Une définition partisane du jeu

Définir le jeu est une vieille marotte personnelle. La notion est complexe, d’autant que le français ne nous aide pas vraiment. Dans la langue de Molière, il y a, dans le “jeu”, une homonymie très subtile. Le mot signifie autant l’action de jouer que l’ensemble de règles que l’on pratique lorsque l’on joue. Parler de son jeu aux échecs ou de son jeu d’échecs n’a pas la même signification. L’anglais simplifie les choses puisqu’il divise les deux notions. D’un côté le play lorsqu’on joue, de l’autre le game lorsque l’on parle du jeu. Et bien croyez-le ou non mais cette distinction inconnue du français entraîne des contre-sens même chez des auteurs sérieux. Il est parfois difficile dans l’oeuvre de Caillois ou de Brougère de savoir s’ils parlent du jeu en tant qu’action ou en tant que convention. C’est pour ça que je vais tenter de ne définir que l’un des deux. Celui qui me semble le plus intéressant. Je vais parler du play, le “jouer”. Voilà pourquoi à partir de maintenant lorsque vous lirez “jeu” vous pourrez entendre “l’action de jouer”. Si je me vois obligé d’utiliser l’autre signification du jeu cela sera indiqué par un game entre parenthèse.

Quel intérêt y’a-t-il à définir le jeu ? Faut-il, comme certains philosophes, abandonner l’idée de faire le tour d’une notion aussi vaste ? Après tout, le jeu est un terme qui parle à tous malgré l’absence de sens clair. Le mot suffit à nous faire comprendre dans la plupart des situations. Sauf que... Sauf que le jeu prend une dimension de plus en plus importante dans nos vies. On encense ses qualités éducatives. On lui reconnaît une capacité à captiver.
Autrefois, on imposait plus facilement les choses pénibles. Aujourd’hui, on tente plutôt de séduire. Dans cette optique, le jeu semble être un instrument intéressant à manier. Mais lorsque le jeu est manipulé pour remplir des objectifs qui n’ont rien à voir avec lui peut-on encore parler de jeu ? Ne pas donner de contour net à ce terme permet de lui faire dire n’importe quoi. Comment faire la différence entre jouer et manipuler du matériel ludique pour une toute autre raison ?

Une définition claire est nécessaire mais celle-ci doit rester large malgré tout. Le jeu est une notion commune à l’humanité (et même au-delà). On la retrouve dans toutes les cultures, chez tous les individus quelque soit leur âge. Alors évidemment, il y a des variantes.Traditionnellement, on ne joue pas en Afrique comme on jouerait en Europe. On ne joue pas de la même manière à six ans qu’à soixante ans. Si le jeu est souvent initié par l’adulte, l’instinct ludique est dans nos gènes. Nous naissons tous avec la capacité d’être joueur.

Définir c’est juger

Bien, le préambule est terminé. Il est temps de vous proposer ma définition.

Jouer consiste à s’imposer volontairement des contraintes inutiles dans l’intention d’y trouver du plaisir.

Cette manière de définir l’action de jouer est très fortement inspiré de celle de Bernard Suits, un philosophe anglo-saxon. Elle met en avant différentes choses. Elle aborde en premier lieu deux notions dont l’association peut paraître paradoxale, la contrainte et la liberté . Elle termine en intégrant l’intention hédoniste du joueur. Une notion souvent rejetée ou minimisée par les auteurs.

Pas de jeu sans contraintes

Une contrainte est une interdiction ou une obligation qui réduit la liberté d’action de celui sur laquelle elle s’exerce. Dans le cadre de cette définition, nous parlons de contraintes purement ludiques (càd relatives au jeu) et qui n’ont d’autres buts que de créer un jeu (game). C’est pour cette raison qu’elles sont considérées comme inutiles. Elles n’ont d’intérêts que dans le jeu. Un peu comme les pas de danse qui n’ont de sens que dans la pratique de la danse.

Dans le jeu, les contraintes prennent souvent la forme d’un ensemble de règles. Pourtant, elles ne sont pas toujours aussi concrètes que dans un jeu de plateau ou un jeu vidéo. Lorsque le jeu comporte des règles préétablies, le champ d’action du joueur est défini à l’avance. Dans la pratique ludique de l’enfant, les contraintes ne sont pas aussi claires. Elles évoluent avec le temps au fil des propositions et du contexte. Le jeu de l’enfant n’est pas, pour autant, une activité chaotique. C’est même tout le contraire. Pour l’enfant aussi, le jeu est une activité réglée. Si les contraintes au début d’un temps de jeu ne seront certainement pas les mêmes à la fin, le comportement du joueur a toujours du sens dans le cadre du jeu. Ce sens, issu d’une contrainte, n’est pas forcément clair pour un observateur non-joueur. Imaginons que mon voisin sort prendre l’air et m’aperçoit en train de m’agiter bizarrement dans mon jardin. Pour lui, mon comportement est anormal, loufoque. Pourtant, je ne fais que jouer à traverser ma pelouse en ne marchant que sur les ombres. La règle que je m’impose m’interdisant de mettre le pied sur un carré d’herbe ensoleillé.

