Plaidoyer pour la suppression du concept de nation et l'abolition des frontières

Rarement un concept humain n'aura fait couler autant de sang et provoqué autant d'absurdités que le concept de nation. Même la religion ne lui arrive pas à la cheville en terme de nombre de cadavres. Hey, c'est même ce concept qui est directement responsable du nazisme allemand, c'est dire à quel point il est discutable !


Avant-propos : Cet article a été rédigé à la hâte, sur un coup d'inspiration soudaine motivé par la déception après qu'un de mes contacts Facebook que je considère comme intelligent et rationnel s'en soit pris à l'attitude de l'Allemagne dans les négociations avec la Grèce en allant jusqu'à comparer l'Allemagne de Merkel avec l'Allemagne nazie d'Hitler. Je n'ai pas avalé la comparaison grossière, et cela s'est fini avec lui qui m'a simplement demandé de ne plus intervenir sur ses posts Facebook traitant de la crise grecque.

Le terme nation lui-même est discutable, et son sens, loin d'être unique et admis aujourd'hui, a même évolué avec le temps. C'est déjà une bonne raison pour s'en débarrasser avec tous ses corollaires, mais dans la suite de cet essai, je l'assimile à l'idée de pays, un grand groupe de gens avec une histoire plus ou moins commune, une culture plus ou moins commune et un ensemble de symboles qui les représente.

Une pulsion naturelle à la séparation en groupes

Je voudrais d'abord borner ce plaidoyer. Supprimer le concept de nation n'équivaut pas à supprimer la diversité des cultures humaines. Il ne s'agit pas de plaider pour la dispersion d'une culture unique qui remplacerait toutes celles qui existent actuellement. Au-delà de l'impossibilité technique, ce serait tout bonnement inefficace. L'expérience de la Caverne aux voleurs menée par Muzafer Sharif et son équipe a montré que des groupes différents peuvent se former même au sein d'un groupe homogène que ce soit au niveau de l'ethnie, de la situation sociale ou intellectuelle.

Cela dit, l'analogie de la nature humaine avec cette expérience s'arrête rapidement. Les prémisses de l'expérience nécessitaient que les deux groupes d'adolescents n'aient aucun contact entre eux avant la formation de l'identité de groupe qui était encouragée par la création d'un nom de groupe et d'un drapeau que chaque membre portait sur leurs vêtements. On voit d'ores et déjà que les symboles, dont le concept de nation est friand, avec les drapeaux et les hymnes, participent au clivage d'un groupe initial homogène. De là à dire que la suppression des symboles réduirait les clivages....

Des frontières virtuelles, absurdes et meurtrières

Les nations se sont historiquement disputées sur des histoires de frontières. Que ce soit pour le prestige ou les ressources naturelles, elles ont toujours constitué un sujet de discorde. Cependant, avant l'avènement des Nations Unies, les frontières pouvaient évoluer en fonction du rapports de force entre les deux nations mitoyennes. Leur absurdité naturelle était donc compensée par une flexibilité qui permettait de représenter plus ou moins fidèlement la puissance politique et/ou militaire des nations en jeu.

Mais cette période de flottement s'est brutalement arrêtée avec l'avènement des Nations Unies qui ont de fait arrêté les frontières du monde dans leur état post-deuxième guerre mondiale, allant jusqu'à en créer de nouvelles pour l'Etat Israélien avec le succès que l'on sait. Car à partir de ce moment, l'absurdité crue des frontières est apparue au grand jour. Entre les frontières africaines tracées à la règle source de conflits ethniques, les zones frontalières (comme la Lorraine) qui n'appartiennent culturellement pas tout à fait à la nation officielle sans pouvoir totalement prétendre être rattachée à la nation mitoyenne non plus, et les droits de douane protectionniste dans une économie de toute façon mondialisée, les frontières sont aussi obsolètes que les murs qui jadis les matérialisaient dans l'Empire romain.

Des symboles surranés vides de sens, une fierté nationale dangereuse, des rivalités inutiles

En matière d'obsolescence, que dire des drapeaux, devises nationales et hymnes dont la signification, quand elle n'est pas obscure, discutable ou même contestée, est simplement en décalage plus ou moins complet avec la réalité de la nation qui les arbore. Que dire ainsi du drapeau tricolore française, dont le blanc d'une royauté dépassée est encadré des couleurs de la ville de Paris, qui représente difficilement la France entière. Ou encore de la devise nationale "Liberté, Egalité, Fraternité", dont on peut compter les camouflets subis par une politique nationale qui semble n'en avoir que faire. Ou enfin de l'hymne national, précédemment chant de guerre ? La vérité est que nous n'avons pas besoin de ces symboles autrement que pour maintenir une idée virtuelle de nation qui doit en retour s'efforcer de diffuser ces symboles auprès de chacun de ses citoyens revendiqués.

