Eloge de la masturbation intellectuelle

L’intellect désigne le travail de l’esprit. Induire, déduire, raisonner, réfléchir... Tout cela concerne l’intellect. La masturbation c’est... hum... vous savez tous ce que c’est.


La masturbation intellectuelle consiste à utiliser son autre extraordinaire organe. Cette merveille de logique qu’est le cerveau pour réfléchir et débattre sur un sujet absurde en sachant pertinemment que cela ne pourra jamais déboucher sur quelque chose de concret ou de constructif. Le seul but étant l’autosatisfaction par l’étalage de son savoir ou de ses capacités dialectiques. Un exemple de sujet de masturbation intellectuelle : Débattre sur la technique martiale la plus efficace en cas d’invasion de zombis.

Pour une raison que je peine à comprendre, la masturbation intellectuelle a mauvaise presse. Il en est même pour l’utiliser comme élément à part entière d’une diatribe injurieuse envers l’intellectuel amateur que nous sommes tous un peu au fond de nous. (Bien caché pour certains). Je suis là pour rétablir une vérité. Ou plutôt pour enfoncer des contre-vérités dans la fange des idées de merde qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Je pars le verbe haut et l’éloquence aux aguets vous démontrez que, oui, la masturbation intellectuelle, c’est bien.

La masturbation intellectuelle ne sert à rien

Voilà une affirmation à laquelle je ne peux donner tort. La masturbation intellectuelle est inutile. C’est précisement ce qui la rend si nécessaire. Dans un monde à l’utilitarisme forcené (qui va jusqu’à instrumentaliser le jeu infantile), réfléchir pour le simple plaisir de réfléchir devient presque un acte militant !

Même si réfléchir pour rien exerce sans doute ses petites cellules grises, il ne faut surtout pas s’y mettre pour cela. C’est le plaisir décomplexé qui rend la pratique de la masturbation intellectuelle si attrayante. Après tout, il n’y a pas de raison que cette masturbation là n’aboutisse pas, elle aussi, à la jouissance.

Mais j’y pense. Depuis quand réfléchir est devenu inconvenant ? Même pour rien, le savoir et la logique sont de belles choses que l’on s’imagine bien trop souvent austère et rigide. Il est malheureux de voir l’usage de la pensée écrasé par le poids démesuré d’un fun débilitant.

C’est une occupation de bobos

Ah bobo ! Que j’aime ce mot ! Il y a vingt ans, on aurait plutôt utilisé des termes comme “fiote” certes moins polis mais tellement plus fleuris. Une époque pas meilleure mais où, au moins, les boeufs ne cachaient pas leurs cornes. Aujourd’hui, ces mêmes boeufs se donnent le beau rôle en défendant leur liberté de ne pas réfléchir contre la supposée “bien pensance” d’une nouvelle bourgeoisie aussi manièrée que fictive.

La vérité, mes chères ouailles, c’est que la masturbation intellectuelle est à la portée de tous. Mieux, elle est même pratiquée par tous en de nombreuses occasions. Que font-ils, tous ces cariatides de troquets sinon se tripoter la nouille cérébrale lorsqu’ils s’improvisent entraîneur du PSG ou arbitre de match des six nations ? Et tous ces meurtrisseurs de plastiques qui expliquent par A+B pourquoi ils auraient dû gagner leur dernière partie de Mega City Warrior*. C’est de la faute à la manette si leur high air sucker punch** n’est pas sorti.

C’est une activité prétentieuse et arrogante

Oui. Et ? Tant qu’il ne sert pas à nuire pourquoi l’égo serait une mauvaise chose ? Être fier de ces capacités intellectuelles n’est pas un crime que je sache. La masturbation n’est une chose qui ne concerne que nous et notre organe. En fait, pratiquer la masturbation intellectuelle revient à faire preuve d’égoïsme dans sa forme la plus pure. L’Autre n’est ni écrasé, ni méprisé, ni ridiculisé. L’Autre est tout simplement ignoré le temps d’un plaisir fugace. La jouissance cérébrale n’a d’autre conséquence que le bien-être.

En vérité, si quelqu’un a une attitude déplacée dans l’histoire, c’est bien l’Autre qui ne supporte pas ce que l’on fait. L’Autre qui raille, se plaint de l’inutile et grogne comme un molosse devant une gamelle vide. Pourquoi agir ainsi ? Ce serait comme se moquer de quelqu’un qui fait des jongles ou pianote une mélodie. Pour quelle raison, sinon par jalousie ? Le masturbateur démontre ses brillantes capacités cognitives et en prend du plaisir. L’Autre incapable de telles prouesses, outré par cette impudeur, s’en va le conspuer.

Pourtant, je le dis et le repète. La masturbation intellectuelle est une activité saine, sans dommages ni victimes. Et une activité accessible à tous. Alors qu’attendez-vous ? Allez mes amis, en public ou en privé, sur internet ou à la terrasse d’un café. Masturbez-vous !

