A la manière de Mythbuster, je m'en vais briser l'idée reçue du gain de temps en voiture grâce à une vitesse plus élevée. Avec des chiffres.
Illustration tirée du site SF Papercraft Gallery
La situation de départ est la suivante : parti quelques minutes trop tard de chez vous, vous auriez déjà dû être dans votre voiture, et vous arriverez sûrement en retard à l'heure prévue. Qu'à cela ne tienne, vous ferez fi des règles élémentaires de sécurité routière en dépassant - juste un peu - les limites de vitesse rencontrées sur votre parcours. Cela vous permettra sûrement d'arriver à l'heure convenue à l'avance et d'éviter l'ire (ou la lassitude en cas de répétition du phénomène) de votre rendez-vous.
Cette situation serait risible si elle n'était pas malheureusement aussi courante. Cette idée préconçue a la vie dure, et s'il n'y avait que les amateurs de vitesse qui dépassaient les limites de vitesse sur les routes, les appels de phare rageur sur la voie de gauche seraient beaucoup moins fréquents.
Exemple mathématique
Prenons un trajet de 100 km. Pour simplifier l'exemple, on va dire que le trajet est uniforme avec une limite de vitesse de 60km/h. La durée de parcours du trajet est donc d'1h40 (100 minutes) dans des conditions normales.
Si on roule moins vite de 20% (48km/h), on mettra 2h05 (125 minutes), soit 25% plus de temps.
Si on roule plus vite de 20% (72km/h), on mettra 1h23 (83 minutes), soit 17% moins de temps.
Que nous apprennent ces exemples ? Que pour une même variation proportionnelle de vitesse, on perdra plus facilement du temps que l'on en gagnera. Si on avait voulu gagner effectivement 20 minutes (20% moins de temps) sur le trajet initial, il aurait fallu rouler à 75 km/h, soit 25% plus vite.
Ça c'est pour l'exemple de base. Après il y a d'autres facteurs qui rentrent en jeu, dont certains sont purement humain.
Le cas du dépassement
Quand on roule plus vite que la limite autorisée, on va être amené à devoir doubler les escargots qui roulent à la vitesse autorisée, les ringards. Outre un boost d'ego lié à la sensation d'être plus fort physiquement que la personne que l'on a doublée, le dépassement permet de fournir une indication visuelle du gain de temps espéré. Si on double une voiture, c'est qu'on arrivera avant elle, et donc qu'on a gagné du temps.
Encore mieux, si on dépasse un véhicule reconnaissable, comme une voiture ancienne, une camionette, un bus étranger, et que ce véhicule disparaît du rétroviseur lors de notre course folle, c'est un indicateur supplémentaire de progression vers un objectif mathématiquement inatteignable.
Car dans les faits, dépasser une voiture n'est pas significatif sur la durée du trajet et l'heure d'arrivée. Et plus la vitesse autorisée est haute, moins cet effet est significatif. Mettre un kilomètre dans la vue d'une voiture allant à 110 km/h, c'est gagner une trentaine de secondes. Ça pourrait être intéressant si le trajet entier était limité à 110 km/h, or ce n'est jamais le cas.
Une histoire de moyenne
Tous les trajets comportent des segments comportant différentes limites de vitesse. 30-50 km/h pour la ville, 70-90 pour les nationales, 110-130 pour les autoroutes. Ces différences font que la vitesse moyenne sur un trajet est plus basse que la limite de vitesse la plus haute rencontrée. Même au sein de ces segments uniformes en limite de vitesse, notre vitesse moyenne n'est jamais celle affichée sur les panneaux. Qu'il y ait un petit ralentissement, un feu rouge ou une pause pipi, et la vitesse moyenne chute. On l'a vu avec l'exemple ci-dessus, il est plus facile de perdre du temps que d'en gagner, et c'est encore plus vrai avec cette histoire de moyenne.
Car si on dépasse de 20% la limite autorisée sur un des tronçons de notre parcours, notre vitesse moyenne sur le trajet n'augmentera que de quelques pourcents, ce qui n'influera même pas autant sur le temps de trajet. Et même si on parvient à gagner une minute (ce qui est déjà un exploit en soi), il y a tellement de moyens faciles d'en perdre une (un feu rouge, un passage piéton, un ralentissement voire un bouchon) que la victoire est souvent de courte durée.
Oui mais moi j'ai un pote qui...
...fait Paris-Vendée en 3h !
Pourquoi pas, c'est un choix. Mais pour en arriver là, quelle est exactement l'entorse qu'il a dû faire au Code de la Route ? Sur ce trajet d'environ 400 kilomètres dont 370 d'autoroute, le temps de trajet idéal est de 4 heures, sans compter les piétons, feux rouges, bouchons, pauses pipi, et ravitaillements en essence éventuels. Soit 100km/h de moyenne, ce qui est plutôt balaise.
Un trajet de 3 heures correspond donc à un gain de 25% sur le temps idéal. La vitesse moyenne doit donc être de 130 km/h, soit 30% de plus que la moyenne idéale. En théorie donc il faudrait rouler sur tout le trajet 30% plus vite, soit à des vitesses de l'ordre de 65 km/h en ville, 117km/h sur les nationale, et 169 km/h sur l'autoroute. En pratique, il est difficile d'aller aussi vite en ville et sur les nationales, qui sont parsemées de contretemps. L'autoroute semble être la meilleure solution pour augmenter sa vitesse.
Si on ne peut pas augmenter sa vitesse en ville et sur les nationales, il faut donc l'augmenter encore plus sur l'autoroute. On était déjà à 170km/h, il faudrait donc friser les 200 km/h de moyenne sur toute la section d'autoroute. Mais même sur les autoroutes les contretemps existent : péages, radars fixes ou mobiles. Pour 200 km/h de moyenne, il faudrait donc atteindre des vitesses encore plus élevées pour compenser les pertes de temps.
Notre sympathique casse-cou a donc dû faire des pointes de l'ordre de 250 km/h sur l'autoroute, soit presque le double de la vitesse autorisée, tout ça pour gagner le quart de la durée de trajet initiale, soit une malheureuse heure. Le risque (financier, médical et éventuellement judiciaire) à prendre paraît disproportionné par rapport au gain final.
Conclusion
Comme je viens de le montrer, appuyer sur le champignon ne permet en aucun cas de gagner efficacement du temps sur un trajet, même long. La seule solution pour arriver à l'heure est donc logiquement de partir plus tôt. Encore fallait-il y penser !
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