l'imagination.

  • Dans le meilleur des cas l'imagination c'est 20% d'originalité pure et 80% d'influence. Et c'est loin d'être une mauvaise chose. Les créations trop personnelles sans aucun emprunt ne parlerait à personne et serait du coup très difficile à lire. C'est fédérateur d'avoir des symboles, des représentations, des valeurs en commun.

    Là ou je te rejoins par contre, c'est qu'aujourd'hui, le fantastique adulte le plus mis en avant est d'inspiration tolkienienne. Je pense que l'aura de l'ancêtre et les films récents y sont pour quelque chose. Le public veut retrouver ce qu'il connait et les éditeurs veulent ne pas prendre de risque. Je pense qu'on doit plus cela à l'époque, peu propice à la création nouvelle dans le domaine littéraire, qu'à la saga de Tolkien.

    D'ailleurs, je trouve ridicule de reprocher à une oeuvre littéraire d'avoir de l'influence. Si d'autres auteurs ce sont inspiré de cette saga au point de créer un genre et que des milliers de lecteurs se retrouvent dans ces codes ou est le problème ?

  • Dans mon esprit ce n'est pas vraiment un reproche, juste un constat. Mon reproche irait plutôt à ceux comme Arthic que j'ai cité qui trouvent que l'univers de Tolkien laisse de la place à l'imagination.

    Après je suppose que tant que je baignais dans ce bain je n'avais pas à m'en plaindre. Il a fallu que je découvre (par hasard) d'autres univers qui n'avaient pas grand-chose en commun avec celui de Tolkien pour prendre le recul nécessaire. Cela m'a permit de constater l'hégémonie culturelle de cette oeuvre, déjà avec les livres, puis plus largement avec les films.

  • Ertaï a écrit :

    Alors certes l'universalité de cet univers a favorisé les parodies comme Le Donjon de Naheulbeuk ou Reflets d'Acides en détournant les codes par trop connus, mais pour moi ce n'est qu'une exploitation du filon, pas une véritable stimulation de l'imagination.

    Ertaï a écrit :

    Mon reproche irait plutôt à ceux comme Arthic que j'ai cité qui trouvent que l'univers de Tolkien laisse de la place à l'imagination.

    Bizarrement je trouve tes critères "d'imagination" particulièrement élevé. Rayer tout ce qui peut être parodie ou continuation de l'œuvre de Tolkien du carcan imaginatif je trouve ça plutôt élitiste ou plus exactement un non-sens car tu l'as toi-même dit Tolkien n'a fait que rassembler les contes et légendes en un tout plus cohérent dès lors il n'a pas fait lui-même preuve d'imagination si je suis ton raisonnement, un comble pour quelqu'un qui aurait vampirisé tout l'imaginaire du genre heroic-fantasy !

    Par ailleurs je pense aussi que le niveau d'imagination (et donc d'originalité) attendu est différent d'une personne à l'autre. Je dirais même qu'il peut changer au sein d'une personne suivant son humeur ou ses envies du moment. Dès lors des œuvres dites "peu imaginatives" sont tout à même de remplir leur office même si pour les amateurs il devra forcement tenir la comparaison avec tel ou tel autre ouvrage.

    Par ailleurs on ne peut pas oublier non plus le côté que chacun fait ses expériences pas forcement avec les mêmes livres. Certains ont découvert des univers magiques à travers Tolkien pour d'autres ce sera Harry Potter et pour d'autres peut-être une œuvre obscure trouvée par hasard sur l'étagère de papa. Je pense que cette première expérience est justement très importante quant au façonnage des lieux communs et clichés d'une personne.

  • Monsieur Pierre.P qui restera anonyme, est un parfait exemple de boule d'imagination débile, alors qu'il est fan du Seigneur des Anneaux. Il a dit que je ressemblais parfois à un bébé, parfois à une chèvre, et parfois à un chat. Si ça c'est pas un bon contre exemple!!! sourire

  • Personnellement, je ne pense pas que LSDA soit "castreur d'imagination", Tolkien a mis en scène un univers très riche, et bien qu'il soit très détaillé, il laisse tout de même de très riches possibilités de créations (dans le domaine du JDR notamment).

    En revanche, je suis d'accord pour dire que le genre de l'héroïque-fantastique est désormais limité car nombre d'auteurs ont repris les codes de Tolkien et écrivent sans cesse des histoires identiques. J'ai lu dernièrement un cycle de Raymond Elias Feist (La guerre de la faille) puis une série de John Flanagan (L'apprenti d'Araluen) et j'y ai découvert deux premiers chapitres quasiment identiques (l'histoire d'un apprenti mage/rôdeur recueillit respectivement par deux vieux maitres mage/rodeur qui découvrent en ces deux apprentis des pouvoirs incomensurables qui vont les mener à changer le monde...). C'est probablement une des causes du fait que je ne lis plus beaucoup de romans de ce genre.

    Mais il y a/aura toujours des auteurs à se démarquer comme par exemple George R. R. Martin (Le trône de fer) ou Terry Pratchett (Le disque monde) qui ont su s'éloigner du carcan de "la quête initiatique dans le but de sauver le monde".

  • kasabian a écrit :

    [Tokien] laisse tout de même de très riches possibilités de créations (dans le domaine du JDR notamment).

    En revanche, je suis d'accord pour dire que le genre de l'héroïque-fantastique est désormais limité car nombre d'auteurs ont repris les codes de Tolkien et écrivent sans cesse des histoires identiques.

    Tu vois, c'est justement ces deux affirmations que j'oppose. Si Tolkien avait vraiment laissé d'aussi riches possibilités de création, comment cela se fait-il que nombres d'auteurs écrivent sans cesse des histoires identiques ?

    Je mets le jeu de rôle et la littérature héroïque-fantastique sur le même plan, il s'agit dans les deux cas de scénarios impliquant des personnages. L'illusion de liberté du JDR fait qu'on croit qu'il y a beaucoup plus de possibilités, mais tout reste cadré par le Meneur de Jeu ; et c'est comme pour les auteurs, il y en a beaucoup qui reprennent tels quels les codes de Tolkien.

    Enfin, tu cites George R. R. Martin et Terry Pratchett. Je reconnais bien volontiers l'originalité du premier vis-à-vis de Tolkien ; en revanche les Annales du Disque-Monde pour lesquelles Pratchett est le plus connu n'auraient pas pu voir le jour sans Tolien. Justement parce que c'est un détournement des codes très connus des univers héroïque-fantastiques à la Tokien.

  • On en revient encore au même problème. Tu sembles considérer que faire une variation d'un univers ne relève pas de l'imagination, de la créativité, que seul partir de rien est digne d'être appelé original. Moi je crois plutôt à des degrés d'originalité par rapport à l'existant allant de 100% pour quelque chose de complètement inventé à 0% pour ce qui est appelé du plagiat.

    Je ne crois pas que ce qui n'est que moyennement original ne soit pas pour autant jouissif ou que partir de quelque chose existant ne limite l'imaginaire. Parfois je pense même que partir d'un existant peut rassurer un auteur en cela qu'il n'a pas besoin de penser à des détails et se concentrer sur ce qui est vraiment original à son histoire.

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