Feydahd (Tome1) - L'étincelle

...
Asyl :
Planète tellurique moyenne gravitant autour d’un système à étoile simple localisé dans la ceinture de la deuxième périphérie galactique. Asyl est une planète océane comme on en rencontre fréquemment dans ce genre de système stellaire. Elle est dotée d’une vie autochtone à base carbonée qui fait régner à la surface de la planète des conditions tout à fait acceptables pour les normes humaines. Le taux d'oxygène est un peu trop élevé et pourrait provoquer de graves incendies spontanés mais la nature essentiellement marine de la surface jugule ce problème. Cependant Asyl n’a pas été colonisée parce qu’elle réunit deux handicaps : elle ne possède pas de grands gisements minéraux exploitables et se situe bien trop loin dans la bordure périphérique pour être un lieu de villégiature touristique. Asyl est considérée donc comme non-colonisée. En fait nous avons trouvé une base de contrebandier en arrivant ici mais ils savent se faire discrets. Le plus grand archipel de terre émergée a été utilisé pour bâtir la citadelle de l’Union, en surface dans un premier temps en étudiant la possibilité par la suite de construire des structures immergées dans un souci de discrétion. L’exportation des produits de l’océan par des voies détournées fournit à l’Union les précieuses ressources financières dont elle a besoin en l’absence de ses revenus normaux, interrompus par les blocus de la Cosmoguarde.
...

Requête RegStar,
Base de registre de l'Union - 9381 GS

Nao Zatombe venait de s’asseoir devant son bureau, un appel de première importance en attente avait interrompu sa réunion avec les ingénieurs. Il activa le récepteur, l’officier responsable du département télécommunications apparut :
_ Mes respects, Commandor, je suis désolé de vous interrompre en plein travail mais nous venons de recevoir un message codé qui mérite votre attention.
Zatombe s’installa confortablement :
_ Continuez...
_ Le message était auto-extractible, dès que les clés d’identification de l’Union ont été vérifiées, il s’est décodé automatiquement. Nous avons pu reconstituer le trajet parcouru par les données avant de nous parvenir, il est extrêmement compliqué. Il s’agit sans doute d’une manœuvre destinée à empêcher la localisation d’Asyl par nos ennemis...
Zatombe fronça les sourcils :
_ Comment ça notre localisation ?
_ Le message a terminé sa course très exactement aux coordonnées de notre station télécom. Son expéditeur connaît sans aucun doute notre position.
_ Vous commencez à m’inquiéter. Personne, à part certains de nos propres soldats, ne connaît la position de notre Q.G. Ce message ne vient pas d’une de nos unités ?
L’officier télécom se racla la gorge :
_ En fait c’est ça que nous n’arrivons pas à déterminer. L’analyse du spectre de la voix a mis en évidence des intonations artificielles mais les fréquences vocales ne correspondent à aucune de nos intelligences artificielles. De plus l’algorithme de codage nous était parfaitement inconnu, sans la décompression automatique nous n’aurions rien pu faire. Le département cryptographie est formel, il ne s’agit ni d’un code de la Cosmoguarde ni d’un code de chez nous.
_ Bon... Vous dites que vous avez reconstruit le trajet, alors d’où ce message a-t-il été envoyé ?
L’officier consulta quelque chose hors du champ de vision de Zatombe :
_ Il a été émis par une radio hyperfréquence d’un engin de type “ dévastateur ” de la Cosmoguarde, à la surface d’une planète que nous avons répertorié comme s’appelant “ F342-2 ”. Non colonisée, aucune donnée sur la topographie, planète extérieure marginale mais le spectre du soleil est propice à la vie humaine.
Zatombe était encore sceptique :
_ Un message nous a été envoyé par un inconnu hyper-intelligent et très informé sur nous à partir d’un dévastateur ennemi, c’est bien ça ?
_ Tout à fait, Commandor.
_ Bon, ce fameux message, vous pouvez me le transmettre ?
_ Bien sûr, je lance la transmission.
Le visage de l’officier s’effaça pour laisser place à un décompte puis une image apparut : c’était un paysage. Le point de vue semblait provenir de l’intérieur d’un bâtiment mais il devait être endommagé parce que les murs ne se joignaient plus et formaient un ensemble de perspectives d’une stabilité discutable. Un dévastateur était posé non loin de là, il était entouré par une carcasse de char calcinée et deux corps de patrolers inanimés. Une voix prit la parole :
_ Bonjour messieurs, ce message s’adresse à Nao Zatombe, Commandor interarmes de l’Union.
