Adeptie

C'était en Automne, par une douce nuit, la pleine lune éclairant de tout son feu, traçait une multitude d'ombres, dont celle de la frêle silhouette qui s'avançait le long de la route de terre usée. La femme était enveloppée dans une cape, avec un capuchon qui lui couvrait la moitié supérieure du visage. Si l'on regardait bien, on pouvait apercevoir des petites bosses sur les flancs et dans le dos.
La femme voyageait tranquillement en direction de Caleh, la Cité du Monde, pour la Fête de la Paix quand elle fut interceptée par trois hommes. Ils étaient tous les trois assez musclés, parlaient grossièrement - sûrement le patois local - et puaient le vin. Quand ils virent arriver la petite silhouette, les trois saoulards se mirent en travers de la route, et le premier articula salement quelques mots :

- "Bah alors femme ? Où c'est qu'il est ton mari ? cria le premier.
- Tu dois avoir froid, j'm'en vais t'réchauffer moi !"

Que faisaient ces hommes sur son chemin ? Elle n'en avait pas la moindre explication. Tout ce qu'elle savait, c'est que ces hommes allaient payer pour lui avoir parlé de cette manière sans connaître son identité.
Apparemment, ils ne savaient pas... Tant pis pour eux. On ne s'adressait pas si impunément à elle. Cela fera trois ignorants en moins sur cette terre déjà rongée et corrompue par le mal. Comment ce monde pouvait-il engendrer de pareilles pourritures ?
Elle sortit une dague de sa cape, provoquant en duel ces hommes, qui lui décochèrent un sourire. Plus ils restaient, plus ils détérioraient leurs chances de survie.
Une petite brise souffla, ouvrant pendant quelques instants son manteau, révélant quelques pièces de protection, réparties un peu partout sur le corps. Les trois hommes eurent un petit mouvement de recul devant cet attirail peu commun, puis reprirent leurs esprits et continuèrent à avancer. Ils dégainèrent chacun une épée gauchement. L'un d'eux parla aux autres, d'un air joyeux à la limite de la moquerie :

- "Je m'en vais m'en occuper d'c'te ribaude ! Laissez-la moi !"

Il avança doucement, sûr de lui. Elle était toujours dans la même position, son épée fixe, ce qui intrigua celui qui s'avançait.
L'homme ne se doutait de rien... quel imbécile ! C'était sûrement parce qu'il n'avait pas encore vu la dague, l'arc et sa hache double dans le dos ainsi que ses arbalètes de poing.

Il arriva à portée, elle ne bougeait toujours pas. Il leva son épée, puis frappa. Elle esquiva, et dessina une lune de la pointe de sa dague sur la jambe de son adversaire qui il lâcha un cri de stupéfaction. Les deux autres hommes chargèrent. Elle rengaina sa dague et sortit sa hache double, superbe ouvrage de la main de l'homme, avec une lame aiguisée à chaque bout. Le deuxième homme arriva, frappa, et sa figure lâcha une expression peureuse, quand il vit que la femme avait paré son coup aisément, et qu'elle fit voler son épée à dix mètres. Le troisième s'arrêta sur-le-champ à la vue de cette prouesse d'arme, recula quand il vit le premier homme se jeter sur la femme et se faire couper les doigts par un rapide coup de hache. Le second avait récupéré son épée, était en train de la charger. Il arriva comme une furie mais balaya de son épée une zone déjà vide. Elle avait encore esquivé et décocha un coup dans le dos de l'humain, avec une souplesse hors du commun, qui s'écroula à terre comme une masse. Elle se tourna vers le spectateur du massacre et lui dit, d'un ton réconfortant :

- "Au fait, je m'appelle Jade."

Deux lueurs jaunes percèrent l'obscurité de son capuchon. Elle pointa sa main libre sur le dernier survivant, et un éclair jaillit sur l'homme, qui s'effondra avec quelques spasmes. Elle repris tranquillement sa route.

Quelques minutes plus tard, elle arriva devant « Le Poney endurant » ou une chose du genre - l'écriteau était à moitié effacé. Elle entra, se heurtant à un mur de fumée et de bruit. Elle trouva une table à l'écart où s'asseoir, enleva son manteau, révélant sa panoplie, sa peau bleu ciel et son visage fin aux yeux et aux cheveux noirs.
Jade était une de ces femmes Thrakallars qui quittaient leurs tribus dès le plus jeune âge, afin de découvrir le monde par elle-même, ou qui étaient rejetées par elles, soit par manque de nourriture, soit parce que l'élément rejeté était l'auteur de nombreux troubles dans son clan.