Le concept de nation est également une plate-forme idéale pour tous ceux qui ne peuvent apparemment pas vivre sans mesurer la valeur des cultures voire des humains entre eux. Ce "nous" flou créé, maintenu et encouragé par le principe de nation crée en creux un "eux" tout aussi flou à l'exception d'une constante : "eux" sont forcément moins bien que "nous". Les raisons, si on peut même employer ce terme tant la raison semble lointaine, sont trouvées à posteriori.

Au début du XXème siècle, l'apogée du concept de nation déchire l'Europe par deux fois, et une fois l'Europe en ruines le nationalisme est dès lors laissé aux mains des Etats-Unis et de la Russie qui se lancent dans un concours de bite terrifiant basé sur la puissance de leur arsenal nucléaire; Il se termine d'ailleurs par forfait avec la faillite de la politique stalinienne absurde, confortant les américains dans la croyance de leur supériorité nationale sur le reste du monde pas beaucoup moins absurde.

Le nouveau drapeau du monde

C'est bien beau, mais en pratique ?

En pratique, peu de choses changeraient vraiment. Je propose que l'on remplace tous les drapeaux par le drapeau des Nations Unies. Quitte à avoir un symbole, autant qu'il soit mondial. La suppression des hymnes, devises et mascottes est simple à mettre en pratique, et la suppression des inutiles services de douanes et patrouilles frontalières feraient faire de substantielles économies aux différents états.

Et ceux qui ne veulent pas obtempérer ? On les bombarde, c'est déjà ce que l'on fait actuellement après tout.

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33 Commentaires

  • Quel est l'objectif que tu poursuis ? Supprimer les nations, ok, mais pourquoi ? Si c'est pour diminuer les conflits, ta conclusion sonne à l'envers et laisse penser que l'ensemble de la démonstration est une farce ouf

    Je suppose donc que ton objectif est de réduire les conflits, et que tu leur trouve comme origine la nation.

    Je pense que ce point de départ est totalement faux. Déjà, il faudrait prouver que les conflits "nationaux" ont fait plus de dégât que les conflits "tribaux", religieux, coloniaux ou de pillage. Si les nationaux ont fait plus de victime (ce dont je doute) ce nombre ne le sera qu'en valeur absolue... parce qu'ils ont eu lieu vers la fin de notre histoire au moment où nous étions les plus nombreux. Toutes proportions gardées, les raisons pré-nationales l'emportent à mon avis haut la main.
    Ce qui suffirait déjà à mettre à plat l'idée : si on élimine les nations, ça renforcera d'autant toutes les raisons utilisées précédement pour se latter la tronche.

    Eliminer nations et frontière c'est par ailleurs le projet de l'internationale socialiste. C'est un projet libéral. Il est aux commande l'Europe depuis 30 ans et on commence à mesurer ses résultats : encourageants ou... ? L'europe prend-t-elle la direction d'être plus apaisée maintenant que dans la période précédente, chargée de nations et protectionismes forts ?

    Pour moi la vraie violence d'une nation ne s'exprime pas vers les étrangers, elle s'exprime vers sa propre population. Pour qu'une nation émerge, il faut que le parti (au sens de groupe) le plus puissant arrive à imposer sa vision de la nation à toute la population. En général ça se fait au moyen d'une guerre civile où on commence par éradiquer tous ceux qui ne sont pas d'accord. Aucune des puissances du G8 n'a échappé à ça. (je ne sais pas qui se retrouverais dans le G20 mais je suis quasiment certain qu'aucune nation n'échappe à cette règle).
    Envers les autres nations, l'identité de groupe ne s'exprime pas différement de n'importe quel autre regroupement qui permettre de dire "nous" et "eux" et est capable de dégénérer en une grande violence même (surtout ? ) pour les raisons les plus sottes.

    En revanche, l'existence d'une nation est un moyen fort de décider en commun d'instaurer une paix sociale, au moins interne, grâce à l'acceptation commune que chaque citoyen remette sa souveraineté individuelle aux mains de cette nation. Donc cesse de faire justice lui-même et reconnaisse au contraire la légitimité des instances nationales pour le faire. Ceci n'entraine pas forcément des conflits internationaux destructeurs : la suisse est une nation par ex. Elle a d'ailleurs réussi à tenir sur la durée sans totalement homogénéiser ses cultures internes, preuve que c'est possible.

