Le suicide est une liberté

Se suicider consiste à se donner délibérément la mort. Il n’y a suicide que s’il s’agit de la conséquence désirée de l’acte. Commettre un attentat suicide ou perdre à la roulette russe n’est donc, a fortiori, pas un suicide.


Le christianisme, en bonne religion monothéiste, réprouve le suicide promettant au suicidé une éternité de souffrance après sa mort. Platon, lui, disait que notre mort ne nous appartenait pas. Elle serait la propriété des dieux. La loi contemporaine, en France, ne fait pas du suicide un délit. Seule sa provocation ou son incitation sont pénalement condamnables.

Certains universitaires s’appuient sur un principe juridique français, l’indisponibilité du corps humain, pour défendre l’idée d’une interdiction. Il s’agit d’une règle non-écrite, reconnue par toutes les cours de justice françaises. Un principe qui limite la libre disposition de soi. De nos jours, il se limite à refuser le commerce de son corps et de ses produits (organes, sangs, gamètes, gestations pour autrui...). Et il devrait se limiter à ça. On peut faire librement le choix de sa vie. Pourquoi n’aurions-nous pas le même droit avec notre mort ?

Dans l’état actuel du droit, le suicide est une liberté. Mais nous devrions aller plus loin. Le suicide devrait être un acte médical. Un homme devrait avoir la possibilité d’être aidé dans sa mort si c’est cela son intention afin de bénéficier d’une fin de vie rapide et indolore. Cela devrait se faire selon certaines règles. D’abord, l’homme en question devrait être majeur et responsable. Ensuite, il devrait aller consulter un psychiatre qui donnerait un avis à sa demande. S’il n’y est pas favorable, la procédure serait reportée. Cet avis devrait néanmoins être motivé. Ensuite, il faudrait attendre un certain délai.

Pourquoi introduire l’état dans un acte aussi intime que le suicide ?
D’abord, pour éviter les échecs qui peuvent provoquer des séquelles pire que la mort. Ensuite, pour une raison plus subjective mais plus importante à mon sens. Pour que la société regarde le suicide dans les yeux. Qu’il ne soit plus un tabou ou considéré comme une affaire personnelle. Le suicide est un fléau dans une société. En grand nombre, elle témoigne d’un malaise profond. En France, 10.000 personnes par an décident de se suicider. Cela en fait environ 27 par jour.

Accepter ainsi le suicide, c’est mieux reconnaître le droit de chaque individu de disposer de lui-même mais également arrêter de se cacher un mal qui peut gangréner une société. Personnellement, je ne crois pas que le taux de suicide augmenterait. Mais même si c’était le cas, cela ne ferait que prouver à la société que certains de ses membres vont mal et qu’il faut faire quelque chose pour s’y opposer. Ni taire les conséquences, ni les combattre mais travailler sur les causes de ce mal-être. Si cela est fait et qu’une personne a, malgré tout, le désir de se tuer alors sera son choix.

Le suicide est la seule preuve de la liberté de l'homme.
Stig Dagerman

(Bannière et vignette créée à partir d'une illustration de Lucy Knowles pour The Foothill Dragon Press utilisée avec permission)

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21 Commentaires

  • Hello,

    Je ne saurais vraiment dire pourquoi, mais la lecture de ton article m'a mis mal à l'aise ...

    Je pense qu'il ne faut pas traiter de la même manière le sujet en fonction de l'origine de l'acte. Il y a par exemple le cas cas du malade en phase terminale, celui d'un père de famille sur-endetté, la souffrance au travail, un déséquilibre chimique du cerveau ou plus simplement une rupture amoureuse, se sont des contextes radicalement différents et peuvent donc être éventuellement évités si il y a une prise en charge à temps du problème.
    A mon sens le débat sur la liberté au suicide ne trouve sa place que pour les situations véritablement sans issues, si on dirige les gens vers le suicider pour une simple détresse passagère, c'est de la non-assistance à personne en danger ! C'est là-dessus que l'état devrait d'abord intervenir ...

    Il serait intéressant de vérifier si il existe une statistique sur les causes probables qui ont entrainé un suicide, les states que j'ai trouvés font uniquement état des ages et des sexes.

    Sinon sur le même sujet tu connais la BD "Exit" de Bernard Werber ?

