Star Realms

En 2008 sort le jeu de cartes Dominion créé par l’américain Donald X. Vaccarino. Son atout majeur est une mécanique principale totalement originale, le “deckbuilding”. Si les jeux de cartes à collectionner comme Magic, Pokémon ou Yu-Gi-Oh! nous imposent de construire notre paquet de cartes avant la partie, les jeux de deckbuilding nous invitent a le créer pendant la partie. Et ça change tout.


Le principe est une petite révolution ludique. Le jeu, lui, est encensé par la critique, rafle tous les prix, se vend par camion entier et crée à lui tout seul une nouvelle famille de jeu de société.

Jeu de construction de pont

En ce qui me concerne, si je reconnais le deckbuilding comme une mécanique formidable, je n’ai jamais été convaincu par Dominion. Je le trouve austère, trop calculatoire, laid et peu respectueux de son thème (le moyen-âge). Si j’avais joué (et acheté) plusieurs bons jeux de deckbuilding par la suite comme A few acres of snow de Martin Wallace, Trains d’Hisashi Hayashi ou Ascension de Robert Dougherty, Brian Kibler et Justin Gary (j’en reparlerais) aucun jusqu’à maintenant ne m’avait vraiment enthousiasmé. Mais ça, c’était avant Star Realms.

Avec les enfants de mon école, mes copains ou ma femme en version cartes. Seul, durant mes trajets de métro, en version mobile. Star Realms me suit partout. Pourtant, il n’a rien de révolutionnaire. Il reprend tous les codes du deckbuilding game, il a même le défaut de n’être jouable qu’à deux joueurs. (Des variantes à plusieurs sont prévues si on possède deux jeux ou plus mais je ne les ai jamais testées). Alors qu’est-ce qui fait son succès à mes yeux ? Qu’est-ce qui le différencie de tous ces Dominion-like qui sont sortis ces dernières années ?

Le diable dans les détails

D’un point de vue mécanique, Star Realms profite des six années d’expérience acquise sur ce type de jeu et pille allègrement les idées des uns et des autres. Notamment d’Ascension. Car si Dominion faire figure de grand-père, Ascension en est certainement l’heureux papa. Rien d'étonnant alors de voir que l'un des co-auteurs de Star Realms, Robert Dougherty, ait déjà œuvré sur Ascension.

SR est donc un “deckbuilding game”. Tous les joueurs commencent avec un paquet identique de dix cartes basiques et vont se procurer au fur et à mesure de nouvelles cartes aux effets plus puissants. Ca c’est la base. Ce qui fait de lui un successeur de Dominion. Ce qu’il va “emprunter” à Ascension ce sont deux grandes idées.

La première est une pioche semi-ouverte. En gros, au lieu d’avoir toutes les cartes en vente accessibles immédiatement, elles sont débloquées peu à peu. Du coup, en fonction de ce qui sort et de l’ordre dans lequel il sort la partie ne va pas avoir du tout le même déroulé. Cela permet un réel renouvellement des parties.

La seconde, un système de faction. Les cartes ne sont plus indépendantes, elles sont regroupées en famille. Jouées durant même tour, les cartes d’une même faction débloquent des effets supplémentaires.

Ces deux ajouts sont déjà une belle avancée par rapport à Dominion. Pourtant, la différence majeure d’avec ses aïeux est un changement dans la condition de victoire. Chez les deux ancêtres, le but était d’accumuler le plus de point de victoire. C’était sympa mais ça restait un peu abstrait. Dans Star Realms, on inverse le principe. Le but n’est plus d’accumuler des points mais de les retirer à l’adversaire. L’éliminer en lui retirant tous ses points de “vie”. Ca n’a l’air de rien, ce n’est pas super original, pourtant c’est l’un des coups de génie de SR. Faire perdre des points à l’adversaire est un objectif bien plus clair qu’en accumuler et, avouons-le, bien plus jouissif. Le plaisir de sortir un combo qui fera perdre 25 points au joueur d’en face n’est pas comparable à celui de gagner 25 points de victoire en un tour.

L’autre avantage de SR est d’être à la fois simple et rapide. Alors qu’une partie de Dominion et consort dure entre 30 et 45 minutes, une partie de SR est pliée en 10 minutes. 20 si vous traînez ou que vous découvrez le jeu.