    Donc personnellement je pense au contraire de toi que l'outil "nation" est un préalable nécessaire à la paix. Pour le moment ça ne marche pas encore parce que les nations sont trop jeunes (y compris les nôtres avec leurs 3 siècles). Certaines frontières n'ont pas trouvé une place qui corresponde à une réalité. Certains états artificiels vont devoir cesser d'exister, comme par ex celui d'Irak qui d'ors et déjà n'existe plus. Et il faudra admettre ces changements malgré la carte du monde de l'ONU, sinon il faudra batailler très longtemps pour imposer ces frontières néocoloniales que nous avons posées partout.

    Ensuite pour avoir un esprit de groupe qui rassemble tous les humains, par delà les nations, il faudrait définir un objectif à ce groupe. Quel est l'objectif de l'humanité ? L'ONU ne fonctionne pas parce qu'elle n'en a pas. Personne ne lui cède sa souveraineté pour assurer la justice. Donc elle n'a aucun pouvoir réel.

  • Tout ceci est infiniment complexe, entre les différences culturelles, cultuelles, sociales, technologiques, supprimer les frontières reviendrait à abattre les écluses d'un canal. Si le fait que le futur va tendre vers une mondialisation dans le sens absolu du terme, il n'en restera pas moins inégalitaire, avec le spectre d'une population "métissé esclave" aux ordre d'une élite "blanche", c'est du moins le discours favoris des nationalistes.

    Comme pour l'Europe, les politiques prennent le problème à l'envers pour satisfaire des profits à court terme. Actuellement je suis heureux qu'il existe encore des frontières et des douaniers pour filtrer un minimum les produits d'importation de contre-façon, au pire incorporant des produits toxiques ou plus simplement fabriqué sans tenir compte du cout écologique ou sociale réel.

    Pour l’Europe comme pour le monde la première chose à faire est d’harmoniser le niveau de vie de la population, chose impossible tant qu'il y aura une croissance démographique, qui est par ailleurs elle même vecteur de conflits !

  • Merci tout d'abord à vous deux d'avoir bien voulu répondre à ma diatribe. Je vais faire dans l'ordre.

    Oui ma conclusion est bizarre et hâtive et contrevient au reste. Je suis tombé à court de jus d'inspiration pendant l'écriture, mais je ne voulais pas laisser cet article dans les limbes du statut brouillon. En cherchant une illustration pour la bannière je me suis rendu compte que l'abolition des frontières est l'une des revendications anarchistes les plus communes concernant l'immigration. Ce qui m'a rappelé que je n'en avais pas du tout parlé, alors que c'est un point crucial quand on parle de frontières. Pour faire court, les frontières actuellement ne font que freiner des mouvements logiques et inéluctables de population.

    Pour l'échelle de la violence, pour moi c'est une histoire de moyens, surtout au XXème siècle. Dans l'idée, 10 groupes de 10 personnes qui se taperaient sur la tronche feraient moins de dégâts dans l'absolu que deux groupes de 50 personnes, non seulement au niveau des moyens mis en commun, mais aussi des "pertes acceptables". Le concept de nation comme regroupement virtuel de millions de personnes permet de dégager des budgets militaires faramineux que des groupes tribaux ne pourraient pas obtenir.

    Enfin, tu fais bien de mentionner qu'il faudrait un objectif commun, car j'ai oublié de dire que c'est la conclusion de l'expérience de la caverne aux voleurs : confronté avec un problème commun, les deux groupes s'entraident au-delà des différences passées. Un bon objectif serait d'assurer sa pérennité sur la Terre, qui n'est pour l'instant pas acquise. Que ce soit par la préservation de l'environnement actuel ou par l'essaimage galactique, cela constitue dans les deux cas un bon problème commun.

    Human Ktulu, mon plaidoyer n'avait pas comme but d'abolir les inégalités, juste comme Le Bashar l'a noté, de d'abord tenter de réduire les conflits internationaux. Le racisme est indépendant du nationalisme, même s'ils se retrouvent souvent ensemble dans les pays blancs.

    Pour les frontières comme moyens de protection, est-ce vraiment efficace ? Les contre-façons sont de toute façon un sous-produit de la manière absurde dont sont gérés les droits d'auteur actuellement, pas du concept de nation lui-même. Renforcer les frontières ou encourager à acheter national ne ferait que déplacer la contrefaçon.