Lorsque nous jouons seul, les contraintes sont simples à poser. En jouant à la poupée, nous faisons semblant d’être un parent. Nous imitons ses gestes et imaginons comment notre enfant imaginaire va réagir. Les difficultés, et le besoin de contraintes supplémentaires, viennent avec la présence d’autres joueurs. Lorsque les enfants élaborent leurs premières règles, elles ne font que résoudre les obstacles lorsqu’ils surviennent. Il leur faudra un peu de temps avant qu’ils commencent à les préatablir d’eux-même.

“L’invention d’une liberté dans et par la légalité” Colas Duflo

Je ne sais plus quel philosophe prétendait qu’une contrainte librement consentie n’en était plus une. Cet homme n’a sans doute jamais tenté d’arrêter de fumer. Je dois néanmoins reconnaître que par contrainte, on entend généralement quelque chose qu’un tiers nous impose. Ce n’est pas le cas dans le jeu. Il y a bien une soumission à des règles mais elle est volontaire. Le joueur est libre de les accepter et tout aussi libre de les modifier voire de les refuser en arrêtant de jouer.

Même dans le cas d’un jeu de société, les règles n’ont pas de légitimité avant que le joueur lui en donne. Les règles d’un auteur de jeu n’ont pas le même pouvoir que celles d’un législateur. Elles ne sont que des propositions faites au joueur. Libre à lui, encore une fois, de les accepter ou de les modifier à sa guise. Le joueur adulte rechigne souvent à modifier les règles d’un jeu. Souvent par conformisme, parfois par respect de l’auteur, il refuse de mettre les mains dans les mécaniques d’un jeu (game). Il trouve même à se plaindre lorsqu’il doit le faire pour trouver un équilibre (une sorte justice ludique) selon lui absent des règles originelles. L’enfant, lui, comprend d’instinct cette notion de proposition. Peut-être parce que ses jeux sont moins complexes ou qu’il a moins conscience de l’équilibrage prétendûment nécessaire d’un jeu. Peut-être aussi parce qu’il ne s’impose pas encore les mêmes exigences ludiques que l’adulte.

Le joueur hédoniste

Le plaisir est un terme vague. Il est défini généralement comme une sensation ou une émotion agréable source de bien-être et de contentement.

Cette sensation positive est, dans le jeu, perçue comme la motivation première du joueur. Que cela soit dans la victoire, l’évasion ou le fait de passer un moment privilégié entre amis, les sources de plaisir sont multiples. Je ne m’étendrais pas ici sur le pourquoi du plaisir. C’est une question si vaste qu’elle mériterait un article entier.

Le joueur est poussé par la recherche de plaisir. Cela ne veut pas dire que l’absence de plaisir interdit le jeu. Si l’activité ludique -pour une raison quelconque (des règles injustes ou une mésentente entre joueurs)- ne procure pas de plaisir, elle reste ludique. Elle n’a simplement pas répondu aux attentes du joueur. Pour caractériser le jeu la volonté première (la recherche du plaisir) est plus importante que le résultat final (le plaisir lui-même).

La recherche de plaisir n’exclut pas totalement d’autres objectifs. Miser de l’argent au poker ne retire pas nécessairement l’aspect ludique d’une partie. Par contre, le côté hédonique de l’activité doit être prédominant. Il doit, dans l’esprit du joueur, être l’élément essentiel de sa participation. Dans le cas contraire, l’activité perd sa qualité ludique. Si en jouant, on cherche avant tout une rémunération, un apprentissage ou un moyen de se garder en forme, alors ce n’est pas du jeu. C’est du travail, des exercices ou du sport. Il n’est pas rare que ces diverses activités s’approchent du jeu ou s’en inspirent. Ce n’est pas une mauvaise chose. Néanmoins, il ne faut pas les confondre et garder au jeu une place à part entière.

C’est l’intention qui compte

Lorsque l’on parle de contrainte volontaire, nous sommes déjà dans la toute-puissance du joueur sur son activité ludique. Bien sûr, il devra souvent tenir compte des autres joueurs dans sa décision mais, dans l’absolu, il est libre de tout.

En réalité, la distinction entre le jeu et tout autre activité se résume à l’intention de celui qui le pratique. Le jeu n’existe qu’au travers du joueur.