Le thème, pour finir, est un space-opéra assez passe-partout servi par des illustrations sympa sans plus. Néanmoins, il a l’avantage d’être très cohérent avec la mécanique. Le lien entre le nom de la carte et son effet est assez évident. C’est un atout de plus qui rend le jeu plus lisible.

Péché de gourmandise

SR est comme un paquet de chips. On commence en se disant qu’on ne va faire qu’une partie mais on veut sa revanche. Puis la belle. Allez, une dernière pour la route. Et avant qu’on ait eu le temps de comprendre l’après-midi est passé, on a loupé sa station de métro ou il est temps pour les gosses de retourner en classe. La vie est dure quand même.

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6 Commentaires

  • Sympa comme article smile

    J'aime beaucoup l'idée de constituer son deck pendant la partie. Après tout, c'est ce que je reproche à Hearthstone et Magic : trop de cartes au départ. C'est chiant et lourd.
    Mais c'est surtout hyper sympa de lire l'historique de ce qui a fini par concevoir ce jeu, merci wink

  • J'ai découvert le jeu par hasard dans un bundle, et j'ai immédiatement accroché. Les règles sont simples, les combos sont infinies, les parties rapides. J'ai le jeu de cartes et l'application iOS, mais pourtant j'ai arrêté d'y jouer régulièrement contre l'IA à cause du facteur chance. Même en connaissant toutes les cartes, en fonction du tirage des 6 cartes centrales et du mélange des pioches, il n'est pas possible d'assurer une performance minimale. C'est une bonne chose pour faire découvrir le jeu à des gens qui n'y ont jamais joué parce que l'avantage du connaisseur sur le novice est modéré par le facteur chance, mais c'est fatiguant de perdre régulièrement contre l'IA en sachant pertinemment qu'on n'aurait rien pu y faire.

    Je recommande donc chaudement le jeu, j'y initierai tous les gens que je peux, mais je ne pense pas que ce soit un jeu de Gros Joueur.

  • Je suis d'accord sur le fait que la place importante du hasard fait que, même en jouant bien, on peut perdre en raison d'un tirage défavorable.

    Par contre, je trouve que, finalement, la connaissance des cartes reste primordiale. Pour savoir la valeur d'une carte en fonction du moment de la partie, construire son économie, fluidifier son deck... Il vaut mieux avoir quelques parties derrière soi. Ma femme ne veut plus jouer avec moi parce qu'elle n'arrivait plus qu'à gagner sur un coup de chance.

  • Je suis d'accord en principe, mais au final en fonction des cartes présentes tu as souvent peu de vrais choix dont la connaissance antérieure des cartes te permet de faire de façon optimale. Soit les cartes sont trop chères et tu prends parmi ce qui reste, soit elles n'ont aucune synergies avec les cartes que tu as déjà, soit l'adversaire est déjà en mode rouleau compresseur et le choix n'a plus d'importance.

    Alors oui, dans les quelques choix non évidents qu'il reste, la connaissance des cartes est un atout, et ton expérience de parties répétées prouve qu'elle l'est, mais je déplore qu'elle ne puisse pas se manifester plus souvent au cours d'une partie en raison du hasard. C'est pour cela que je ne le classerais pas en jeu pour Gros Joueur. Pas assez de marge de manoeuvre pour déployer sa connaissance du jeu.

  • C'est pour cela que je ne le classerais pas en jeu pour Gros Joueur.

    C'est, hum, compliqué comme classification. Je pense également que les mécaniques de Star Realms impliquent trop de hasard pour être jouable en tournoi, par exemple. Pour autant, ce n'est pas un jeu familial de part son thème guerrier et son nombre trop limité de joueur. De plus, il y a une vraie courbe d'apprentissage, des choix tactiques constants et différentes stratégies viables à envisager durant la partie.

    A partir de là, comment le placer en terme de public visé ?

  • Un jeu d'initiation aux vrais jeux de société, comme les Colons de Catane ? Personnellement, je ne referai une partie qu'à reculons, mais je conseillerais volontiers ce jeu à quiconque me demande un exemple de jeu de société mieux que le Monopoly.

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