    Pour l'harmonisation le niveau de vie, j'avais justement dans l'idée que la suppression du concept de nation permettrait de favoriser l'humain plutôt que de se limiter au national, mais c'est évidemment un voeu pieux.

  • Avant de parler du fond, parlons de la forme. Comme Bashar, je suis un peu sceptique et confus à l'issue de ma lecture.

    Exactement comme pour le Bashar et le droit d'auteur, tu peines à nous expliquer pourquoi ce serait mieux. En quoi l'absence de nation favoriserait la paix et le bonheur des populations et des êtres.

    On manque aussi d'informations sur l'idée même de nation je trouve. C'est quoi une nation exactement ? Qu'est-ce qui différencie ce concept avec celui de pays ou de peuple ? La nation est-elle nécessairement liée à l'idée de frontière ?

    La lecture de l'article montre aussi la faiblesse de l'écriture "libre". Je doute, en te lisant, que tu ais passé un temps préalable à structurer ta pensée en rassemblant tes idées, en les développant et, pour finir, en construisant un plan cohérent. Je sais que c'est lourd mais ce travail préalable évite de remplir les cimetières littéraires de brouillons pourtant prometteurs.

  • Oui, oui, oui et oui. J'ai écrit vite, sur une inspiration soudaine, j'ai eu peur de la perdre, j'ai conclu n'importe comment. J'étais à moitié sérieux, à moitié ironique quand j'ai écrit, car je sais que de toute façon cela n'arrivera pas. Du coup c'est bancal, ce n'est pas fini, et je ne crois pas que je vais vouloir passer plus de temps à y remédier parce que je ne pense pas que cela serve à grand-chose, à part être catalogué comme un dangereux anarchiste et surveillé par la NSA.

  • Tout ce qu'on écrit sur aeriesguard est absolument inutile. C'est pour ça que c'est si précieux.

  • C'est trop tard Ertaï, ton compte est bon ! ouf

  • C'est vrai qu'une définition de ce que tu entend ertaï par "nation" aiderait à circonscrire ton idée. Par ex pour la france, de quand daterais-tu l'apparition de la "nation" ? clovis ? la première république ? l'actuelle ?

    et pour l'allemagne ?

  • Je vais me faire l'avocat du diable, mais je comprends pourquoi Ertaï a lancé ce sujet. En fait je pense que le sentiment mis sur le banc des accusés, ce n'est pas le nationalisme, pas vraiment, c'est la fierté d'appartenir à un groupe, simplement parce qu'on est né dedans. Fier d'être Français parce que l'on est né en France ? Et faire abstraction de tout ce que la France a pu faire de mauvais et malsain dans l'Histoire ?
    Si l'on déroule la pelote de laine et que l'on pousse plus loin la réflexion, le nationalisme, c'est la fierté d'appartenir à un groupe, et donc de créer une frontière entre "eux" et "nous". Et cette distinction empêche finalement les humains d'être une communauté indivisible, simplement appartenant au groupe "homo sapiens" et très contents de l'être, sans autre subdivision.

    Étant issu de deux nationalités différentes, le nationalisme ne signifie rien pour moi, je suis juste très content de connaître deux cultures légèrement différentes. Mais au fond, on reste tous les mêmes.

  • Oui, voilà, c'est ça que j'ai voulu dire. Les identités de groupe appelées "nations" sont absurdes. Que les Etats-Unis s'enorgueillissent régulièrement d'être le pays de la liberté est absurde, que la France prétende être le pays des Droits de l'Homme n'a pas d'effet concret sur la politique gouvernementale, que les devises, quand elles ont un sens (pas comme "Dieu et mon droit" de la monarchie brittanique), ne correspondent à aucune réalité.

  • C'est tout de même radical comme concept. Cela tiens du "camarade" des communistes. Perso j’entends par nation une "identité nationale". La fièreté n'a rien à voir là dedans, une racine, son histoire, c'est d'abord se définir, se donner un point de repère personnel et collectif.

    L'importance d'une identité personnelle n'est pas à débattre, alors pourquoi remettre en question celle de son pays ? Après tout une nation n'est-elle pas une personne morale ?

  • Tu peux le rapprocher du camarade des communistes, du citoyen anarchiste, probablement de trois ou quatre autres concepts tirés de philosophie plus ou moins orientales, cela n'empêche que c'est basé sur une simple vérité : au fond, nous sommes tous pareils, nous sommes tous des humains, et on risque de disparaître purement et simplement si on n'applique pas ce principe élémentaire.

