Abécédaire pour choisir la vie de son nouveau-né de sexe masculin

Innocent avait le prénom rare d’un pape et d’un meurtrier. De beaucoup de papes en fait, 13 lui semblait-il. Des saints hommes choisis par l’église, et un meurtrier. Bien sûr, il y avait certainement eu d’autres Innocents, quoique le prénom n’était plus vraiment en vogue, mais Innocent ne connaissait que ceux-là, les papes de nom, le meurtrier plus intimement. Il était le meurtrier. Beaucoup de papes pouvaient sans doute être considérés comme des meurtriers aux yeux de certains, ils seraient alors défendus avec l’ardeur de la foi par d’autres, mais Innocent était à peu près sûr que son cas à lui ferait l’unanimité s’il s’était trouvé confronté à la postérité. Si les gens avaient connu ses agissements les plus remarquable, nulle minorité marginale n’aurait pu raisonnablement nuancer leur jugement, il aurait été jugé coupable sans le moindre appel. Innocent le savait pertinemment et n’avait pas plus d’intérêt pour la question qu’une simple curiosité intellectuelle. Il n’en avait cure, en somme, d’être condamnable aux yeux de l’humanité. Il faisait ce qu’il avait à faire et le faisait avec tout le goût du travail bien fait et les précautions des meilleurs chirurgiens ou perceurs de coffre-fort. Il assassinait sans distinction de sexe, de race ou d’âge, tous étaient égaux dans la mort et cela lui paraissait être la plus grande vérité que l’on puisse connaître. « Au fond, pensait-il, je suis moi aussi un pape à ma manière. Je suis à la fois juge et exécuteur et je ne fais qu’obéir à une volonté qui me dépasse. Mon désir insatiable de mettre fin à un maximum de vies. »

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