  • Je ne saurais vraiment dire pourquoi, mais la lecture de ton article m'a mis mal à l'aise .

    A l'écriture c'était un peu étrange aussi...

    Sur ce que j'ai pu lire des causes principales de suicides, il n'y a pas tellement de surprise. Les problèmes mentaux (comme le schizophrénie ou les troubles bipolaires), l'appauvrissement (chômage, dettes...), les antécédents de violences subies et les échecs amoureux sont premiers de la liste.

    La raison ne change pas tellement mon argument de base qui consiste à dire que le suicide est une liberté fondamentale. Un droit que l'homme a de disposer de lui-même. Même si les raisons peuvent paraître idiotes ou insignifiantes pour quelqu'un d'autre, nous n'avons pas à juger.

    Ce qu'il faut distinguer à mon sens, c'est plutôt de savoir s'il s'agit d'un mal-être profond ou bien passager. C'est pour ça, que j'ai mentionné l'intervention d'un psy qui pourra retarder le suicide assisté s'il diagnostique une dépression passagère.

  • Pour le coup ça n'est pas uniquement une question de droit, c'est davantage une question médicale. Or on connaît la position du corps médical sur le sujet. Cette position est assez proche de la position catholique de la vie à n'importe quel prix.

    Récemment j'ai vu un reportage sur les services d'urgences de la ville de Saint-Etienne. Le cas suivi par les journalistes était celui d'un homme qui avait presque réussi son suicide. À force de mobilisation (de nuit) et de soins précipités la mort n'a pas eu le temps d'achever son travail. Une victoire pour les équipes médicales. Et tant pis pour les séquelles définitives.

    Parfois, en particulier lorsque des convictions religieuses peuvent être heurtées, la loi n'est pas un socle suffisant pour assoir la légitimité d'un acte ou d'une décision. En fait je n'ai pas bien d'opinion arrêtée sur le sujet. J'y vois juste une nouvelle opportunité de confronter la loi avec la foi. Une nouvelle occasion de diviser quand on manque tellement de ce qui pourrait rapprocher.

    À propos des échecs (je manque de données chiffrées), il y a de nombreuses femmes qui s'en sortent indemnes du fait de leur mode opératoire (surdose médicamenteuse). Au contraire les hommes seraient davantage touchés (dans la réussite comme dans l'échec) à cause de modes opératoires plus radicalement violents. J'ai un exemple dans mon voisinage, elle a traversé sans dommage une période de multiples tentatives de suicide, et d'un point de vue purement égoïste j'aurais souffert s'il en eu été autrement. J'imagine que sa famille partage mon soulagement.

  • Pour le coup ça n'est pas uniquement une question de droit, c'est davantage une question médicale. Or on connaît la position du corps médical sur le sujet. Cette position est assez proche de la position catholique de la vie à n'importe quel prix.

    Tu as raison mais je pense que cette situation évolue peu à peu. Ma femme est en dernière année de médecine générale. Elle n'est pas d'accord avec ma position sur le suicide. Elle affirme que c'est contraire au serment d’Hippocrate qu'elle a prêtée et que, si une telle loi paraissait un jour, elle refuserait de la faire appliquer. Néanmoins, elle a une position beaucoup modérée sur l'euthanasie. Elle en reconnaît la légitimité et, même si elle ne le fera pas de gaieté de cœur, la pratiquerait si besoin est.

    Bon, ma femme n'est pas représentative du corps médical dans son entier mais je pense que, sur ce point là, elle est dans une mouvance générale. L'acharnement thérapeutique est remis en question, la fin de vie observée avec plus d'attention. J'en ai côtoyé des apprentis médecins et j'ai vraiment l'impression qu'il y a un changement de mentalité important entre cette génération et l'ancienne...

    À propos des échecs (je manque de données chiffrées), il y a de nombreuses femmes qui s'en sortent indemnes du fait de leur mode opératoire (surdose médicamenteuse).

    Sur plus de 10.000 suicides par an en France, environ 7000 sont des hommes. Les femmes tentent mais échouent plus. On parle du mode opératoire (les hommes préfèrent la pendaison, les femmes les médicaments) mais également d'un aspect psychologique. Les femmes commettraient beaucoup de tentatives de suicide dites "d'appel" qui est un signal de détresse envoyé à leurs proches. Les hommes intérioriseraient plus et attendraient d'être au bout du rouleau pour se tuer.