    Pourquoi remettre en question l'identité d'un pays ? Parce que, autant l'identité personnelle est basé sur la conscience de nous-mêmes dont nous faisons preuve, autant l'identité nationale est un concept artificiel qui ne correspond à rien de précis en réalité. S'il fallait une preuve de cela, ce serait l'échec du débat public sur l'identité nationale lancé par Sarkozy, l'appropriation même du terme par une petite frange de la population, qu'on qualifie d'extrême-droite même si cela ne veut pas dire grand-chose non plus. Si c'était aussi clair, aussi évident que l'identité nationale est importante pour les individus, pourquoi ne fait-elle pas consensus ? Parce qu'une nation peut bien être une personne morale (pas au sens juridique, bien entendu), cette personne n'a pas conscience d'elle-même, ce n'est qu'un amas de conscience individuelle dont la volonté est décidée par une poignée de représentants élu sur les conseils de personnes non élues.

    Tu parles de point de repère, de racine, mais ce n'est pas nécessaire pour vivre en société. Si la seule raison pour laquelle tu ne tues pas ton voisin est parce qu'il est français comme toi, tu as peut-être un point de repère mais pour moi ce n'est clairement pas le bon. Si à l'instant les nationalités disparaissaient, je serais toujours en train de vivre à Brooklyn, à rencontrer des amis qui aiment les mêmes jeux de société que moi, à aimer les fromages qui sont fabriqués de l'autre côté de l'Atlantique et à déplorer qu'ils ne sont pas disponibles dans les supermarchés que je fréquente. Le fait que ma vie ne changerait en rien me fait dire que le concept de nation n'est pas nécessaire aux individus eux-mêmes.

  • Supprimer les nations, pourquoi pas ? Mais personnellement, je pense que cela ne changera rien. Passer de citoyen d'une nation à citoyen du monde consiste à remplacer un artifice par un autre artifice.

    Dans une de ces chroniques de la haine ordinaire Desproges nous rappelait très justement que l'humanité pouvait se diviser en plusieurs catégories. Pour simplifier, il y a les gens qu'on connait et ceux qu'on connait pas. Et ceux qu'on connait pas, qu'on le veuille ou non, on en a un peu rien à carrer. Certes on peut s'émouvoir un temps d'une catastrophe naturelle qui a eu lieu à l'autre bout du monde. On envoie un chèque... Puis on oublie. C'est peut-être malheureux mais, en vérité, c'est ça être humain.

    Comme la majorité d'entre vous, je suis français mais ce mot n'a pas la même signification pour moi que pour vous. Encore moins pour les 66 autres millions de français qui soutiennent parfois des individus dont les propos me donnent envie de me précipiter aux toilettes pour rendre mes chocapics. Tout lien aussi vaste est illusoire qu'on se prétende de la même nation ou qu'on se force à s'avouer de la même espèce.

    Non. La seule chose qui compte, c'est la tribu. La famille, les amis et, à la limite, les connaissances et les relations. En dehors de cela, tout n'est qu'invention. Même l'humanité est une farce. La preuve, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il n'est pas humain c'est sans doute là qu'il agit le plus en conformité avec sa nature. Et si j'exagère en disant cela, il n'en reste pas moins un fond de vérité. Pas la peine de nier, je sais que vous savez.

    La nation, elle, n'est qu'un tiroir de plus. Une norme de rangement administrative pour nous faire croire qu'il y a qqchose d'ordonné dans cet immense bordel qu'est la réalité.

  • Pour une fois je suis tout à fait en phase avec ce que tu dis.

    Mais pour faire avancer quand même le problème d'Ertaï qui voulait donc diminuer les conflits entre les individus, plus que supprimer les nations, il faut revenir à la tribu. Comme nous ne pouvons pas vivre complètement seul, nous créons un système d'échange avec nos semblables. Tous ceux qu'on considère comme "nous", ceux de notre tribu (ce n'est pas toujours confondu avec la famille), on leur accorde des échanges équitables, voire généreux. On peut leur donner plus qu'ils ne nous rendent sans que ça ne nous paraisse anormal. En revanche tous ceux qu'on considère comme "eux", les étrangers, les autres, eux on ne leur accorde pas l'échange équitable. On tentera d'obtenir d'eux plus qu'on ne leur donne. Et non seulement ça ne sera pas mal vu, mais au contraire ça sera même souvent source d'éloge de la part de ceux du groupe "nous". Mais c'est ça le moteur de tous les conflits. Un échange qui n'est pas équitable créé une différence de potentiel qui cherchera à se rééquilibrer, le moyen le plus direct étant la violence.