*Ne cherchez pas, j’ai déjà déposé le nom.
**Idem

(Les images de bannière et de vignette sont tirées de Masturbation Intellectuelle par Grigou, utilisé avec l'autorisation de l'auteur)

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10 Commentaires

  • Hello,

    J'imagine bien comment Cathaseris en ait venu à rédiger cet article :

    - épouse de Cathaseris : Chéri vient m'aider, il faut surveiller les gosses, faire la vaisselle en retard et préparer la bouffe !
    - Cathaseris : Hum, là je ne peut pas je suis en train de pensé à un truc important ...
    - épouse de Cathaseris : Arrête de te branler c'est pas le moment !!!

    En fait c'est du vécu chez moi ouf

  • Il y a la masturbation qui est bonne pour le corps.
    Et celle qui est bonne pour l'esprit.

    Dans un monde à l’utilitarisme forcené (qui va jusqu’à instrumentaliser le jeu infantile), réfléchir pour le simple plaisir de réfléchir devient presque un acte militant !

    En même temps la panacée ça n'est pas d'échapper à l’utilitarisme.
    La panacée ça serait d'échapper au dérisoire.
    Et là ça devient difficile voire impossible.
    La masturbation n'est qu'une courte échappatoire.

  • Si je comprend bien, la majeure partie de la philosophie, selon cette définition, et la théologie sont de la masturbation intellectuelle, non ? Parce que bon, une invasion de zombie, ça pourrait arriver (sait-on jamais) alors que la preuve que dieu existe (ou l'inverse) ben... ouf

    Pour une raison que je peine à comprendre, la masturbation intellectuelle a mauvaise presse.

    C'est parce que pendant que tu t'y adonne, tu n'a plus le cerveau disponible pour la pub, et ça le mal !

  • En même temps la panacée ça n'est pas d'échapper à l’utilitarisme.
    La panacée ça serait d'échapper au dérisoire.
    Et là ça devient difficile voire impossible.
    La masturbation n'est qu'une courte échappatoire.

    Tu sais SpiceGuid, le dérisoire c'est ma vie. Si j'y échappe, je perds tout ce qui m'importe.

    Si je comprend bien, la majeure partie de la philosophie, selon cette définition, et la théologie sont de la masturbation intellectuelle, non ? Parce que bon, une invasion de zombie, ça pourrait arriver (sait-on jamais) alors que la preuve que dieu existe (ou l'inverse) ben...

    Je ne pas être d'accord avec toi. Je pense qu'au contraire on nous a mis dans la tête que la philosophie était inutile parce qu'elle n'était pas "productive". Voyons ensemble ce que peut être la philosophie. D'un point de vue antique, la philosophie est pensée comme un pharmakon, une médecine pour vivre mieux. Pour mieux comprendre et accepter les aléas de la vie. La philosophie antique apprend à se confronter au monde, à la vie.
    D'un point de vue plus moderne, la philosophie façonne des théories sur certaines choses qui ne sont pas directement du ressort de la science. "Qu'est-ce qu'une bonne société ? Une bonne éducation ?" sont des questions philosophiques. Les réponses construites ne sont pas sans conséquences sur le monde pour peu qu'elles sont intéressantes et que l'on joui d'une certaine notoriété. Les hommes -et notamment les politiques- lisent les Chomsky, les Serres, les BHL (malheureusement pour ce dernier) et en tirent des enseignements. Mais la philosophie n'a pas seulement une influence sur la politique. Les philosophes modernes qui se sont penchées sur des notions comme le langage ou la conscience, sont des sources d'inspiration pour tout un tas de scientifiques qui se penchent sur des domaines équivalents.

    Bref, la philosophie ne peut pas être du branlage de nouilles parce que, contrairement aux idées reçues, ça sert à quelque chose.

  • Un très bon texte qui a le mérite de parler de masturbation intellectuelle sans tout à fait en être. Bien sûr, le style punching ball dans lequel on contredit d'hypothétiques réparties est un peu facile, mais le contenu sait faire oublier cette petite faiblesse.

    Sur le fond , je suis bien évidemment d'accord avec toi, l'onanisme cérébral ne m'étant pas étranger. Mais je voudrais quand même souligner que la masturbation intellectuelle possède une dérive dangereuse que je nommerais "pugilat intellectuel". A rapprocher des guerres de chapelles mais dans un contexte fictionnel, il pourra s'agir par exemple de piques lancées par des fans de Star Trek à des fans de Star Wars (et inversement) ou un débat acharné sur le vainqueur d'un hypothétique duel entre Batman et Superman.