    Parfois, en particulier lorsque des convictions religieuses peuvent être heurtées, la loi n'est pas un socle suffisant pour asseoir la légitimité d'un acte ou d'une décision. En fait je n'ai pas bien d'opinion arrêtée sur le sujet. J'y vois juste une nouvelle opportunité de confronter la loi avec la foi. Une nouvelle occasion de diviser quand on manque tellement de ce qui pourrait rapprocher.

    L'euthanasie fait encore débat. Une loi sur le suicide assisté pour tous, aujourd'hui, n'aurait aucune chance d'aboutir. Mais cela ne nous empêche pas d'en parler. De se demander si cette idée est viable, légitime et/ou morale...

  • Je ne comprend pas pourquoi la mort est un problème. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait mettre des conditions à la permission qu'on donnerait aux gens de mettre fin à leur vie.

    Même si c'est à cause d'une dépression passagère, qui, peut-être, pourrais s'arranger, pourquoi est-ce un problème qu'une personne se suicide si à un instant T elle l'a voulu ? Je ressens ça comme l'ingérence des autres personnes qui t'imposeraient de vivre parce qu'elles, elles n'acceptent pas la mort. Pourquoi imposer à d'autres une vie dont elle ne veulent pas ?

    ça me semble une double injustice : au départ personne ne te demande ton avis pour te faire naître, et une fois que c'est fait, tu n'aurais même pas le droit de lâcher l'affaire. Et ceci uniquement parce qu'on sacralise la vie d'un être humain (?).

  • Je ne comprend pas pourquoi la mort est un problème. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait mettre des conditions à la permission qu'on donnerait aux gens de mettre fin à leur vie.

    Si je comprend bien tu es d'accord avec l'idée du suicide assisté pour tous mais pas avec les conditions que j'y mets. Cela comprend-il toutes les conditions ? Même le fait d'être majeur ?

    En ce qui concerne les limites que tu explicites, celle du délai et du passage chez le psy, j'y ai beaucoup réfléchis et cela me paraît plus raisonnable.
    D'abord, il faut rappeler que, dans mon idée, la décision du psy n'est que suspensive. Si la personne est toujours résolue passée un certains délai (plus long que le délai originel), elle pourra se représenter. Sauf si le psy décèle une maladie mentale trop lourde qui le rendrait irresponsable.

    Lorsque nous faisons un crédit à la consommation, la loi réclame un délai de 30 jours avant signature définitive du contrat. Une manière de s'assurer que personne ne s'endette sur un coup de tête. Le suicide est une décision autrement plus radicale. Si la société s'y prête, il est normal selon moi qu'elle s'assure que cette décision ait été mûrement réfléchie.

    Enfin, il s'agit d'une procédure pour un suicide assisté. Cela n'empêche personne d'agir seul.

  • J'ai un avis personnel sur la mort identique à celui du Bashar : ma propre mort m'importe peu parce que, ben, je serais mort, alors que la dépression et la lente dégradation de mes facultés physiques et mentales sont des risques bien réels. Dans ces conditions, il me semble logique qu'on puisse décider de la manière avec laquelle on veut quitter la scène de la vie.

    Mais c'est un point de vue éminemment égoïste. Tout d'abord, si la mort est un sujet aussi sensible, c'est avant tout parce qu'elle affecte finalement beaucoup plus fortement les (sur)vivants. Dans ces conditions, le suicide assisté peut être assimilé à une sorte de couardise, une sorte d'échappatoire à la responsabilité de la souffrance psychologique que cette même mort provoquera. Au niveau de la société, un suicide assisté est donc une perte psychologique nette, pour une personne délivrée de sa tristesse, cela génère d'autres troubles supplémentaires.

    Au-delà de la balance psychologique négative, il y a la question des ressources que la société engage pour garantir la survie des individus qui la composent. Si tu étais complètement indépendant, cela ne poserait pas de problème que tu te suicides, mais ce n'est pas le cas actuellement. Cela commence par le système de santé qui s'assure que le fetus est en bonne santé, que l'accouchement se passe bien pour le bébé comme pour la mère, puis ça passe par les parents qui investissent temps et argent dans l'éducation de leurs enfants, puis la société via l'éducation, le maintien de l'ordre, l'infrastructure, etc... Un suicide est donc une perte nette pour la société niveau ressources si la personne concernée est encore en âge de travailler ou plus jeune.