Un léger brouillage figea l'image puis l'ensemble reprit et continua :
_ Je tiens d’abord à vous signaler que toutes les précautions ont été prises pour garantir la sécurité de ce message. Je m’appelle Daryl, je suis une intelligence artificielle créée par des humains voilà bien des millénaires. J’ai été sollicité par un membre de votre armée pour vous envoyer ce message, il s’agit de Massad Karp matricule 38455 sous les ordres du capitaine Kérian d’Ys. N’ayant moi-même malheureusement pas les possibilités de communiquer par hyperfaisceau, je me suis branché sur une radio capturée à notre ennemi commun. Le message que je dois vous transmettre est le suivant :
La voix changea de tonalité et un visage apparut sur l’écran, il semblait très fatigué :
_ Commandor, Kérian et moi sommes les seuls rescapés d’une mission sur Corserre dont je ne me souviens plus du numéro de code... Nous avons été pourchassés par un aviso après nous être échappés en volant des Couroks. Nous avons été obligés de sauter au hasard et nous avons atterri ici, je ne sais pas où. Nous avons été recueillis par une peuplade humaine primitive, mais l’aviso qui nous traquait a débarqué une importante force d’assaut... Les Feydars sont des guerriers redoutables. Ils ont massacré les patrolers mais l’aviso est toujours là et si une tempête providentielle ne nous protégeait pas je crois qu’il nous aurait déjà bombardé. Je vais essayer de le neutraliser en tentant une opération un peu folle, mais bon. Kérian est actuellement prisonnier d’une sorte de légende locale dont je ne peux le sortir...
L’homme changea de position, il bougea le bras en laissant apercevoir un bandage ensanglanté. Il modifia quelque chose sur le pansement puis revint à la caméra :
_ Quoi qu’il advienne, nous avons besoin de secours. La Cosmoguarde n’acceptera pas les pertes que nous lui avons infligées, d’autant plus qu’ils doivent maintenant être certains d'être tombés sur une base de l’Union. J’espère que Daryl pourra vous donner des coordonnées exploitables car il faut que vous nous envoyiez une flotte avec des techniciens et des médecins… Peut-être pouvez-vous surveiller les réactions de la Cosmoguarde ? Si nous réussissons, ils enverront tôt ou tard une Cosmoforce pour nous anéantir.
Quelque chose de noir et de violent secoua l’image. Un individu drapé dans une cape prit une bonne partie de l’image, il prononça des paroles incompréhensibles aussitôt traduite pour Zatombe :
_ La tempête Sahr, Massad, il faut partir avec l’oiseau de fer maintenant ou s’enterrer dans le Bûne-Kher.
L’image se brouilla et resta fixe sur des formes indéterminées en mouvement pendant quelques secondes. L’écran devint noir et la première voix reprit :
_ Massad semble pessimiste sur la suite des événements ici. Il voulait aussi que je vous fournisse une évaluation de la population feydare. Horak Tunefel compte selon mes estimations environ dix mille personnes. La population totale de Feyd doit quant à elle être proche de vingt-huit millions. Il voulait également que je rajoute cette phrase “ pensez à Tyrr ” mais je ne sais pas ce quelle est censée signifier. Voilà, messieurs, beaucoup de monde compte sur vous.
L’image s’arrêta et l’officier des télécom réapparut :
_ Commandor, seule la première phrase avait pu être visionnée sans votre confirmation vocale. Nous avons pu vérifier et le soldat qui parle est effectivement l’agent Massad Karp matricule 38455 sous les ordres du capitaine Kérian d’Ys, des ZVEA. Leur unité comptait sept soldats, nous avons perdu le contact avec eux sur Corserre quelques jours avant notre raid sur Yavino.
Nao Zatombe se leva et repartit vers la grande salle de commande qu’il venait de quitter quelques instants plus tôt. Quand il entra dans la pièce il interrompit d’un geste un ingénieur qui s’apprêtait à parler :
_ Changement de programme, nous reparlerons des modifications à effectuer sur l’armement de nos frégates ultérieurement. Nous allons devoir organiser une expédition imprévue, messieurs vous avez quarante-huit heures pour rendre opérationnels les deux croiseurs que nous avons soustraits à la Cosmoguarde.