Le philosophe Jacques Henriot décrivait le jeu comme la rencontre entre le joueur, le jeu (game) et l’objet ludique. Il avait tort. A l’origine du jeu, il y a le joueur et seulement lui. C’est lui qui crée le jeu et le jouet en leur donnant leur aspect ludique. Sans l’intention du joueur, les règles du jeu ne sont que des règles. Sans cette même intention, un jouet n’est qu’un objet quelconque. C’est pour cette raison que toute activité peut devenir ludique et qu’une activité présentée comme ludique peut ne pas l’être. Cela dépend de l’état d’esprit de celui qui la pratique.

Une définition du jeu ne peut être juste si elle ne fait pas apparaître les contours du joueur. Motivé par le plaisir, il détermine lui-même le contenu de son jeu en créant les règles qui le constituent ou en acceptant celles proposées par un tiers. Du début à la fin, il reste maître de son activité. Toute tentative extérieure pour imposer une intention ou des contraintes font vaciller cette construction fragile qu’est le jeu et risque bien de le détruire.

Pour enfin conclure que tout cela ne sert à rien

Le jeu est dans la tête du joueur. Il ne dépend que de sa disposition à jouer. Voilà ce que l’on pourrait retenir de cette définition. Mais en est-ce vraiment une ? Peut-on vraiment s’en servir pour distinguer une activité ludique d’une autre qui ne l’est pas ? S’il y a toujours des indices, deviner ce qu’il se passe dans la tête de quelqu’un reste une entreprise hasardeuse. Il faut bien l’admettre, cette définition -très psychologique- n’est pas vraiment exploitable.

L’autre problème qu’elle n’aurait jamais pu résoudre, ni aucune autre définition d’ailleurs, vient du terme lui-même. Le jeu, en soi, ça n’existe pas. C’est une forme de loisir indifférenciable des autres loisirs. Comment distingue-t-on le jeu de la danse en dehors du fait qu’on sait que ce n’est pas la même chose ? On aura beau retourner la question dans tous les sens, donner toutes les réponses possibles, Wittgenstein aura toujours raison. Ludwig Wittgenstein est le philosophe qui, souvenez-vous, prétendait que le jeu n’était pas une notion capable d’être glissée dans des cases. On s’en sert tous, on sait tous ce que c’est mais aucun de nous ne sera jamais capable de vraiment la cerner avec des mots.

C’est un échec donc. Wittgenstein marque le point. Mais pas un échec inutile parce que l’intérêt d’une définition n’est pas toujours d’exprimer la réalité telle qu’elle est mais telle qu’elle devrait être. Définir, c’est aussi juger. C’est important de réfléchir autour d’un mot employé de nos jours à tort et à travers. Une manière comme une autre de défendre ce qu’il représente de manière si brouillonne. Car le jeu est une belle promesse de plaisir et de liberté.

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19 Commentaires

  • Donc au final le "jeu" n'est qu'une illusion, le produit du fonctionnement bizarre de notre cerveau ?
    Définir le jeu reviens donc à définir le joueur ?

  • Le sens d'une activité est celui que tu lui donnes ou que la société lui donne. En très très gros, il y a le travail, une activité que tu fais pour d'autres, et le loisir que tu fais pour toi.

    Définir le jeu reviens donc à définir le joueur ?

    C'est tout à fait ça.

  • Très très bon texte qui m'a captivé du début à la fin, avec la sensation finale d'avoir assisté à un chouette tour de magie alors qu'on s'attendait à un cours magistral.

  • D'après cette définition on peut jouer en travaillant, à la seule condition que notre motivation soit le plaisir et non la rémunération ?

  • Bashar, tu sais très bien que la rémunération ne participe que très peu dans la motivation au travail, c'est juste la cerise sur le gâteau ! La plupart des gens doivent travailler juste pour avoir un toit et se nourrir, ils le font donc sans plaisir. D'autant que les boulots les plus merdiques sont aussi les plus mal payés, ce qui est absurde quelque part.
    Mais de là a s'amuser en travaillant, il ne faut pas exagérer non plus hein ! lol

  • Bashar a écrit :

    D'après cette définition on peut jouer en travaillant, à la seule condition que notre motivation soit le plaisir et non la rémunération ?

    Définition proposée : Le jeu c'est s'imposer librement des contraintes inutiles dans l'intention d'y trouver du plaisir.
    Définition lue par Bashar : Le jeu c'est l'intention de trouver du plaisir. razz

    Plus sérieusement, si tu lis ainsi ma tentative de définition tu en évacues les trois-quart. La recherche de plaisir est essentielle certes mais pas suffisante pour caractériser le jeu. Il faut se poser soi-même des contraintes qui n'ont qu'un but : créer du jeu. Le jeu est une activité improductive. De plus, dans le jeu, le joueur est maître de son activité. Maître, c'est décider quand y entrer, quoi y faire et quand en sortir. Cela me semble peu compatible avec le travail. Même (surtout ?) un chef d'entreprise a des contraintes extérieures.

    Par contre, rien n'empêche que le jeu s'invite dans une situation de travail.