    Alors oui naître et mourir sont actuellement des injustices individuelles, mais au niveau de la société c'est moins tranché, sans même parler du côté mystique de la défense de la vie, repris par les religions.

  • Ce qui me dérange le plus avec la notion de "suicide assisté", c'est les dérives que cela peut occasionné en tant qu'outil d'élimination pour un gouvernement qui ce dit démocratique. Cela peut être interprété comme une nouvelle forme d’assassinat, on a déjà vu des suicidés pendu avec 2 balles dans la tête. Il suffirait d'une simple falsification de dossier médical pour envoyer un témoin gênant (préalablement assommé bien sur) à la morgue sans aucune forme de procès. En gros une "peine de mort" légalisé.

    Qui a dit que j'étais parano ??? ouf

  • Ertaï, c'est bien que tu évoque la question du bilan de ressource d'une vie, je peux me faire la même réflexion mais ayant constaté qu'on me targue ensuite souvent de penser comme un robot désincarné je préfère éviter ouf

    Toutefois j'ai la nette impression que la manière dont notre société voit la suicide et la mort ne sont pas du tout majoritairement défini par un raisonnement "économique" évaluant l'individu en terme coût/bénéfice.

    Sinon ça ferait longtemps qu'on aurait mis en place des procédures plus efficaces, puisque la mort est inévitable. Au lieu de ça on laisse les gens paumés avec leur deuil (et puisque la religion perd de son influence, le seul système qui devait les aider avec ça se dilue aussi) et on leur colle une ensemble de règles pour les obsèques que je trouve personnellement révoltantes.

    Si je comprend bien tu es d'accord avec l'idée du suicide assisté pour tous mais pas avec les conditions que j'y mets. Cela comprend-il toutes les conditions ? Même le fait d'être majeur ?

    En effet ces conditions me semblent trop limitantes. Quelle conséquence ça aurait qu'il n'y ai aucune condition ? Prenons un mineur, s'il est déjà si mal dans sa peau qu'il veuille se tuer avant d'avoir vu la suite, je ne me sens pas un quelconque droit de l'en empêcher. Peut-être bien que je peux trouver que la suite vaut le coût et que c'est dommage qu'il en fasse l'impasse, mais ce jugement n'appartient qu'à moi. Même en tant qu'adulte je ne me sens pas légitime de juger les choix des enfants. Je peux leur imposer par la force, mais pourquoi ferais-je ça ? si tel enfant ne veut plus vivre, d'autres vivront à sa place.
    Et pareil pour le malade mental : ceux qui ne le sont pas jugent qu'il est irresponsable, ok, mais donc le condamnent à une vie dont il ne veut pas ? au nom de quoi ?

    Ceci dit, je trouve tes conditions parfaitement raisonnables. Mais malgré tout ça ne me semble pas aller au bout de la question. J'ai le sentiment que ça nous entraine dans un fatras juridique dont les spécialistes tireront leur épingle à défaut des ignorants. Par ex, admettons qu'il y ai un cadre juridique à l'assistance au suicide, je suis presque certain que même en communiquant dessus, pleins de gens concernés ne connaitraient pas la procédure et continueraient l'amateurisme comme si elle n'existait pas.

    Pourquoi le suicide nous gène-t-il ? Personnellement, je pense que c'est largement dû au fait qu'on vive dans une société dont les membres refusent de voir qu'ils vieillissent, et ont peur de la mort. La mort d'un de leur proche les affecte parce que ça les force à penser à la leur (?). En tout cas c'est comme ça que moi je le ressens (et je peux très bien faire fausse route, mais c'est comme ça que je m'explique les réactions des autres gens face à la mort et au deuil, que je ne peux m'expliquer autrement parce que moi ça ne m'affecte manifestement pas comme eux). Et je mesure tous les jours en discutant avec des gens qui sont vieux (cad dans le dernier tiers de leur vie probable) mais qui refusent de l'admettre.