Devant les regards incrédules il rajouta :
_ La Cosmoguarde va faire payer à un monde remplit de civil innocent l'estocade que nous lui avons infligé. Nous ne pouvons pas laisser la Cosmoguarde infliger de nouveau à quiconque ce que Tyrr subi !
Il n’en fallut pas plus, tous les ingénieurs partirent à leur poste : donnant des directives à leurs collaborateurs, trouvant des solutions techniques, fournissant le meilleur d’eux-mêmes.
Zatombe alluma le grand holocom de commande qui le relia de nouveau à l’officier télécom :
_ Convoquez l’état-major, rappelez tous les pilotes en permission, mettez nos troupes en alerte de premier niveau... Amenez-moi le responsable de l’équipe d’intervention anti-radiations, Allez ! Et trouvez-moi Fed Aykin !
Il se rassit en songeant au désastre qu’il fallait à tout prix éviter. Il savait bien comment réagirait l’état-major de la Cosmoguarde... Il dirait simplement : “ cela ne peut continuer ainsi n’est-ce pas Amiral ? Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser des individus nous narguer de la sorte. Allez là-bas et réglez le problème. ”. Ils prendraient leurs plus gros missiles et détruiraient tout sans réfléchir. Personne n’osait comme eux utiliser les armes atomiques aussi impunément et en toutes circonstances. Les effets des explosions dans l’espace étaient tolérés, dans la mesure où les boucliers de stase protégeaient des radiations mortelles. Mais au sol, ces armes impliquaient forcément l’assassinat de milliers de civils innocents, la pollution irréversible d’une grande zone habitable qui pourrirait la vie de l’endroit pendant des générations. Des atomiques avaient été utilisés sur Tyrr. Les trous béants dans la vie de la planète, l’irréversible saignée infligée à son équilibre étaient visibles depuis l’espace... On n’était même pas encore sûr du nombre de personnes qui avaient trouvé la mort la plus atroce qui soit cet horrible jour de l'attaque surprise. Pour rien. Pour une guerre et des intérêts qui n’étaient pas les leurs.
Les informations données par le message étaient incomplètes et parfois incompréhensibles mais Zatombe sentait qu’il fallait faire quelque chose pour cette planète. Cependant le message soulevait beaucoup d’interrogations. Quelle était réellement l’étendue des dommages infligés à la Cosmoguarde ? Il était question d’un peuple humain primitif mais qu'est-ce que cela signifiait exactement ? Si cela signifiait sous-armés, comment avaient-ils pu capturer un dévastateur, chose qui était particulièrement difficile pour leurs agents les mieux entraînés ? Il décida donc d'envoyer là-bas aussitôt que possible deux croiseurs et une escorte pour y voir plus clair. Ce serait une très bonne occasion de roder l’équipage des deux nouveaux croiseurs. Cette opération ferait office de test opérationnel pour régler les derniers problèmes de mise au point. C'était un pari risqué, d'envoyer pratiquement la moitié de leur flotte avec aussi peu d'information, mais une intuition le poussait à le faire.
Les ingénieurs étaient en grande discussion mais Zatombe ne se faisait pas de souci pour ça, ils seraient prêts et le matériel fonctionnerait. C’était là l’essentiel des différences entre l’Union et la Cosmoguarde : le personnel de l’Union se bat pour sa liberté alors que dans la Cosmoguarde, les gens ne travaillent que pour avoir un salaire à la fin du mois. C’est pour eux un métier comme un autre. Un vieil adage dit que plus une entreprise est grande moins ses employés sont efficaces, ce qui est facilement démontrable, et la Cosmoguarde est une institution vraiment titanesque. La porte blindée s’ouvrit sur Fed Aykin, le commandant des forces spéciales ZVEA. Il s’approcha rapidement de son Commandor avant de s’immobiliser près de lui en lui demandant :
_ Commandor ? Que se passe-t-il ? demanda-t-il en regardant l’agitation qui régnait dans la grande salle de commande.
_ Nous venons de recevoir un message étrange, avant tout chose, assieds-toi et regarde-le.
Après que Fed Aykin aie visionné l’enregistrement, Zatombe lui demanda :
_ Alors ?