  • Le Bashar a écrit :

    D'après cette définition on peut jouer en travaillant, à la seule condition que notre motivation soit le plaisir et non la rémunération ?

    C'est une condition nécessaire mais non suffisante pour qualifier le jeu. Mais la méprise est généralisée, c'est pour cela aussi qu'il est difficile de définir le jeu. Par exemple, un joueur qui ne joue que pour gagner joue-t-il encore ? Cela permet d'expliquer le fossé extrême entre la légèreté que l'on peut imaginer d'un jeu vidéo comme Dota 2 et l'extrême incivilité de certains joueurs qui ne prennent du plaisir que s'ils gagnent et qui ne sont, de fait, pas en train de jouer.

    De fait, cette définition restreint fortement le champ d'action du jeu, et c'est aussi bien. Cela permet entre autres de mettre en évidence les échecs de la gamification et d'expliquer certaines bizarreries entourant le jeu au sens trop large tel qu'il existe actuellement.

  • Tu as raison cath, j'ai oublié un peu vite le "librement", en revanche je n'ai pas évacué "s'imposer des contraintes inutiles" qui me semblait tout à fait cadrer avec l'univers du travail, dans lequel toutes les contraintes sont artificielles et "inutiles" en dehors de ce cadre. Mais on ne se les impose pas forcément librement.

    Toutefois, entrepreneur pour soi-même, on peut largement décider quand on bosse, sur quoi et jusqu'à quand. Et à plus forte raison s'il n'y a pas trop d'étapes entre notre activité et l'obtention des choses vitales, qu'on cherche à obtenir via ce travail. Le temps de travail nécessaire peut devenir largement plus court que celui du travail librement choisi, qui me semble alors pouvoir flirter avec le jeu.

    J'ai du mal aussi à imaginer qu'une activité, quelle qu'elle soit, puisse être totalement improductive. En revanche je peux tout à fait concevoir qu'on ne soit pas conscient de ce qu'elle produit.

    @human ktulu : tu te contredis en disant que la rémunération c'est juste un plus, et ensuite que la motivation première c'est le toit et le nourriture, puisque ces deux-là s'obtiennent avec la rémunération, non ?

    Ma question faisait écho en fait à différentes questions que je rencontre actuellement sur justement les limites entre ce qui est amusant et ce qui ne l'est pas. Sur ce que certain considèrent du travail, et d'autres pas. Mais c'est sans doute plus une question de divertissement que de jeu.

  • Ton dernier commentaire Bashar me prouve que j’aurais pu aller encore plus dans la précision dans cet article. Bon, je le retoucherais pas (il est bien assez long comme ça) mais je peux quand même rajouter des choses en commentaire.

    Parlons des contraintes inutiles. J’ai très rapidement expliqué ce que j’entendais par “inutile” mais j’admet que c’est très lacunaire. Pour être vraiment précis, il faut que je vous parle de mon ami Rawls. John Rawls est un philosophe (oui encore un). Il a notamment fourni un travail très intéressant sur la notion de règle.

    Il distingue trois types de règles. Les amélioratives, les régulatrices et les constitutives. Les règles amélioratives sont là pour rendre l’activité qu’elles encadrent plus efficace. Les règles régulatrices s’imposent simplement à une activité sans pour autant les rendre plus efficientes. Contraindre un fabricant de jouets de faire des tests pour vérifier la qualité de son produit ne l’améliore pas pour autant. Enfin, les règles constitutives inventent l’activité. Je parlais de la danse dans mon article c’est une nouvelle fois un très bon exemple. Les pas de danse sont des règles qui crée la danse. Comme les règles des échecs inventent le jeu d’échecs.

    Les contraintes que le joueur s’imposent sont de la troisième catégorie. Elles constituent le jeu et ne servent à rien d’autres (dans l’esprit du joueur). Ce qui constitue le travail, en général, c’est un contrat qui détermine une tâche à accomplir en échange d’une rémunération. En gros, c’est ça le travail, une tâche contre une rémunération. Si tu accompli cette tâche avec plaisir, ce n’est pas pour autant du jeu. A l’inverse, le plaisir n’infirme, ni ne confirme la notion de travail.
    Par contre pour qu’il y ait jeu, il faut la constitution de règles purement ludiques. Travail et jeu ne sont pas nécessairement incomptabiles. Simplement, ce n’est pas parce que tu prends plaisir à te lever chaque matin pour aller au boulot que tu y joues.

