Le cinquième élément

Film mésestimé par les amateurs de cinéma, je m'en vais le défendre envers et contre tout.


Mes mains tremblent à l'heure d'écrire ces lignes tant attendues que redoutées. Je crains en effet d'égratigner involontairement par mes tournures lourdes, ampoulées et maladroites ce que je considère comme l'un des meilleurs films du monde selon mon barême personnel, si ce n'est LE meilleur.

Et ma tâche va être d'essayer de vous communiquer toute l'affection que je porte à ce film, et vu son appréciation dite "populaire", je sens que ça ne va pas être simple. Mais commençons par le commencement.

L'histoire

ou "Le point négatif".

Parce qu'il y en a une, si si. Korben Dallas est un ancien pilote de chasse militaire reconverti en chauffeur de taxi dans une mégalopole du XXIIIème siècle. Il mène une vie solitaire, tiraillé entre sa mère et son patron, mais son passé de militaire va un jour le rattraper d'une bien curieuse manière. En effet, selon une ancienne légende, le Mal revient tous les 5000 ans sur Terre avec la ferme intention d'éliminer toute vie humaine. Ce Mal ne peut être stoppé que par une combinaison des 5 éléments, les 4 que nous connaissons tous (Terre-Vent-Eau-Feu) et un cinquième qui atterrira par accident dans son taxi. S'engagera alors une course contre la montre pour réunir les 5 éléments tout en échappant aux sbires de Jean-Baptise Emmanuel Zorg qui comptent bien profiter de la venue du Mal sur Terre.

Le reste

ou "Les points positifs"

A première vue, l'histoire paraît bateau, manichéenne et déjà-vu. Et elle l'est. La fin est téléphonée et les rebondissements offrent relativement peu de surprises. Mais alors, allez-vous me demander un brin ennuyés, qu'est-ce qui fait de ce film ton préféré ? J'y viens, j'y viens, et je vais même mettre des titres.

Les acteurs

Bruce Willis, Gary Oldman, Chris Tucker, Ian Holm, à priori rien n'aurait pu laisser supposer qu'ils puissent jouer tous ensemble dans un même film. Et pourtant. Dans ce film, ils déploieront des trésors de jeu d'acteur qui, à défaut de rendre le scénario réellement intéressant, permettra de l'apprécier comme base, comme toile de fond mettant en exergue les acteurs. Que ce soit du début avec le professeur Pacoli, son assistant et surtout Aziz, à la fin avec le président de la Fédération Mondiale et le fameux animateur de radio galactique Ruby Rod, en passant par le prêtre Vito Cornelius et la brochette de militaires incompétents.

L'univers

Là encore, c'est un petit bijou. Les différentes vues de la ville dont les superbuildings s'étendent à perte de vue, tellement hauts qu'on ne peut pas voir le sol à cause d'un brouillard persistant dans les couches basses de la ville, les véhicules, véritables sucreries pour les amateurs de space-opera, les costumes également, conçu par Jean-Paul Gauthier, détail qui n'aurait pas vraiment d'importance s'ils n'étaient si bien adapté à cet univers futuriste finalement très crédible malgré quelques manquements flagrant aux plus élémentaires lois de la physique, mais là encore, la qualité et la cohérence de l'environnement les font aisément oublier.

Les détails

Finalement, c'est peut-être aussi bien que le scénario soit si léger, cela permet d'ajouter tout un tas de détails strictement indépendants de l'histoire qui renforcent la cohérence de l'univers en présentant des scènes peu ordinaires dans un film de science-fiction, avec dans le désordre :

  • Le restaurant chinois ambulant, installé dans une jonque volante jusqu'aux fenêtres des clients
  • La montagne de détritus dans le spatioport, à cause d'une grève des éboueurs (apprise par une annonce au haut-parleur)
  • Le président de la fédération mondiale est un homme noir
  • Le cambriolage avorté chez Korben
  • Le morceau d'opéra
  • La démonstration du ZF-1
  • L'accident avec le camion McDonald's
  • L'émission de radio sponsorisée
  • Le décrassage du train d'atterissage d'une navette spatiale

Tous ces détails, comme je le disais, participent à forger une ambiance unique à ce film. Ce n'est pas un univers interchangeable avec un autre, grâce à tout ce luxe de détail.

Les répliques cultes

C'est bien simple, ce film est un répertoire de répliques cultes. Pour cela, pas de mystère, les dialogues ont été travaillés à la manière de réparties d'une pièce de théâtre. On bondit de phrases choc en phrase choc, et la certains dialogues sont ciselés à la perfection. Je ne résiste pas à la tentation de vous transcrire ce dialogue entre Korben et le restaurateur asiatique ambulant.

[La boîte aux lettre de Korben s'illumine, indiquant l'arrivée d'un message]
Le restaurateur : Vous n'ouvrez pas ? C'est peut-être important !
Korben, mangeant : Les deux derniers aussi étaient importants. L'un était de ma femme, pour me dire qu'elle me quittait. Le deuxième de mon avocat, lui aussi pour me dire qu'il me quittait, avec ma femme.
Le restaurateur : Aïe, c'est pas de chance, mais mon grand-père dit : "La pluie ne tombe pas tous les jours.". Celui-ci, bonne nouvelle garantie, je vous parie votre lunch !
Korben : Ok. tend la lettre au restaurateur
Le restaurateur, air ravi : Donnez-le moi ! ouvre la lettre, *toujours l'air ravi* Vous êtes licencié ! *air abattu* Oh, désolé...
Korben : Au moins, j'aurais gagné un repas.
Le restaurateur, retrouvant sa bonne humeur : Très bonne philosophie, voir le bien dans le mal ! Oh, mais vous oubliez vos biscuits porte-bonheur ! *lance les biscuits*
Korben, les attrapant au vol : C'est ça, on lui dira.