    Comment faire pour dépasser cette limitation humaine ? Certains on travaillé sur eux-même toute une vie pour arriver à sincèrement inclure dans "nous" toute l'humanité. ça donne par ex Gandhi. Bon, ça n'a pas l'air d'être à la portée de tout le monde !
    D'autres cherchent à établir des règles juridiques qui empêcheraient les échanges inéquitables même avec ceux qu'on considère "bons à escroquer". Évidemment ça ne marche pas parce qu'il faudrait que ces règles aient une légitimité sur-humaine que seule la religion peut produire. (Je classe dans cette catégorie les social-démocrates qui poursuivent leur chimère néo-libérale. ) Malheureusement ces règles sont toujours dévoyées pour produire des intégristes encore plus accrochés aux différences entre "nous" et "eux" qu'auparavant. :/

    Je pense donc qu'il ne reste que la voie personnelle. Chercher à devenir soi-même assez tolérant à tous les autres pour les aimer sincèrement comme des membres de ta tribu. Difficile à faire quand ils ne te ressemblent en rien et parlent un langage que tu ne comprend pas.

  • Mais pour faire avancer quand même le problème d'Ertaï qui voulait donc diminuer les conflits entre les individus, plus que supprimer les nations, il faut revenir à la tribu. Comme nous ne pouvons pas vivre complètement seul, nous créons un système d'échange avec nos semblables. Tous ceux qu'on considère comme "nous", ceux de notre tribu (ce n'est pas toujours confondu avec la famille), on leur accorde des échanges équitables, voire généreux. On peut leur donner plus qu'ils ne nous rendent sans que ça ne nous paraisse anormal. En revanche tous ceux qu'on considère comme "eux", les étrangers, les autres, eux on ne leur accorde pas l'échange équitable. On tentera d'obtenir d'eux plus qu'on ne leur donne. Et non seulement ça ne sera pas mal vu, mais au contraire ça sera même souvent source d'éloge de la part de ceux du groupe "nous". Mais c'est ça le moteur de tous les conflits. Un échange qui n'est pas équitable créé une différence de potentiel qui cherchera à se rééquilibrer, le moyen le plus direct étant la violence.

    On ne peut pas faire de cela une généralité. Le potlatch, tu connais ?

  • Oui je connais, ça n'invalide pas mon propos au contraire c'en est une illustration. Ce système est théoriquement conçu pour désamorcer des conflits, mais peut se trouver à en provoquer si l'une des partie ne trouve pas l'échange équitable, ou pense n'avoir rien de valeur équitable à offrir en retour et dans ce cas voit le don initial être vécu comme une déclaration de guerre particulièrement insultante.

    Le conflit nait bien d'une transaction ratée, seulement chaque individu juge par rapport à soi-même si c'est réussi ou raté, ce qui fait qu'une transaction qui pourrait être vue comme équitable par tous peut ne pas l'être quand même par un des partis. D'où mon retour final au travail sur soi.

  • Ok. Donc l'échange peut créer le conflit. Je doute que cela soit l'unique raison des guerres mais passons, ce n'est pas le sujet.

    Le travail sur soi, je doute que cela marche à l'échelle sociale : D'abord, je ne crois pas à une initiative individuelle. Elle peut apparaître ici et là mais certainement pas spontanément partout à la fois. Si on veut qu'elle fonctionne, il faut un ressort collectif. Il faut que cela soit une valeur défendue par la société. Bref, il faudrait un mouvement de pensée collective tourné sur le pacifisme et l'ouverture à l'autre. Mais si on essaye de l'imposer, même sur la durée, il faut, comme tu disais, un moyen puissant. On en revient à la religion et à son échec. "Aimez-vous les uns, les autres" On a vu ce que ça donne.

  • J'ai évidemment considéré le retour à la structure de tribu comme la plus grande structure sociale dans laquelle tous ses membres peuvent se connaître. Mais Internet par exemple fausse la donne en permettant de "connaître" des gens beaucoup plus éloignés que l'on ne pourrait rencontrer avec des échanges physiques.

    Mais je pense qu'on va être forcés de retourner à une structure de tribu quand le coût de l'énergie deviendra prohibitif, que ce soit parce que le forage pétrolier coûtera trop cher, que l'excavation des terres rares nécessaires à la fabrication des panneaux solaires actuels deviendra trop onéreuse, et qu'un énième accident nucléaire civil rendra cette filière trop impopulaire.