    Je pense également qu’il y a une différence entre choisir un travail qui te procure du plaisir et faire un jeu dans le but d’y trouver du plaisir. Encore une fois, le jeu peut être arrêté à tout moment, le travail ce n’est pas aussi simple. J’ai beau aimé mon travail, y prendre généralement beaucoup de plaisir, ce n’est pas toujours le cas. J’ai des horaires à respecter, je ne peux pas arriver ou partir à l’heure que je veux et j’ai des règles à respecter. Je ne peux pas toujours me comporter comme je voudrais avec les enfants dont je m’occupe. Je ne peux pas les envoyer chier ou, au contraire, ignorer les règles pour eux parce que je les aime bien. Enfin, si, dans l’absolu je peux le faire mais j’aurais des comptes à rendre.

    En ce qui concerne, la situation de chef d’entreprise, c’est si idyllique que ça ? Tu as quand même des comptes à rendre à tes clients, à tes fournisseurs, à l’état. Tu es toujours libre de ne pas aller aux réunions, de ne pas payer des fournisseurs ou de ne pas remplir ta comptabilité. Tu en payeras les conséquences et, à un moment ou à un autre, on t’empêchera de continuer ton métier.

    J'ai du mal aussi à imaginer qu'une activité, quelle qu'elle soit, puisse être totalement improductive. En revanche je peux tout à fait concevoir qu'on ne soit pas conscient de ce qu'elle produit.

    J’abonde dans le même sens utilitariste que toi. Si le jeu existe, c’est que ça doit bien servir à quelque chose. D’abord, comme tu le dis, pas dans la tête du joueur. Ensuite, le jeu doit bien servir à quelque chose mais... On a jamais réussi à trouver quoi et à le prouver. Les études menées sur l’Homme et sur d’autres animaux n’ont pas permis de déterminer l’impact du jeu sur le joueur. En gros, pour l’instant, malgré toutes les choses qu’on peut raconter sur lui, on ne sait pas à quoi sert le jeu.

  • Salut,

    Sujet passionnant smile
    Mais ça fait plusieurs fois que je lis que le jeu ne semble pas avoir une utilité palpable, que l'on ait pu déterminer, or j'ai plutôt l'impression que c'est l'inverse : c'est plutôt facile de comprendre qu'un chat, lorsqu'il joue, peut mieux appréhender son corps, peut savoir de quoi il est capable et ce qu'il ne peut pas faire, ses muscles travaillent, son cerveau se développe pour qu'il soit plus rapide et puisse mieux survivre à son environnement. Le jeu facilite la survie.

    Pour l'être humain c'est sûrement plus complexe, puisque le cerveau est plus développé et que les moyens techniques d'aujourd'hui sont quasiment infinies, mais à la base, les jeux d'enfants sont avant tout physiques non ?

  • Moi je dirais qu'ils sont plutôt intellectuels. Les enfants passent surtout leur temps à se mettre en "situation de" en se prenant pour quelqu'un d'autre et en jouant "à être", à faire comme si. En faisant du jeu de rôle en fait.

    Mais du coup il me semblait à moi aussi qu'on avait déterminé que le jeu servait à construire l'empathie, en se mettant dans des rôles et des situations imaginaires qu'on ne pourrait pas vivre autrement, de sorte à se construire une expérience qui permette de vivre en société avec nos semblables. A se placer par rapport à eux, et à se construire notre réalité.

    En ce qui concerne, la situation de chef d’entreprise, c’est si idyllique que ça ?

    Non ce n'est pas idyllique, ça serait même plutôt la galère. Mais ce que je voulais dire c'est qu'on peut plus facilement décider de se plier aux contraintes qui nous permettront peut-être de continuer l'activité, ou de les envoyer au diable et peut-être devoir arrêter.

    Mais pour en revenir au jeu, d'un point de vue purement théorique, pourrait-on imaginer que quelqu'un considère l'ensemble de sa vie comme un jeu ? (je suppose que non car il lui serait difficile d'en sortir librement, sauf peut-être à considérer que sa mort ne mettrait que fin à la partie, mais pas à son existence à lui)

  • Mais ça fait plusieurs fois que je lis que le jeu ne semble pas avoir une utilité palpable, que l'on ait pu déterminer, or j'ai plutôt l'impression que c'est l'inverse : c'est plutôt facile de comprendre qu'un chat, lorsqu'il joue, peut mieux appréhender son corps, peut savoir de quoi il est capable et ce qu'il ne peut pas faire, ses muscles travaillent, son cerveau se développe pour qu'il soit plus rapide et puisse mieux survivre à son environnement. Le jeu facilite la survie.

    Oui, c'est ce qu'on a tous envie de répondre instinctivement après une rapide observation. Mais si on veut être un minimum sérieux on ne peut pas se contenter de l'instinct et de l'observation. Il faut des études longues sur des sujets précis pour obtenir des preuves. Des preuves qui aujourd'hui nous manque. J'avais déjà mentionné l'étude éthologique réalisée sur de jeunes lionnes. Les éthologues ont mis en relation le temps pris par les jeunes à "jouer à la chasse" et les capacités de chasse des lionnes une fois adultes. L'étude n'a pas permis de mettre en évidence une corrélation entre les deux. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'une jeune joue beaucoup à chasser qu'elle chassera mieux plus grande.

