Je suis en train de lire Swarmwise écrit par Rick Falkvinge, le fondateur du Parti Pirate suédois. Il décrit comme "swarm" ou "essaim" l'organisation militante qui a permis en quelques années d'élire des représentants au Parlement Européen. Bien qu'ayant une structure très souple, Falkvinge insiste qu'un essaim a besoin d'un leader pour prospérer. Je m'attends à ce que ce soit la raison pour que Nuit Debout ne devienne pas une force politique significative à moyen terme comme le Parti Pirate suédois a su devenir.
Je voudrais tout d'abord annoncer en préambule que je ne suis pas opposé aux actions de Nuit Debout, dont la sensibilité politique générale semble proche de la mienne. Je souhaiterais même que Nuit Debout prospère sous cette forme, mais je ne peux m'empêcher d'être pessimiste.
Qu'est-ce qu'un essaim ?
Selon Rick Falkvinge, un essaim est une organisation militante partant de zéro dont le but à terme est de changer le monde pour le mieux. Attirés par ce phare idéologique, des sympathisants et des militants peuvent rejoindre en masse le mouvement et participer comme bon leur semble. Cependant, bien qu'il soit crucial que les militants ait toute latitude pour dépenser leur temps libre pour la cause, l'auteur insiste que le mouvement a besoin d'une direction qui part d'un point focal, le fondateur qui peut ensuite déléguer la responsabilité d'animer les branches locales à un cercle d'officiers qui peuvent également déléguer l'animation à des sous-officiers si la taille de leur branche locale dépasse une masse critique.
Au-delà de cet organigramme souple, l'essaim a pour but principal de responsabiliser les militants. Ils ont le pouvoir de décider quoi faire dans l'intérêt de l'essaim. Bien sûr, les militants peuvent se regrouper pour effectuer des actions à grande échelle, et le rôle des officiers est de faciliter cette coopération entre militants, voire entre branches, mais pas de la décider en premier lieu. Cette approche participative évite les écueils traditionnels de la gestion hiérarchique classique comme l'attribution de budget ou la validation obligatoire par les différents échelons administratifs avant que quoi que ce soit ne soit entrepris.
Même sans rôle de gestionnaire opérationnel, le rôle du fondateur est important pour établir un exemple et pour répéter régulièrement non seulement le but principal de l'essaim mais aussi les jalons intermédiaires mesurables que l'essaim doit franchir de lui-même. Dans les premiers temps d'un essaim, le fondateur est un bon point focal pour les relations presse pendant que les activistes s'organisent d'eux-mêmes.
Quel rapport avec Nuit Debout ?
De ce que j'en ai vu jusqu'ici de ses 20 jours d'existence, le mouvement Nuit Debout ressemble plutôt bien à un essaim tel que Rick Falkvinge le décrit. C'est un mouvement activiste parti de rien avec le but clair d'empêcher la loi Travail promue par l'actuelle ministre du Travail, Myriam El Khomri, d'être votée. Initialement lancée sur la place de la République en marge de la manifestation contre la loi Travail du 31 Mars par François Ruffin, le rédacteur en chef du magazine Fakir, le rassemblement grossit de jour en jour, et les moyens de communication s'organisent, non seulement sur la place publique, mais aussi sur Internet.
Et même si les noms de François Ruffin et de Frédéric Lordon, un chercheur en économie au CNRS, reviennent régulièrement dès qu'il s'agit de Nuit Debout, aucun ne veut en assumer la direction. De ce que j'ai vu, c'est même censé être une qualité de ce mouvement qualifié "d'horizontal". Et cela se comprend parfaitement vu que le mouvement est né de la contestation du gouvernement et des partis politiques, fortement hiérarchisés jusqu'à l'exemple le plus fort de la direction politique nationale, le président de la République Française.
Toutefois, je pense que c'est une erreur de rejeter complètement le concept de fondateur. Car si pour l'instant, le but de Nuit Debout est clair, une fois la loi abandonnée ou votée, le mouvement devra trouver un second souffle. Et qui pourra lui donner sinon les deux figures principales qui ont refusé d'incarner le mouvement ? D'autre part, avant la constitution d'un éventuel parti politique, je pense qu'il est avantageux de disposer d'une personne qui incarnerait Nuit Debout afin de promouvoir facilement le message via les moyens de communication classiques comme la radio, la télévision ou encore les journaux. Si un site web peut se permettre d'être anonyme, comme le site officiel de Nuit Debout, en revanche les médias traditionnels ont besoin d'un invité, d'une voix ou d'une interview pour travailler le plus efficacement possible.
