Ce texte écrit presque d'une traite m'a été inspiré par un rêve plutôt désagréable que je viens de faire, d'où l'heure tardive de publication. Ou tôt, c'est selon. Bonne lecture !
Je roule vite, je slalome entre les voitures, une voiture de police gyrophare allumé me suit. Plus de voitures, aucune chance de semer la voiture de police. Je me range sur le bas-côté, la voiture de police fait de même. Deux officiers de police en sortent, l'un grand, dégingandé et prolixe, l'autre plus petit et réservé.
– Vous savez pourquoi je vous arrête ?
L'autre commence à scruter le contenu de la voiture, de la nourriture en conserve en vrac dans le coffre et sur les sièges passagers à l'arrière.
– Pas vraiment, Monsieur l'Agent.
– Vous rouliez bien au-dessus de la vitesse autorisée.
– La quoi ?
Il sent que quelque chose ne tourne pas rond. Pour éviter de perdre la face, il hausse le ton :
– La vitesse autorisée par le code de la route, indiquée sur les panneaux, vous avez bien fait l'auto-école non ? Vos papiers.
– Bof, à quoi bon ?
– A quoi bon quoi ?
– Vous donner mes papiers.
Visiblement surpris par cette réponse, il se donne quelques secondes pour analyser si je suis sérieux ou pas. Vu sa réaction explosive, il n'a pas dû me prendre pour un plaisantin. Blanc de fureur, il répète :
– Vos papiers, et que ça saute !
– Voilà, voilà, il ne faut pas s'énerver.
Je les lui tends, ses mains tremblent de rage en les lisant. Il doit s'imaginer qu'il est le dindon d'une farce même pas drôle vu la lassitude qui peut se lire sur mon visage à 100 mètres. Je pense qu'il prend peur à ce moment-là. Une telle impassibilité lors d'un contrôle routier, je dois être un tueur de flic, le genre de type froid prêt à tuer pour échapper à un examen plus fouillé de sa voiture.
– Descendez de votre véhicule, gardez vos mains où je peux les voir, doucement.
– Certainement.
Je m'exécute, le claquement de la poignée qui ouvre le mécanisme de verrouillage de la porte le fait sursauter et porter instinctivement ses mains à son holster contenant son arme de service. Je sors du siège conducteur les mains en avant, me redresse, je n'arrive pas à l'épaule du type, vraiment très grand. Pendant ce temps-là, son collègue jusqu'ici faisant silencieusement le tour de la voiture demande à ma passagère de descendre. Elle obtempère calmement.
Le grand flic reprend un peu ses esprits et s'approche de moi tout en fixant mes mains. Il me fait une fouille au corps rapide et nerveuse. Visiblement rien ne l'alerte, ses épaules redescendent donc à un niveau normal, ce qui est déjà très très haut par rapport aux miennes. Il sort son carnet de contravention et son humeur se rétablit complètement, sans que je parvienne à saisir le sens du rapport de cause à effet entre ces deux évènements.
– Mon gaillard, ça va vous coûter cher en points, dépassement de la limite de vitesse autorisée de plus de 20 km/h, conduite dangereuse, refus d'obtempérer répété qui s'apparente à un délit de fuite, mais je vous en fais grâce car vous vous êtes rangés de vous-mêmes sur le bord.
– Vous êtes trop aimable.
– Surveillez votre ton, je pourrais vous le compter quand même.
– Je vous en prie, ne vous bridez pas pour moi.
A nouveau je sens qu'il perd pied. Ce n'est pas censé se passer comme ça. Je devrais pisser dans mon froc de perdre mon permis et ma voiture, c'est comme ça que ça se passe dans ces cas-là. Je devrais passer par les classiques cinq étapes du deuil, le choc de l'annonce et le déni de l'évidence, puis la colère, vite matée par l'autorité du policier (ou l'aperçu de son tonfa), remplacée par le marchandage, qui ne doit pas souvent marcher, amenant dans une phase de dépression plus ou moins longue avant l'acceptation fatidique. Mais là, je ne cadre pas, quelque chose cloche visiblement.
Le grand échalas balaie alors la scène de son regard plissé à 360°, comme pour chercher une caméra cachée. Cela aurait eu le mérite d'expliquer mon attitude singulière, mais il ne voit rien d'anormal, ce qui l'inquiète d'autant plus. Je décide de prendre l'initiative. Cela ne lui plaira pas, mais je suppose qu'il faut bien le faire à un moment :
– Mais au fait, en vertu de quoi vous m'arrêtez ?
Gagné, il s'énerve instantanément, redevient blanc de rage, tremble, transpire, lance des regards d'incompréhension à son collègue qui hausse des épaules beaucoup plus basses que les miennes pour le coup. Il me répond d'un air pincé :
– Monsieur, je suis agent de police, représentant des forces de l'Ordre, habilité à priver de liberté un citoyen considéré comme une menace pour lui ou la société. Êtes-vous bien sûr de vouloir me demander pourquoi je vous arrête ?
– Je comprends votre position mais je maintiens.
– Je vous arrête parce que vous avez violé la loi !
– La quoi ?
– La loi, édictée par le pouvoir législatif constitué du parlement et du Sénat, et promulguée par le Président de la République Française !