Tout est dit. Si.

La critique de la société

Sans jamais y toucher vraiment, ce film appuie parfois où ça fait mal. Y sont moqués, toujours dans le désordre :

  • Les militaires : bornés et procéduriers, ils sont montrés comme des machines exécutantes sans capacités de discernement.
  • Les scientifiques : s'affairant beaucoup mais ne sachant finalement pas grand-chose, ils sont dépeints comme de grands enfants jouant avec des jouets les dépassant.
  • Les policiers : reprenant les stéréotypes habituels, ils sont caricaturés en feignants incapables.
  • Les religieux : vu la menace prophétique qu'ils révèlent, on pourrait croire qu'ils aient le beau rôle, mais finalement ils sont trop timorés pour agir et se retrouvent à compter sur un chauffeur de taxi pour mener à bien leur mission.
  • Les hommes politiques : en la personne du président des Etats-Unis, passant de la pommade avant de demander des faveurs, passant même pour idiot.
  • Les stars : en la personne de Ruby Rod, tout dans l'apparence, complètement déconnecté des réalités du monde
  • Les héros : en la personne de Korben Dallas, anti-héros par excellence, commence par aider l'héroïne par grief contre la police, puis tente de se débarasser d'elle, puis se lance dans la mission dont l'objectif est de sauver le monde par fierté. Et la morale là-dedans ?
  • Les méchants : en la personne de Zorg et des Mangalores. Colérique et égoïste pour le premier, fiers et bornés pour les seconds.
  • Les mères possessives : celle qui appelle Korben régulièrement est un douloureux rappel pour ceux qui en souffrent
  • Les fumeurs : encore un détail, mais en 2250, les cigarettes ont un filtre plus long que de tabac.

La replay-value

Finalement, tous ces éléments juxtaposés font qu'on peut voir et revoir ce film sans se lasser. Parce que l'histoire n'est qu'une trame sur laquelle viennent se greffer tous les éléments ci-dessus, on ne souffre pas de connaître déjà l'histoire avant de (re)voir le film. Parce que l'intérêt, c'est de (re)voir tout ce petit univers tourbillonner sur lui-même.

L'inévitable conclusion

Evidemment, si vous êtes un cinéphile ultra-averti, que vous n'appréciez que le cinéma coréen (en VO) et les productions engagées iraniennes, alors ce film n'est clairement pas pour vous. Sinon, c'est un joyeux moment de divertissement répétable quasimment à l'infini.

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6 Commentaires

  • Aussi jouissif que superficiel.
    La replay value est celle d'un épisode des Simpsons.

  • Autre réplique culte que j'adore :

    le président, se demandant si c'est vraiment une si bonne idée de tenter de détruire l'espèce d'astéroide inconnu : "général, j'ai un doute"

    le général, pressé d'utiliser ses gros missiles : "moi pas, monsieur le président"

  • Tout simplement mon film préféré à moi aussi. Je ne comprend d'ailleurs pas trop que tu puisses croire que ce film pourrait ne pas plaire à certains.

    Tout est tellement drôle dans ce film. Pour les décors, tu ne l'as pas dit, mais c'est Moebius/Jean Giraud qui s'est occupé de la direction artistique. J'avais notamment vu dans une expo les croquis de l'appart de Korben et ceux du vaisseau de croisière.

    Tu m'auras donné envie de le revoir !

  • Avec plaisir ! smile

    En fait, c'est plutôt l'incompréhension des amateurs de "vrai" cinéma que ce puisse être mon film préféré, tant son contenu scénaristique est pauvre.

    Je ne savais pas pour les décors, je vais le rajouter à ma critique smile

    Un marin du navire Fhloston Paradise : Vous ne pouvez pas rentrer monsieur il y a une bombe dans l'hôtel !
    [Zorg tire en rafale sur les marins présent et descend tout le monde}
    Zorg : Je sais.

  • Je connais des amateurs de "vrai" cinéma, et pourtant je n'en connais aucun qui trouve le cinquième élément mauvais. Tout le monde semble d'accord sur le fait que c'est un excellent film de divertissement.

    le scénar est un peu bidon, mais n'est-ce pas souvent le propre de ce genre ? en tout cas comme tu le dis tout le reste a été particulièrement soigné et réussi.

  • Je viens de le revoir récemment.
    Je n'avais pas gardé le souvenir d'un tel monument de loufoqueries.
    À mon avis Luc Besson a compris que l'on ne pouvait pas s'attaquer à la SF en se prenant au sérieux alors il a joué à fond le second degré.

    Et ça passe.
    Mieux que la saga Star Wars, qui elle tente de se prendre au sérieux.
    Ou du moins qui avait tenté, avant que LEGO ne la fasse redescendre du piédestal sur laquelle elle n'aurait jamais du monter. En la réduisant à son statut méritoire de nanar intergalactique le plus populaire de tous les temps.

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