    Si par ex on fêtait autant les départs (morts) que les naissances, la question de l'impact sur les survivants deviendrait caduque, et on accepterais même le gosse qui se tue. On ne verrait plus le choix de celui qui veut cesser de vivre comme égoïste.

    ps à human ktulu : perso l'augmentation délirante des passe-droit basé sur une pseudo lutte contre le terrorisme me fait bien plus peur que les déviations marginales qu'il pourrait y avoir sur un suicide assisté. Si un état, fut-il démocratique, a envie d'éliminer des gens, il le fera.

  • Nous semblons tous d'accord pour dire que le suicide est un problème pour une société. Il y a l'aspect économique, on ne peut le nier, mais il y a également un autre facteur. Un taux de suicide élevé révèle un mal-être. De mon point de vue, cela signifie que la société ne remplit pas son contrat. Une société dans laquelle les gens vont mal est une société malade.

    Quand je mentionnais la notion d'irresponsabilité, je parlais d'irresponsabilité juridique. Un enfant ou un adulte atteint d'une grave pathologie mentale n'est pas en mesure de prendre certaines décisions (comme se marier, s'endetter ou s'engager sur tout autre type de contrat). Il faut rester logique. Si une considère qu'ils ne sont pas capable de faire cela, ils ne sont pas non plus capable de se suicider.

    [...] admettons qu'il y ai un cadre juridique à l'assistance au suicide, je suis presque certain que même en communiquant dessus, pleins de gens concernés ne connaitraient pas la procédure et continueraient l'amateurisme comme si elle n'existait pas.

    Je ne suis d'accord, même avec de la publicité certaines personnes n'auront pas connaissance de l'assistance au suicide. Par contre, je doute que des limites juridiques empêchent les gens d'en prendre connaissance. A moins, bien sûr, d'imaginer des "cabines à suicide" dans les rues comme dans futurama.

    Pourquoi le suicide nous gène-t-il ?

    Comme tu l'as dit ça nous ramène à notre propre mortalité mais est-ce seulement cela ? Je n'ai jamais été confronté à cela mais je pense que si je perdais un de mes proches ainsi j'aurais d'autres sentiments. D'abord, l'absence. Une personne disparue, surtout brutalement, laisse toujours un manque. Ensuite, la culpabilité. Pourquoi ne me suis-je pas rendu compte qu'elle allait si mal ? Pourquoi ne l'ai-je pas aidé ?

  • J'ai l'impression aussi que d'une manière générale, on accorde beaucoup d'importance au potentiel d'une vie. Cela touche au sujet du suicide mais aussi à celui de l'avortement. Toute vie interrompue brutalement laisse un spectre d'une vie possible chargé de tous les espoirs imaginables. Dans le discours de certains militants pro-vie, cette vie imaginée semble prendre le pas sur la vie bien réelle de la mère dont le risque de se dégrader est pourtant bien plus réel que la chance que la vie de son potentiel enfant soit heureuse.

    C'est peut-être la même chose pour le suicide, le suicide d'un adolescent pourrait être considéré comme plus grave ou triste que le suicide d'un vétéran en état de stress post-traumatique.

  • Un taux de suicide élevé révèle un mal-être.

    Ou une absence de moyens de contraception dans un environnement surpeuplé.
    Ou une société avec une forte proportion de gens préférant vivre une vie brève et intense que longue et terne.
    Ou... (liste non exhaustive)

    Dans tes message je trouve que tu considère que le suicide est forcément la conséquence d'un mal-être, mais je ne vois pas les choses comme ça. Il peut être un choix délibéré basé sur le fait qu'on est très content de ce qui s'est passé jusque-là, mais qu'on pense que ça suffit parce qu'il ne pourra rien y avoir ensuite de mieux.
    Ou encore un choix de société basé sur l'acceptation de chacun que la population est devenue trop nombreuse pour que tout le monde continue de vivre correctement, comme par ex ce qui se passe à tikopia (société insulaire minuscule et isolée), où suicide, infanticide et/ou avortement, euthanasie ne sont pas juste tolérés, mais carrément obligatoires (d'un point de vue culturel, pas légal). Même si j'imagine que maintenant une quelconque association humanitaire leur expédie des contraceptifs en masse ce qui doit réduire leur occurrence par rapports aux siècles passés.

    Et je suis certain qu'on pourrait trouver des tas d'autres raisons, y compris un bon paquet que mon pauvre esprit est incapable de concevoir.