Une autre femme Thrakallar était en train de danser. Elle était de celles qui se vendent ou qui ont aussi quitté leurs tribus respectives, soit pour exercer un de ses talents pacifiques, soit généralement pour danser dans des auberges. L'attention de la danseuse se fixa sur cette étrangère, pourtant soeur raciale, et armée jusque aux dents. Elle sentait que les autres clients avait peur de celle-ci – une des capacités de ces femmes - et modifia sa danse afin de rassurer les clients. L'étrangère commanda de l'eau et après quelques paroles échangées avec le patron, sorti un papier qui provoqua une extrême peur chez celui-ci, dont la figure devint pâle, et qui s'empressa d'aller chercher ce qu'elle demandait.

Jade ne savait pas pourquoi, mais elle sentait un peu que tout le monde avait peur d'elle, à leurs visages, ainsi qu'à leurs messes basses sûrement dirigées contre elle. Le patron revint avec sa cruche et un verre d'eau et elle réserva une chambre pour la nuit. L'homme s'empressa d'aller libérer une chambre pour elle. Enfin quelqu'un qui comprenait son statut.
Et cette danseuse, pourquoi la fixait-elle ainsi ? Elle n'était elle aussi qu'une Thrakallar. Peut-être espérait-elle de l'aide de sa part ? Elle s'était mise dans ce pétrin, et maintenant, Jade devrait la sortir de là ? Elle n'avait pas que ça à faire. Aussi, dès qu'elle fut assez déshydratée, elle monta directement dans sa chambre, sans un regard pour la danseuse, s'installa dans son lit, et s'endormit.

Elle se réveilla, mais ne bougea pas tout de suite, car une chose n'était pas normale : c'était toujours la nuit. Quelqu'un venait de s'introduire dans sa chambre, et il espérait ne pas être repéré. Raté mon pauvre.
Elle attrapa sa dague et bondit de son lit. Il faisait assez sombre, mais heureusement, les Thrakallars possédaient une vision nocturne. Elle scruta la pièce et aperçut une forme dans le coin de la chambre. Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir suivit de jurons, qui d'après la voix, étaient proférés par le patron comme « mais où est-elle cette garce ! ".
Jade compris alors que la forme dans le coin n'était pas un voleur, mais la danseuse de la soirée. Elle semblait pleurer intérieurement et se balançait légèrement d'avant en arrière. Jade s'approcha de la danseuse, et mit son doigt sur la bouche, pour signe de se taire, ce qui fit stopper le balancement de la jeune femme.

- "Comment t'appelles-tu ? Interrogea discrètement Jade.
- Siya..., puis après un instant d'hésitation : pitié, ne me livre pas à ce bourreau !
- Je n'en ai pas l'intention. Reste ici, et ne fais pas un bruit, ordonna Jade tout en se dirigeant silencieusement vers la porte."

Elle arriva à la porte, l'ouvrit, et se trouva nez-à-nez avec l'aubergiste. Il écoutait à sa porte...

- "Aubergiste, rentrez, j'ai quelque chose à vous montrer."

L'aubergiste, se répandit en excuses, comme quoi il était désolé mais qu'il avait entendu du bruit, et entra. La danseuse poussa un cri muet et se plaqua sur le mur opposé à l'aubergiste.

- "Ah ! Vous l'avez retrouvée ! Il me semblait bien avoir entendu du bruit dans cette chambre, dit l'aubergiste à l'attention de Jade.
- Vous m'aviez promis ! Supplia Siya.
- Effectivement, je t'avais promis."

Jade avait bien insisté sur le mot "avais".
L'aubergiste fit quelques pas vers Siya, s'arrêta sur place, eut un hoquet. Un gargouillement se fit entendre et du sang coula de sa bouche, puis il s'effondra à terre, sa graisse amortissant le bruit de la chute. La danseuse lâcha un petit cri d'horreur quand elle vit une dague plantée dans le dos de l'homme.

- "Pourquoi l'avez-vous tué ?
- J'ai horreur que l'on m'espionne. Et je tiens toujours mes promesses. "

Siya ne répondit pas et s'affala de nouveau dans son coin.

- "Il nous faut partir, dit Jade, puis devant l'air interrogé de Siya : maintenant ! Rassemblons tes affaires et partons."

La danseuse acquiesça, se leva et emmena Jade dans ce qui devait lui servir de chambre : une sorte de grand placard, comportant un lit sommaire et une petite table. Siya ramassa ses quelques affaires, et le duo parti vers l'Est, évitant d'attirer l'attention sur eux.

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