    Moi je dirais qu'ils sont plutôt intellectuels. Les enfants passent surtout leur temps à se mettre en "situation de" en se prenant pour quelqu'un d'autre et en jouant "à être", à faire comme si. En faisant du jeu de rôle en fait.

    C'est une question d'âge. Les tout-petits (0-3 ans) commencent par ce qu'on appelle des jeux d'exercice qui sont avant tout des jeux physiques. Empiler des cubes, remplir et vider un sceau de sable ou un verre d'eau etc...

    Ce n'est qu'à partir de 3 ans qu'apparaîssent les premiers jeux dit de "faire semblant". Au début, ce n'est que de l'imitation. Je passe le balai ou balade la poussette pour faire comme papa/maman. Ensuite, commence les vrais jeux d'imitation dans lesquels "on fait comme si" j'étais un pirate/chevalier/princesse/astronaute...

    Je préfère personnellement la notion de jeu de faire semblant que celle de jeu de rôle pour ne pas les confondre entre les deux. Le jeu de rôle papier ayant ces spécificités propres.

    Mais pour en revenir au jeu, d'un point de vue purement théorique, pourrait-on imaginer que quelqu'un considère l'ensemble de sa vie comme un jeu ? (je suppose que non car il lui serait difficile d'en sortir librement, sauf peut-être à considérer que sa mort ne mettrait que fin à la partie, mais pas à son existence à lui)

    C'est compliqué comme question. Dans l'absolu, je suppose que oui mais en pratique il me paraît difficilement tenable d'adopter une attitude de joueur toute sa vie.

  • Cath', je ne sais pas si l'on peut prendre ton étude sur les lionnes comme référence, il faudrait plutôt regarder la différence entre ceux qui ne jouent pas et ceux qui jouent (bien qu'à mon avis, ne pas jouer révèle davantage des troubles psychologiques qui peuvent fausser les résultats). Néanmoins je me souviens au collège d'une étude qui m'avait vraiment frappé : on a séparé deux groupes de rats, le premier groupe était dans une cage avec des roues, des toboggans, des échelles, des tuyaux, etc. Dans le deuxième groupe la cage était vide de ce genre de choses. Résultat : après dissection, le premier groupe de rats avaient des cerveaux très développés, avec des connexions neuronales très nombreuses, contrairement au deuxième groupe de rats très pauvres intellectuellement.

    Et si je tape sur Google "étude jeux cerveau", on a tout un tas de liens sur la question... des jeux vidéo (ce qui intéresse davantage les gens que le jeu tout court j'imagine, mais un jeu vidéo n'est-il pas un jeu ?). N'est-ce pas assez sérieux pour toi ?

  • Chez l'humain, l'absence de jeu chez l'enfant est un symptôme de problèmes mentaux comme l'autisme. Je pense que chez l'animal c'est pareil.

    Je sais que les études sur les effets du jeu vidéo pullulent sur internet. Le problème c'est qu'il s'agit souvent d'études de fin de doctorat ou de labos en mal de reconnaissance qui ne suivent pas toujours des protocoles sérieux faute de temps ou de moyens. Ma référence personnelle est une méta-analyse éthologique qui date de 2006. Elle recense toutes études réalisées sur l'animal et compare les résultats. A ce jour, il manque la même chose en neurosciences et il y en aurait bien besoin. Alors, même si elles font couler l'encre des journalistes, il faut garder du recul. On a toujours tendance à s'emballer dès qu'une étude démontre ce qu'on suppose depuis longtemps mais on s'aperçoit une semaine plus tard qu'une autre étude arrive à un résultat contraire.

  • Ah, le biais de confirmation, l'un des plus grands obstacles au progrès scientifique...

  • Le jeu c'est s'imposer librement des contraintes inutiles dans l'intention d'y trouver du plaisir.

    Mais qu'en est il des activités sportives un peu extrêmes comme le mma (ou le seul but étant de démolir son adversaire peu importe les coups utilisés). Ou le tricking (ou le seul but est de faire des figures compliquées avec son corps). Certains peuvent trouver ces activités ludiques (j'espère utiliser ce mot correctement) pourtant il me semble qu'aucune contrainte (sauf cas rares) n'est imposée/ acceptée/ refusée par le pratiquant (joueur ?).

    D'ailleurs il y aura toujours une contrainte quant à la pratique d'une activité, ne serait-ce que la gravité terrestre, les limites physiques et la physiologie de notre propre corps. De plus, rien que le fait de pratiquer une activité résulte en une forme de contrainte, rien n'oblige le pratiquant à pratiquer à part lui-même, du coup, d'après ta définition, j'en comprends que toute action réfléchie qui n'a pas comme seul but la survie de la personne qui l'éxecute est obligatoirement un jeu. En gros tout ce qui ne permet pas uniquement de manger, boire, respirer, dormir, (se reproduire?)