    Pourquoi le suicide nous gène-t-il ?

    J'ai eu un petit cousin père de famille qui s'est tué il y a quelques temps. Je n'ai pas été plus affecté que par les morts naturelles de mes grand-parents ou de personnes plus éloignées dans mon réseau de connaissance mais mortes de maladies ou d'accident "prématurément" (il commence à y en avoir quelques-uns). En revanche sa famille plus proche a clairement cherché les responsabilité mais je trouve ça vide de sens. Soit je postule qu'on a un libre arbitre et alors le responsable c'est celui qui s'est tué, soit je postule qu'on n'en a pas et alors son acte n'est qu'une conséquence logique d'un ensemble facteur. Dans les deux cas je n'y suis pour rien.
    Je ne peux que constater que cet homme a laissé ses jeunes enfants avec ça à gérer, et c'est sans doute pas le meilleur cadeau qu'il pouvait leur faire (alors que je suis certain que comme tous les parents il désirait pour eux le meilleur et les a bien pourri-gaté jusque-là).

    Faute du suicide d'une personne encore plus proche, je ne peux me référer qu'à mes sentiments lorsque j'ai perdu mes grands-parents. Je les adorais tous mais aucun d'entre ne me manque.

    Il faut rester logique. Si une considère qu'ils ne sont pas capable de faire cela, ils ne sont pas non plus capable de se suicider.

    Je suis d'accord mais ça rejoins ce que je voulais dire par le sentiment que ça ne va pas assez loin. C'est l'irresponsabilité juridique elle-même qui me semble illégitime. En tout cas d'un point de vue moral. Je la ressens uniquement comme l'expression du pouvoir en place qui décide, et impose, arbitrairement quelque chose parce qu'il en a le pouvoir. Et qui prétend ensuite le faire parce que ça serait moral.

    C'est peut-être la même chose pour le suicide, le suicide d'un adolescent pourrait être considéré comme plus grave ou triste que le suicide d'un vétéran en état de stress post-traumatique.

    Je suis presque certain que les intégristes pro-vie les mettrait tous à égalité puisqu'ils trouvent tout aussi inacceptable l'avortement d'un foetus frappé d'une tare incurable que celui d'un foetus sain.

  • Je me demande si le suicide est gênant uniquement parce-qu’il renvoi à l'Echec. Et qui dit échec dit responsabilités.

    On peut échouer dans un emplois, dans un jeu, dans une relation, mais échouer sa propre vie est la pire des choses. Si la réincarnation était prouvé, on dirait juste : il a fait un "reroll".

  • Comment peut-on considérer que c'est un échec d'anticiper sa propre mort puisque de toute façon elle est inéluctable ? scratch

  • Ce topic tombe à point nommé alors que la fin de vie dans la dignité fait débat.

    Fils de suicidée et ayant eu de nombreux morts "non dignes" dans ma famille, j'ai un avis précis sur la question.

    Si une personne choisit de se suicider par un choix lucide et raisonné, qu'elle passe à l'acte, seule ou médicalement assistée. Exemples:

      une personne dont le cancer a métastasé un peu partout, dont le cerveau, obligée de rester clouée à un lit médical pour une durée indéterminée et qui réclame qu'on abrège ses souffrances
      une personne d'âge très avancé (80+), qui a toute sa tête et décide que sa vie a été assez longue

    A l'inverse, si une personne dont le jugement est altéré par une dépression ou tout autre trouble psychologique décide de mettre fin à ses jours, elle devrait être stoppée dans sa démarche afin que son problème soit résolu à la source. Le souci est que cet état d'esprit n'est pas nécessairement détectable facilement par les proches.

    Je suis pour le suicide médicalement assisté mais uniquement si celui-ci est la dernière étape d'un processus passant par la case psychologue/psychiatre/psychothérapeute.

  • Comment peut-on considérer que c'est un échec d'anticiper sa propre mort puisque de toute façon elle est inéluctable ?