  • Bah, le nucléaire ne représente que quelques % de la production d'énergie totale, ça a toujours été marginal.

    Il n'y a pas que internet qui fausse la donne. Les modifications de nos moyens de communiquer font qu'on peut considérer comme "sa tribu" un ensemble de gens très divers (qui eux-même ne te considèrent peut-être pas réciproquement). Je ne pense pas que ça ai une grande importance, car le seuil fondamental n'a pas changé, c'est le nombre de gens maximum qu'on peut inclure dans sa tribu, et ce nombre est limité par le fait qu'on n'a que 24h par jour. Plus on échange avec l'un, et moins on peut le faire avec un autre ce qui fait qu'en fin de compte le nombre de gens proche est forcément assez faible.

    On ne peux pas imposer la paix par la force, en tout cas pas sur le long terme. Mais les humains actuels n'ont pas l'air d'être à un stade d'évolution qui permette une paix individualisée. Que nous reste-t-il ? le transhumanisme ? ouf
    A défaut on pourrait progressivement influencer notre manière de communiquer en modifiant la manière dont on enseigne le langage, permettant de rendre plus facile l'évolution individuelle vers une meilleure empathie. Un travail qui devrait s’étaler sur plusieurs générations pour porter ses fruits.

  • Que faudrait-il modifier à l'enseignement du langage ?

  • Un peu d'humilité peu être ?

  • Que faudrait-il modifier à l'enseignement du langage ?

    Un peu d'humilité peu être ?

    L'humilité en serais la conséquence. Le changement à faire serait juste d'expliquer que personne ne se comprend jamais vraiment même si on parle la même langue. Et donc qu'il parfaitement vain de se vexer, de se fâcher ou de blâmer l'autre en quoi que ce soit à partir de ce qu'il dit, parce que c'est nous qui l'avons interprété et pas lui.

    Nous avons toujours tendance à considérer qu'on se comprend au prétexte qu'on peut lire les mots ou identifier ceux qu'on entend, mais on est très loin d'une communication efficace la plupart du temps. On peut entrevoir une partie de ce chemin à faire lorsqu'on discute avec une langue étrangère, car alors on sait qu'on risque de mal comprendre et on fait beaucoup plus attention. Il faudrait enseigner à faire de même toujours, tout le temps, et surtout avec sa langue maternelle. ça instaurerait un rapport très différent au langage, que chacun pourrait voir comme une multiplicité de langages différents, même s'ils partagent grammaire et vocabulaire. On pourrait à partir de ça apprendre comme nouveau réflexe quand on se sent agressé par la communication de quelqu'un, non plus de tenter de l'agresser en retour (en supposant par défaut que si on se sent agressé c'est parce que c'était effectivement son intention et donc que ça mérite vengeance) et au contraire réagir par réflexe en essayant de comprendre ce qu'il voulait vraiment exprimer (et dont il n'est peut-être pas pleinement conscient lui-même) et la plupart du temps ça ne sera pas une agression. Et quand ça l'est vraiment, par ex une pure insulte, ça aidera à n'en être pas vexé et à la voir comme ce qu'elle est vraiment : une témoignage de la triste pauvreté d'expression et des difficultés sociales de son auteur (qui a besoin d'aide et n'arrive pas à l'exprimer mieux que ça c'est dire s'il est à la peine).
    Du coup on n'aura peut-être pas envie d'essayer de l'aider, faut pas abuser, mais au moins on peut devenir totalement réfractaire à ses insultes car on les aura vidées de leur impact. Et je trouve que c'est déjà incroyablement énorme comme différence.

    Donc en fin de course ça revient effectivement à prendre le chemin de l'humilité, mais ça me semble plus facile à faire en partant d'un véritable apprentissage de réflexe. Mais dans les cours d'école pour le moment, les enfants apprennent plutôt bien le réflexe de riposter et à interpréter ce que font les autres sans tenter de se mettre à leur place.

  • C'est plutôt des règles de communication que des règles de langage, mais je chipote, ce serait effectivement chouette que cet enseignement soit fourni à l'école primaire au lieu qu'il soit découvert uniquement par ceux qui sentent qu'il y a un problème bien plus tard.

  • Je pense que c'est une vision de l'homme erronée. Les humains sont rationnels, mais jusqu'à un certain point. Les émotions semblent très souvent prendre le pas sur la raison.