  • D'ailleurs il y aura toujours une contrainte quant à la pratique d'une activité, ne serait-ce que la gravité terrestre, les limites physiques et la physiologie de notre propre corps. De plus, rien que le fait de pratiquer une activité résulte en une forme de contrainte, rien n'oblige le pratiquant à pratiquer à part lui-même, du coup, d'après ta définition, j'en comprends que toute action réfléchie qui n'a pas comme seul but la survie de la personne qui l'éxecute est obligatoirement un jeu. En gros tout ce qui ne permet pas uniquement de manger, boire, respirer, dormir, (se reproduire?)

    Le problème sans doute avec cette définition, c'est qu'on ne peut pas simplement prendre la phrase. La longue explication est nécessaire pour bien comprendre tous les termes utilisés. Car tous les mots, sans exception, sont importants.

    Ici, c'est la contrainte qui pose problème. Il ne faut pas oublier que la contrainte est :
    1. Une interdiction ou une obligation qui s'exerce sur un individu.
    2. "Inutile", c'est à dire qu'elle doit créer le jeu et servir uniquement à cela.
    3. Volontaire donc le joueur sur laquelle elle s'exerce est libre de l'accepter, de la refuser et de la modifier à tout moment.

    Il suffit ensuite de prendre les exemples que tu proposes pour voir si cela correspond. Je vais le faire avec un des exemples qui te posait problème. Pour les autres, je te laisse juge.

    La gravité terrestre peut-elle être prise en compte dans cette définition ?
    1. Est-ce une interdiction ou une obligation qui s'exerce sur un individu. La réponse est oui.
    2. Sert-elle à constituer le jeu ? La réponse est non.
    3. S'exerce-t-elle de façon volontaire sur le joueur ? La réponse est, une nouvelle fois, non.

    Il y a deux non pour un oui. Un seul non aurait suffit pour déterminer que cette contrainte n'entre pas en ligne de compte dans la définition du jeu.

    Mais qu'en est il des activités sportives un peu extrêmes comme le mma (ou le seul but étant de démolir son adversaire peu importe les coups utilisés).

    Je ne connais pas le mma. Vu la définition que tu m'en donnes, il y a des questions que je me pose. Quelle est la différence entre le mma et une bagarre de rue (qui n'est évidemment pas du jeu) ? N'y a-t-il pas des contraintes cachées ? (Par exemple, que fait-on si un combattant veut abandonner ? Comment considère-t-on qu'un combattant gagne ? Il y a-t-il pas des choses interdites comme utiliser une arme ?). A toi, qui connait cette activité, de voir si elle ne serait pas en réalité plus cadrée qu'en apparence. Par contre, ce que je peux dire c'est que la violence n'est pas une raison suffisante pour rejeter la dénomination de jeu à une activité. Je pense même que des activités qui entraînent la mort -comme jouer à la roulette russe avec un magnum- peuvent être dans, certains cas, du jeu.

    Ou le tricking (ou le seul but est de faire des figures compliquées avec son corps).

    Là encore je ne connais pas cette activité. Ce que je pense du peu que tu décris c'est qu'il y a bien contrainte. Les participants s'obligent volontairement à faire des mouvements complexes mais "inutiles" . De plus, ces mouvements ne sont pas chaotiques. Ils créent une activité, le tricking. Il ne reste plus que l'intention de la personne (du tricker ?). S'il agit essentiellement par plaisir, on entre clairement dans le champ de ma définition. Si l'intention est plus de l'ordre du beau ou de l'expression, on est plus certainement dans l'art. Si l'intention est dans la performance physique alors on s'approche plutôt d'un sport.

    Oui, je sais, c'est complexe et très subjectif cette notion d'intention. C'est pour cela que ma conclusion est si négative DoubleAccentCirconflexe.

  • Merci de m'avoir éclairé sur le sujet mais je me pose encore quelques question:

    Certains individus (cas rares) prennent du plaisir à faire de la bagarre de rue, ou à faire la guerre, or je suppose que dans ces 2 "activités" il n'y a pas de contraintes imposées par qui que ce soit, le simple fait de prendre plaisir à ces activités en fait un jeu pour les personnes qui ont décidé d'y participer ou non? Après tout, participer ou pas à n'importe quelle activité sauf pression sociale se fait dans notre société occidentale de manière (presque ?) totalement volontaire.

    Si l'intention est dans la performance physique alors on s'approche plutôt d'un sport.