    Je pense qu'on revient à ce que j'avais mentionné précédemment, à savoir les espoirs que l'on place dans une vie qui ne s'est pas encore déroulée. L'idéal est de "s'accomplir", quelque soit le sens que l'on donne à ce mot. Cela va avec l'idée de sens de la vie et de destin. Le suicide empêche d'accomplir son destin, du coup ce point de vue là c'est un échec dans la poursuite d'un but de vie ultime. Mais rien n'indique qu'un tel but existe autre part que dans la tête des gens, donc ce n'est un échec que pour ceux qui veulent bien le croire, et en aucun cas cela devrait être pris en compte dans une quelconque législation autour du suicide.

  • Dans tes message je trouve que tu considère que le suicide est forcément la conséquence d'un mal-être, mais je ne vois pas les choses comme ça. Il peut être un choix délibéré basé sur le fait qu'on est très content de ce qui s'est passé jusque-là, mais qu'on pense que ça suffit parce qu'il ne pourra rien y avoir ensuite de mieux.

    Le suicide heureux est un concept intéressant. Néanmoins, il est contredit par les faits. Les études réalisées sur la cause des suicides montrent que le passage à l'acte est plutôt motivé par des drames (maladie, licenciement, séparation...) que par la résolution sereine que la vie ne vaut plus la peine d'être vécu.

    C'est vrai que ces faits, recensés dans notre société, peuvent être altérés par ses valeurs judéo-chrétienne. Il faudrait un contre-exemple de suicide heureux dans d'autres cultures. Mais même dans ce cas, j'aurais du mal à ne pas percevoir le suicide comme un échec social. Si on arrive à la conclusion, même sereine, que sa vie n'a plus d'intérêt cela signifie que la société ne nous fourni plus de perspective d'avenir. De mon point de vue, une société doit offrir aux individus qui la compose un espace d'épanouissement personnel.

  • Je suis d'accord, mais dans un espace fini une société ne peut pas garantir ça pour tout le monde sauf à définir un nombre maximum d'individu, ce qui revient à soit éviter d'en faire naitre certain, soit à en pousser d'autres vers la sortie.

    J'ai pas l'impression que notre société envisage de se poser ces questions (et qu'elle préfère croire que la transition démographique suffira, évitant de froisser les sensibilités d'héritage chrétien au passage).

    Or des perspectives d'avenir pour moi ça implique d'y réfléchir, sinon j'ai l'impression qu'une évolution des pratiques, sur le suicide par ex, c'est juste du soin palliatif.

  • En même temps les perspectives d'avenir n'engagent que ceux qui y croient, cf le Corbeau et le Renard. La société peut très bien promettre plein de choses sans fournir également les moyens d'y parvenir.

  • Ah, la fameuse fuite en avant. Drôle d'alternative au suicide, surtout si les politiques encourage la natalité pour des raisons à la fois opaque et évidentes ...

    Au moins l'Homme contrairement aux Lemings rêve de peupler l'espace.

  • Ah, la fameuse fuite en avant.

    Je pensais plutôt à fonder une famille, devenir propriétaire ou finir ses jours avec une retraite confortable... Rien d'extravagant. La société, c'est comme la politique, si les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ne pas les tenir finit toujours par se voir. Et gaffe au retour de bâton.

    Je pense qu'une société, pour survivre et prospérer, doit promettre -et permettre- une vie à peu près confortable et heureuse à la majorité des individus qui la compose. A une autre époque, ça se limitait à avoir de quoi se nourrir et un toit au-dessus de la tête. De nos jours, nos attentes sont un peu plus grandes mais le principe reste le même.

    Si une société ne répond pas à cette condition, le taux de suicide et le mécontentement social vont exploser. C'est pourquoi je reste convaincu que le niveau de suicide reste un indicateur significatif de bonne ou mauvaise santé sociale.

    Pourquoi la légitimer alors ? Comme je le dis, le principe est avant tout de ne pas voiler la face. Si le mal-être social augmente, le taux de suicide augmentera qu'on l'autorise ou non. L'autoriser permet d'avoir un œil plus précis dessus et d'en soigner les causes.

    Pour résumer mon point de vue :

    - Le but d'une société est survivre et prospérer. Pour cela, elle doit assurer le bien-être des individus qui la compose.

    - Le suicide a pour cause un mal-être. Beaucoup de suicides signifient donc un échec social.

    - Pour que la société survive et prospère il faut donc qu'elle réduise son niveau de suicide. Pour cela, elle doit réduire le mal-être des individus qui la compose.

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