D'autre part, l'absence de direction claire, même sans organisation hiérarchique rigide, rend le mouvement Nuit Debout vulnérable à la calomnie et à l'éventuelle récupération. Ainsi, le nom de domaine nuitdebout.fr a été acheté par une société de communication parisienne nommée RAIZ qui a également créé les pages Facebook et Twitter au même nom. La société plaide évidemment la bonne foi, mais prend quand même soin de ne pas diffuser de slogans politiques via les comptes sociaux qu'elle administre. Au-delà, il n'y a pas de coordination au niveau national ce qui brouille le message pour ceux qui ne participent pas directement et fournit une cible facile pour ceux qui sont opposés au mouvement.
Conclusion
Le relatif succès initial du mouvement Nuit Debout est tout à son honneur, mais la route s'annonce incertaine et tortueuse au-delà de l'objectif initial du retrait de la loi Travail. Je suis personnellement convaincu que l'absence totale de direction est, sinon une erreur, au moins une occasion manquée de pouvoir définir des objectifs clairs à moyen et long terme et d'éviter certains écueils actuels (accrochage avec Alain Finkielkraut, degâts matériels en marge des manifestations) qui me paraissent évidents.
(Bannière et vignette issue d'une photo non créditée publiée sur la page Facebook officielle de Nuit Debout, utilisée sans permission)
C'est dommage qu'eux-même fassent l'erreur d'utiliser "désobéissance civile". Il y a plus de choses dans citoyen que dans juste civil.
dragoris a écrit :
Je ne vois pas de lien entre la superficie d'un état et sa définition en tant que concept. Une citée-état antique, c'est un état, et pourtant c'est 100x plus petit qu'une région.
Personnellement je fais une différence entre "un état" et "les états reconnus au 20ème siècle, que j'ai appris à l'école en géographie". S'il semble difficile d'envisager la disparition du premier, les seconds sont sursis depuis leur origine même et fluctuent en permanence.
Sinon je pense que tu accorde trop de puissance aux "multinationales". Leur financement vient de nos subventions et notre obéissance. Leur bras armé n'existe que par procuration en téléguidant celui des états. Leur richesse démesurée est fictive à 99%. Je ne trouve pas ça si solide que ça. Un crash-boursier dissipera facilement ces fantômes.
cathaséris a écrit :
Je ne pensais pas que ce soit "idéal", mais juste que c'est inéluctable, à moins que nous ne découvrions des moyens nouveaux de conversion matière-énergie, mais si c'est moyens existaient, pour ma part je suis persuadé que d'autres créatures dans la biosphère s'en serviraient déjà depuis longtemps, et que nous pourrions les observer.
Quelle autre créature dans la biosphère brûle des hydrocarbures pour convertir de la matière en énergie ? Quelle autre créature dans la biosphère sépare des atomes d'Uranium en les bombardant de neutrons ? Cela me semble un peu présomptueux d'assumer qu'il n'y a aucune autre façon de convertir de la matière en énergie juste parce qu'on ne l'a pas observé dans la biosphère.
Peut-être qu'il n'y a pas d'autres moyens de convertir de la matière en énergie, mais ce ne sera pas parce qu'on ne peut pas l'observer dans la biosphère vu que cela fait longtemps que l'on a dépassé ce stade.
Tu a raison, ce n'est pas à ça que je pensais. Je pensais à observer dans la biosphère des créatures qui s'alimentent directement avec une source d'énergie autre que celles que nous connaissons (je connais par ex des gens qui croient vraiment que nous humains pouvons vivre sans boire ni manger, en puisant dans une espèce d'énergie indéfinie qui me semble pour le moins mystique) et qui montreraient ainsi la possibilité d'utiliser d'autres moyens de conversion renouvelables. Ceux qui sont fossiles sont justement ceux qui précipitent l'assèchement du moteur qui s'en sert.
Mais effectivement rien ne me permet d'affirmer que de tels moyens n'existent pas.