  • ça dépend pour qui, grosso modo on aurait un tiers de gens qui font primer les émotions, un tiers qui font primer la raison, et le dernier tiers qui font primer l'action (l'instinct). Aucune de ces méthodes n'est meilleure qu'une autre. Le seul moment où devant un problème une société peut réagir correctement, c'est quand elle arrive à faire s'exprimer les trois. Sinon c'est la catastrophe assez vite. (en caricaturant les émotionnels donnent l'alarme mais ensuite paniquent, les raionneux trouvent une solution mais ne font rien, les instinctifs s'agitent pour faire le premier truc auxquels ils pensent, qui en général amplifie le problème).

    Après même si les humains demeureront guidés par leurs besoins internes, le fait d'apprendre à mieux communiquer ne peut que faire du bien.

    Enfin apprendre à s'intéresser aux besoins des autres plus ou moins mal exprimés dans ce qu'ils disent n'est pas l'apanage des gens qui raisonnent. L'empathie ne me semble pas particulièrement "raisonnable" comme sentiment.

  • Personnellement, je ne suis pas du tout pour un monde sans frontière. Ce ne sont pas les frontières qui sont cause de conflit.

    Un monde sans frontière est justement rêve par les grande banque, patrons de multinationales, Rockefeller et consort.... Et prôné par des figures comme Jaques Attali dont les discours sont effrayants. Un telle monde est une société dictatorial généralisée dont nous n'avons rien de bon à attendre. Car c'est vers une humanité indifférenciée qui pense et consomme pareil, et dont les différences racial ont disparues. Un tel monde est si bien décrit dans 1984 de George Orwell ou Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley. Il faut aussi se référer aux conférences de Pierre Hilard.

    http://www.dailymotion.com/video/xm9ioz_pierre-hillard-la-marche-irresistible-du-nouvel-ordre-mondial-full-version_news

    Dans le monde que nous connaissons, dans une nation asservie par un tyran, il reste toujours la possibilité d'émigrer. Ce qui n'est plus possible avec un gouvernement mondial, où il n'y plus nul part ou s'enfuir, si ce n'est dans le maquis, l'Outback ou les cavernes, et encore. frown

    Je suis donc favorable auxnations afin de préserver les emplois locaux qui disparaissent de jour en jour. Seule les frontières avec le respect des cultures favorisera la paix. pouce

  • Un tel monde est si bien décrit dans 1984 de George Orwell ou Le Meilleur des Monde d'Aldous Huxley.

    Dis moi, tu as vraiment lu ces livres ou tu te contentes juste de répéter ad nauseam les phrases de tes maîtres à penser comme un bon petit perroquet apprivoisé ?

  • Mais, superdjidane, le monde actuel est effectivement gouverné par des intérêts financiers et économiques non-élus. Les frontières ne sont qu'un artefact historique d'un temps où le pouvoir n'était pas aussi centralisé que maintenant. Ce que tu ne réalises peut-être pas, c'est que ceux qui profitent de la dérégulation économique systématique n'ont même pas besoin de mettre en place une dictature généralisée, elle existe déjà de fait, mais sans un avatar dictatorial qui permettrait de cristalliser une opposition contre lui.

    D'autre part, les différences culturelles n'existent que parce que la lenteur des moyens de communication historiques a permis aux multiples cultures humaines éparpillées géographiquement de diverger. L'arrivée d'Internet a permis de se rendre compte que ces différences ne sont pas dues à une différence des êtres eux-mêmes mais juste de leur éloignement géographique. Des Français se retrouvent plus dans la culture japonaises que française, des Indiens se retrouvent plus dans la culture américaine qu'indienne, ce qui montre bien 1°) l'absurdité de maintenir l'étanchéité des frontières, donc leur existence, 2°) de croire à l'adéquation entre frontière géographique et culture, et 3°) il n'y a pas de différence raciale fondamentale entre les êtres humains.

    Ton paragraphe sur l'émigration montre bien que tu n'as jamais eu à émigrer dans un pays dont la population a de forts préjugés à l'égard de ta culture...

    Et enfin je m'interroge sur les emplois locaux. Le fait qu'il y ait des frontières est précisément la raison pour laquelle il est plus avantageux de faire fabriquer en Chine (ou même en Europe centrale) qu'en France, en Suisse ou aux Etats-Unis.

  • Tout d'abord, les conflit ne sont pas des conflits de nations mais de pouvoir entre des groupes puissant d'intérêt économique qui utilise les ressource armé des nations pour augmenter leurs capitaux !

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