    Et autant la masturbation intellectuelle est constructive, qu'elle soit pratiquée seule ou à plusieurs et quand bien même les constructions intellectuelles seraient éphémères, autant le pugilat intellectuel est destructeur et favorise l'immobilisme intellectuel. On me dira, le pugilat intellectuel renforce le groupe, ce à quoi je répondrais "Oui, mais quel groupe ?". La masturbation intellectuelle sous forme collective a l'avantage de ne pas être exclusive, tu peux y participer ou ne pas y participer de ton plein gré, cela n'a pas d'influence forte sur ta position sociale par rapport à ceux qui s'y adonnent. Le pugilat intellectuel me fait plutôt penser à une situation "seuls contre tous" dans laquelle l'enjeu de la discussion semble être le fondement de ton existence même. Difficile de l'aborder l'esprit léger et aérien, gage de réussite d'une bonne masturbation intellectuelle.

  • "Qu'est-ce qu'une bonne société ? Une bonne éducation ?" sont des questions philosophiques.

    D'accord, mais quand on se les pose, on n'est pas du tout sûr que la réflexion va déboucher sur quelque chose de concret ou de constructif : des tas de discutions lancées sur ces thèmes peuvent être en tous points comparables à celles de qui est la meilleure équipe de foot. En revanche ce ne sont pas des sujets absurdes. Mais il peut y avoir plein de sujets philo qu'on peut considérer absurde.

    Mais je m'aperçois que je n'avais pas totalement compris ton article du coup parce que tu semble exclure la philo de ton sujet alors que moi j'en comprenais qu'une partie y était incluse. (Ce qui ne me pose pas de problème puisque dans les deux cas la pratique est jugée positive.)

  • Pour une raison que je peine à comprendre, la masturbation intellectuelle a mauvaise presse.

    Si elle a mauvaise presse alors il faut lui trouver un nom plus rassembleur smile
    La masturbation positive ou la masturbation pour tous ou la masturbation durable.
    Ou n'importe quel autre qualificatif socialo-progressiste.

  • Si elle a mauvaise presse alors il faut lui trouver un nom plus rassembleur smile
    La masturbation positive ou la masturbation pour tous ou la masturbation durable.
    Ou n'importe quel autre qualificatif socialo-progressiste.

    J'ai cru pendant un instant que tu proposerait d'exclure ou de camoufler le mot masturbation. Me voilà rassuré. La masturbation, je trouve, qu'elle soit intellectuelle ou physique, possède des points communs avec la méditation, si opposée par son principe même qu'elle puisse sembler au premier abord, notamment en cela qu'elle permet, comme cela a été brièvement mentionné plus haut, de créer un échappatoire à toutes les questions d'ordre "pratique" auxquelles on n'échappe pour ainsi dire jamais sans cela. C'est une attention dirigée exclusivement vers soi, ce qui n'est pas évident dans un monde où tous les "petits plaisirs" ou presque sont considérés comme des "plaisirs coupables", toujours donc rattachés à des enjeux plus graves (manger deux parts de gâteau en pensant toujours dans un coin de son esprit à ses artères et son apparence, par exemple).
    La masturbation, c'est cultiver son jardin. Penser au nombre d'entrées de cinéma qu'il faudrait acheter pour équivaloir le prix du nombre des tranches de salami qu'il faudrait pour tapisser entièrement chaque surface de son appartement, c'est décorer son jardin. S'astiquer tranquillement dans un coin en pensant à Michael Fassbender, c'est s'y reposer sur une chaise longue pour quelques minutes. Dans un cas comme dans l'autre, après on se sent bien.

  • Pour SpiceGuid, on est plutôt dans l'ordre de la forêt domaniale sourire

  • Le Bashar a écrit :

    D'accord, mais quand on se les pose, on n'est pas du tout sûr que la réflexion va déboucher sur quelque chose de concret ou de constructif : des tas de discutions lancées sur ces thèmes peuvent être en tous points comparables à celles de qui est la meilleure équipe de foot. En revanche ce ne sont pas des sujets absurdes. Mais il peut y avoir plein de sujets philo qu'on peut considérer absurde.

    Mais je m'aperçois que je n'avais pas totalement compris ton article du coup parce que tu semble exclure la philo de ton sujet alors que moi j'en comprenais qu'une partie y était incluse. (Ce qui ne me pose pas de problème puisque dans les deux cas la pratique est jugée positive.)

    Ah. C'est normal qu'on ne se comprenne pas, on ne parle pas de la même chose. J'ai compris philosophie dans un contexte académique. De ce point de vue, cette matière peut être comparée à de la recherche fondamentale : On ne sait pas à quoi cela peut servir mais cela peut être utilisé comme base de travail pour d'autres chercheurs dans d'autres domaines. Il ne s'agit pas du tout de masturbation intellectuelle mais d'un réel travail, sérieux et étayé.

    La philosophie de badinage que nous pratiquons assidûment sur ce forum, par contre, est clairement visée par mon article.

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