L’autre fronça les sourcils et réfléchit quelques instants avant de répondre :
_ J’ai reconnu le soldat Karp. Ce sont bien des gens de chez nous, ils étaient portés disparus après Corserre. De Choivill a été faire le ménage là-bas et nous avons perdu beaucoup de monde. De nombreuses équipes sont encore portées disparues, et nous ne pouvons pas vraiment tenter de les chercher. Si j’ai bien compris, ceux-là sont échoués sur une planète peuplée d’individus dont il n’est fait mention nulle part. Pour une raison que nous ignorons ces “ Feydars ” se sont alliés avec nos hommes pour combattre un contingent de patrolers issu d’un aviso. Ensuite ça ce complique, les patrolers ont été décimés ? Un de nos hommes est parti pour prendre d’assaut l’aviso ?… Et l’autre est prisonnier de je ne sais pas trop quoi. Le soldat Karp semble craindre des représailles nucléaires, ce qui implique que toutes les forces au sol de l’aviso ont été annihilées en très peu de temps et ce, sans que l'aviso ne puisse savoir précisément pourquoi. Sinon l’aviso bombarderait aux turbolasers histoire de pouvoir fouiller les décombres après. Ça signifierait que toutes les forces mobiles de la Cosmoguarde sur place ont été anéanties en un temps record, tout en ayant réussi à les couper de toutes communication avec les forces en orbite. C'est quelque chose qui n'est pas aisé à réussir. Surtout pour deux hommes seuls isolés au milieu d'une population inconnue.
Zatombe croisa les bras :
_ C’est ce que je me suis dit également mais j’aimerais bien savoir comment ils s’y sont pris pour vaincre les patrolers s’ils sont “ primitifs ” ?
_ Et comment ont-ils réussi à capturer un dévastateur opérationnel. Je ne crois bien que personne n’a jamais réussi ce coup-là ? En fait, je crois que la seule chose qui soit vraiment sûre c’est que des sept disparus de cette unité, il n’en reste plus que deux.
Le Commandor manipula une commande sur la console puis demanda à voix haute :
_ L’avis du cerveau ?
Une voix artificielle lui répondit :
_ En supposant que les informations sont exactes et que les forces de la cosmoguardes sont composée d'un unique aviso, dont le corps expéditionnaire a été entièrement annihilé au sol, il y a trois possibilités avant que notre flotte arrive sur les lieux : soit Massad Karp prend le contrôle de l’aviso ennemi sans que ceux-ci ne parviennent à informer leur état-major, soit il prend le contrôle mais l’alerte est donnée, soit il échoue et l’alerte est également donnée. Les chances de réussite du commando sont évaluées à 73% et les chances de ne pas déclencher l’alerte à 16%. Si l’alerte est déclenchée, la Cosmoguarde enverra une grosse flotte dans un délai de trois ou quatre jours. Cette flotte tirera sans sommation à l’arme atomique. Si l’alerte n’est pas déclenchée, la Cosmoguarde enverra une Cosmoforce plus imposante dans un délai d’une semaine avec le même ordre de mission.
Il y eut une brève pause dans l’énoncé puis la voix repris :
_ Je suggère que nous concentrions nos efforts sur nos espions au sein des états-majors de la Cosmoguarde. La puissance de la flotte que nous allons envoyer n’est pas décisive car dans tous les cas nous vaincrons cet unique aviso. Le seul risque que nous ne pouvons écarter c’est qu’une Cosmoforce soit déjà en route et que nous tombions dessus une fois là-bas.
Les deux généraux infusaient ces estimations en fronçant les sourcils. Aykin prit enfin la parole :
_ Quoi que nous fassions, ils vont y aller et tout pilonner… Ce n’est plus qu’une question de temps. Tu voulais envoyer quels engins ?
_ Trois frégates et les deux nouveaux croiseurs.
_ Ils sont opérationnels ?
_ Pas tout à fait mais les ingénieurs bossent là-dessus, fit-il en montrant le groupe devant les écrans non loin d’eux. Je leur ai accordé quarante-huit heures.
Aykin réfléchit en regardant ses doigt puis déclara :
_ C’est trop long. Je vais aller là-bas en avant avec une seule frégate. Si l'aviso a été capturé nous pourrons l'arraisonner, et s'il est toujours opérationnel, nous le détruirons facilement. Ensuite, nous pourrons faire le point de ce qui s’est réellement passé et prendre une décision. S'il y a déjà une flotte plus importante, une seule frégate sera plus discrète et nous aurons plus de chance de nous échapper.
Le Commandor acquiesça :
_ D’accord, n’emmène qu’une petite équipe de ZVEA, des techniciens et des médecins. Pars dès que tout sera prêt, je m’occupe de l’état-major.
Fed Aykin se leva et prit congé en donnant ses directives par son comlink.

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