Incapable de me retenir plus longtemps, je laisse exploser ma colère noyée de larme :
– Y'en a plus, de président de la république, y'en a plus de parlement, y'a plus rien, ils sont tous morts ! Ça fait vingt minutes que la radio nationale ne diffuse plus rien, toutes les voitures qu'on a doublées sont mortes et vous m'arrêtez pour un excès de vitesse ? Mais vous êtes aveugle ou juste débile ?
Interloqué par ma réaction, il pâlit à vue d'oeil, semble réaliser, porte la main à son talkie-walkie et l'amène à hauteur de menton :
– Allo central ?
– ...
Putain tes rêves sont quand même plus cools que les miens. Enfin, c'est sympa et j'aime bien la chute :- )
Pied de l'article a écrit :
Tout ça suffit à lui-même, Dieu approve ton texte.
Plus sérieusement, ayant parfois eut des rêves dont j'ai eu la joie de me rappeler, ayant eut le courage de les coucher parfois sur du papier, j'ai pu constater que la trame est rarement parfaitement cohérente et que le style s'en ressort totalement biscornu, avec beaucoup plus d'images et de ressentis un peu trop ineffables pour être écrits...
J'aime le fond, j'aime la fiction !
Tu cauchemardes de HaZen, Let's Pot et autres Tixels je présume ?
Enfin Tixel, pas trop ces derniers temps :trollface:
Cette nouvelle a son charme c'est indéniable
Maintenant, si je peux y aller de mon analyse freudienne, est-ce que ce rêve ne serait pas une manifestation de ton anxiété face à ton proche départ vers un pays étranger ?
Un départ imminent pour un autre monde ?
La gendarmerie te souhaite bonne route
Merci pour vos lectures et vos commentaires. Je me dois quand même de préciser quelque chose : ce texte n'est pas le reflet exact de mon rêve. La situation de départ jusqu'à l'arrestation est la même, mais c'est moi qui ai brodé près une intrigue et une chute. Le cauchemar en lui-même était très désagréable, et j'ai trouvé que lui donner une telle fin l'exorcisait pas mal.
Sinon oui, je pense que ça peut être une manifestation de mon anxiété pré-départ, mais à égalité avec une température trop élevée dans la pièce où je dors. Je cauchemarde toujours beaucoup plus quand j'ai trop chaud pendant la nuit. Ce qui permet de se réveiller en sueur et terrifié, c'est toujours un bonheur.
Dans ce cas, écrire l'histoire m'a aidé à me calmer, à "finir" mon cauchemar et à baisser ma température corporelle, ce qui m'a permis de me rendormir 2 heures après mon réveil.
On pourrait se demander combien d'histoires et de nouvelles suspens/horreur comme celles-là sont nées des cauchemars de leur auteur ?
Cela me fait d'ailleurs penser à l'univers de H. P. Lovecraft qui est quand même bien barré et qui aurait pu être inspiré par des cauchemars...
Voila ta reconversion outre-atlantique, auteur de livres d'épouvante.
Ok, alors il va falloir investir dans un radiateur plus puissant s'il veut suivre une telle reconversion.
\o/
Le texte pourrait servir d'introduction au livre "La Route", le titre de l'article est un simple hasard ?
Je n'ai pas vu ce film ni lu le livre dont le film est inspiré, mais j'aimerais bien. Le titre a été trouvé en 10 secondes pour ne pas qu'il révèle le coup de théâtre mais qu'il ait un rapport quand même.
J'ai bien aimé
N'empêche c'est bien écrit. Dans les rêves tout est plutôt sentiments et sensations qu'images et ce n'est vraiment pas évident d'arriver à les retranscrire à l'écrit du coup. Là je pense que c'est plutôt réussi.
Mes rêves les plus marquants sont hyper-réalistes, ou en tout cas me donnent l'impression que je suis dans la réalité, quelle que soit la vraisemblance de la situation. Ce sont ceux-là que je peux décrire une fois éveillé, et c'est à partir d'un de ces rêves que j'ai écrit ce texte. Merci pour le compliment en tout cas
Il me semblait avoir lu quelque part (mais je suis bien incapable de retrouver où précisément) que les rêves ne sont en réalité que des suites d'images et sensations sans aucun rapport les uns avec les autres, et que, lors du réveil, tous ces éléments sont rassemblés en une histoire cohérente, quitte à créer de toutes pièces des éléments. Et donc d'après cette source ça serait aussi pourquoi il arrive parfois qu'au fur et à mesure que la journée s'écoule on se rappelle de plus en plus de petits détails de ce rêve : Ils sont inventés inconsciemment pour rendre le tout plus crédible.
Naturellement, je ne trouve plus le bouquin en question et je ne sais même pas si c'était un bouquin fiable. Toutefois ça m'a toujours fait rêver (hoho le petit jeu de mots) et j'ai toujours été tenté de m'essayer à une petite expérience:
Dès le réveil, lors des premières secondes - minutes ; je mettrais sur papier mon rêve, rapidement, précisément, sans relire et si possible d'une traite le rêve. Ensuite je ne toucherais plus au papier pendant quelques heures sans l'oublier évidemment. Enfin, dans l'après midi / soirée je remettrais sur écrit mon rêve et je pourrais alors comparer les deux écrits et voir si le second est réellement différent du premier et à quel degré.
La seule chose c'est que les histoires de rêve ne sont pas mon style, je n'aime pas l'absurde
Sinon c'est vraiment bien écrit et bien amené, félicitations !
Merci pour le compliment même si ce n'est pas ton style préféré