    Est-ce que le sport n'est pas un jeu à la base? C'est un ensemble de règles que les participants doivent respecter en accomplissant un objectif d'odre physique après tout. De nombreux maîtres d'arts martiaux ayant enseigné et pratiqué au début du vingtième siècle pendant les grandes guerres souhaitent dans leur vocabulaire que les gens différentient "le sport" qui est à leurs yeux une activité ludique des "arts martiaux" qui a pour but premier l'accomplissement de soi ou/et l'efficacité de l'individu qui le pratique au combat. Le premier argument qu'ils citent pour justifier cette différentiation est que dans de nombreux arts martiaux traditionnels il n'y a aucune règle si ce n'est ne pas mettre à mort ou blesser irréversiblement son adversaire tant que celà est possible.

    (un pratiquant du tricking s'appelle un trickster smile )

    EDIT : Peut être que le jeu a tout simplement un but évolutif permettant à chaque individu d'explorer des activités qu'il est disposé à faire et qu'il ne ferait pas s'il n'était uniquement préoccupé par sa survie, lui ouvrant ainsi des portes vers d'autres domaines de compétences. Si ce besoin n'est pas respecté, apparaît alors cette sensation désagréable que l'on appelle communément "l'ennui".

  • Certains individus (cas rares) prennent du plaisir à faire de la bagarre de rue, ou à faire la guerre, or je suppose que dans ces 2 "activités" il n'y a pas de contraintes imposées par qui que ce soit, le simple fait de prendre plaisir à ces activités en fait un jeu pour les personnes qui ont décidé d'y participer ou non?

    Il y a des choses qui ne me conviennent pas dans ton argumentation. Ne pas subir de contraintes extérieures ne suffit pas à définir le jeu. Il faut s'en imposer. Deux personnes qui se bagarrent dans la rue pour le simple plaisir de se bagarrer ne joue pas. Pas plus que moi qui me trémousse en écoutant une chanson que j'aime bien. Pour résumer, toutes activités pratiquées pour le plaisir ne sont pas du jeu. Il faut s'imposer des contraintes qui crée un jeu (game).

    Si ces deux personnes qui se bagarrent pour le plaisir le font dans une zone délimitée, avec des interdictions (pas de coups dans les parties, pas à mort, pas d'armes) et des obligations (si abandon d'un des deux, l'autre ne donne plus de coup) alors je pense qu'on peux parler de jeu.

    Après tout, participer ou pas à n'importe quelle activité sauf pression sociale se fait dans notre société occidentale de manière (presque ?) totalement volontaire.

    Là encore l'explication de la définition est importante. les joueurs s'imposent des contraintes. Cela signifie que ces contraintes viennent de lui. De plus, pour qu'une contrainte soit volontaire, il faut pouvoir l'accepter, la refuser et la modifier à tout moment. Les contraintes d'un travail sont extérieures et pas totalement libres puisqu'on ne peut pas décider de venir n'importe quand, d'arrêter d'importe quand et de modifier n'importe comment les termes de la tâche que l'on désire pratiquer. Même un chef d'entreprise est contraint de prendre des engagements (avec des fournisseurs et des clients not.) pour pratiquer son activité.

    Est-ce que le sport n'est pas un jeu à la base ?

    Déjà, il faudrait distinguer deux types de sports. Le sport avec des règles (foot, tennis, curling...) et le sport sans règles (jogging, muscu.).

    Pour la première catégorie, les choses semblent assez simples. Deux choses peuvent déterminer qu'un sport est du jeu ou ne l'est pas. D'abord, l'intention du "joueur". Si c'est avant tout pour le plaisir ou non. Ensuite, la liberté dans règle. Dans une compétition sportive, les règles sont maîtrisées par une autorité supérieure. Il est impossible pour le joueur de la rejeter ou de la modifier. Il n'y a donc pas jeu.

    Pour la seconde catégorie, c'est plus compliqué. Bien sur, il y a l'intention qui est sans doute plus dirigée vers l'entretien de son corps que vers le plaisir. Même si je ne doute pas que les joggeurs et les fans de muscu en recherchent et en prennent. Ensuite, il y a la contrainte. Là, il semble que la simple contrainte de courir ou de soulever de la fonte (qui crée l'activité "jogging" ou "musculation") ne suffise pas à caractériser le jeu. Peut-être faudrait-il, dans ce cas précis, évoquer le "cadre fictionnel" proposé par Brougère comme élément essentiel du jeu.

    Un jeu (game) est une fiction. Il a sa propre logique, ses propres limites qui le distingue du réel (tout en restant dedans). Le jeu (play) a besoin de cette fiction pour exister...

    EDIT : Peut être que le jeu a tout simplement un but évolutif permettant à chaque individu d'explorer des activités qu'il est disposé à faire et qu'il ne ferait pas s'il n'était uniquement préoccupé par sa survie, lui ouvrant ainsi des portes vers d'autres domaines de compétences. Si ce besoin n'est pas respecté, apparaît alors cette sensation désagréable que l'on appelle communément "l'ennui".

    C'est tout à fait possible.

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