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Yavino - chantiers spatiaux - :
La ceinture équatoriale comprise entre les deux tropiques de la planète Yavino a été rachetée par la Cosmoguarde à son gouvernement fédéral pendant la grande récession économique des années 90 (9290 GS, ndlr). La Cosmoguarde a rapidement utilisé les grandes étendues vierges pour construire le plus vaste des astroports jamais réalisé. En seulement quarante ans l’ensemble des constructions se reliait complètement d’un bout à l’autre de la planète. Les installations comprennent toutes les usines nécessaires à la construction et à la maintenance d’engins spatiaux militaires de grande taille. Les installations de Yavino ont petit à petit éclipsées les autres chantiers spatiaux actifs de la Cosmoguarde pour devenir le principal. C’est sur le site de Yavino que fut construit le “ Doigt de Dieu ”, le supercuirassé le plus puissant jamais construit par des humains et probablement par des espèces savantes, toutes réalisations confondues. C’est aussi dans ces infrastructures que furent conçus les premiers systèmes de liaison autonome des stations spatiales plus communément appelés les ascenseurs spatiaux. Actuellement les chantiers de Yavino ne produisent plus que rarement des nouveaux navires et s'occupent essentiellement de la maintenance des cosmoforces existantes. Veuillez entrer votre code d’accès confidentiel pour obtenir les informations cryptées de l’état-major sur : Yavino - chantiers spatiaux -
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Requête RegStar,
Base de registre de l'Union - 9381 GS
Ligurt De Choivill, Grand Amiral de la Cosmoguarde, marchait rapidement dans les amples couloirs du supercuirassé Le Doigt de Dieu, navire-amiral des forces armées du C.I.E., le Consortium Interplanétaire de l’Énergie. Il avait été convoqué par le conseil suite aux rapports contradictoires qui provenaient régulièrement de Corserre. Les larges baies vitrées de platzverre montraient la surface laiteuse d'une des planète des plus importante de tout l’Univers : Sufri. De Choivill était irrité, ses ordres n’avaient pas été respectés et il ne pouvait que se perdre en conjectures s’il tentait de découvrir l’origine des rapports erronés. L’immense station spatiale du C.I.E. en orbite autour de la géante gazeuse recueillait imperturbablement les énormes containers en provenance de la “ surface ” que ses innombrables usines et raffineries transformaient pour les distribuer directement aux transports. L’humeur de l’amiral s’assombrissait à chaque nouveau pas en direction de la salle du conseil ; De Choivill détestait les réunions. Elles n’étaient que pure perte de temps et il considérait le sien comme extrêmement précieux. Les incessants va-et-vient des transports et les halos lumineux de leurs moteurs faisaient naître des reflets machiavéliques sur le visage de l’officier supérieur, accentuant son aspect cadavérique. De Choivill atteignit enfin la porte monumentale de la salle du conseil.
Il s’arrêta devant les battants de la salle du conseil pour regarder par les baies vitrées Sufri, la seule planète de tout l’univers connu contenant de la sufrile, sans qui les voyages spatio-temporels seraient impossibles. On ne peut qu’exploiter la sufrile, on ne peut pas la produire et encore moins la reproduire. Et on ne peut la trouver qu’ici, sur cette immense planète gazeuse isolée de tout système, sans étoile autour de qui tourner, sans tourner sur elle-même non plus. Présence inexplicable, comme si un dieu avait abandonné là un jouet inachevé... Les battants s’ouvrirent enfin. Ces messieurs du Conseil avaient jugé bon de le faire attendre, lui, le Grand Amiral De Choivill. Ces planqués bedonnants étaient décidément aussi gras d’esprit que de corps.
Il passa devant les trois rangs formés par les guerriers d’élite de la Cosmoguarde puis arriva au centre de l’amphithéâtre dont les trois cents places étaient occupées. Le menaçant haut-parleur en forme de tête de taureau lui fit rapidement les salutations puis enchaîna directement dans le vif du sujet :
_ Grand Amiral De Choivill, veuillez nous dire clairement la vérité au sujet de Corserre. Soyez précis et concis.
De Choivill, nullement décontenancé par l’atmosphère oppressante de la salle répondit calmement :
_ Nos espions avaient repéré un contrebandier qui était en contact avec une unité banalisée de l’union. Nous l’avons corrompu et le commando, composé en fait de sept hommes, devait tomber dans une embuscade. Malheureusement, les rebelles ne se sont pas laissé abuser... Après une brève bataille, les trois restants ont volé des chasseurs monoplaces et j’ai envoyé le Vengeur à leur poursuite. Mais l’un d’eux a posé une bombe de forte puissance. Les dix kilomètres entourant le point d’impact ont été annihilés. En raison des nombreuses autres actions similaires en cours dans la zone de Mes Oslo, une section d’assaut complète se trouvait sur les lieux. Environ six mille hommes sur les trente et un mille six cents qui la composait sont morts et tout leur matériel est détruit. Nous n'avons pas pu effectuer de décompte précis des pertes civiles dans cette affaire, étant donné la nature versatiles des habitants de ce secteur de Mes Oslo.
De Choivill laissa tomber la dernière phrase sur un ton qui trahissait sa profonde indifférence pour la vie. Les sénateurs composant le conseil se concertèrent pendant quelques minutes puis le haut-parleur lança :
_ De Choivill, pouvez-vous alors nous préciser l’origine des rapports erronés qui nous sont parvenus ?
_ Je suppose qu’ils sont le fruit des services secrets des rebelles de l’Union.
_ Vous supposez... dit la voix impersonnelle pleine de sarcasmes. Et que supposez-vous pour expliquer l’absence de nouvelles de l’aviso que vous avez envoyé à la poursuite des vandales de Corserre ?
L’Amiral n’appréciait pas du tout le ton employé avec lui. D’ailleurs il n’avait jamais apprécié le conseil, ce qui était réciproque semble-t-il et s’il n’y avait la splendeur passée des hauts faits d’arme du Grand Amiral, il est probable qu’il ne serait plus en poste après un accident comme celui de Corserre... Il répondit cependant :
_ Le capitaine du Vengeur est compétent et l’absence de messages ne peut signifier en aucune façon un grave problème. C’est au contraire si nous en avions reçu un qu’il pourrait y avoir des complications.
Après de nouvelles palabres entre les différents membres du conseil, un immense hologramme se forma au milieu de la salle, devant De Choivill. Il représentait les chantiers spatiaux de Yavino. La projection s’anima et l’Amiral pu voir une flotte apparaître et détruire les installations de la Cosmoguarde. Il semblait même que les ennemis se soient emparés de plusieurs engins presque terminés. La projection montrait les événements en accéléré et ne dura pas plus de cinq minutes. Le monstrueux haut-parleur déclara ensuite sèchement :
_ La flotte qui défendait Yavino, réduite par vos soins, vient d’être détruite par une attaque éclair de l’Union. Le chantier est détruit et les rebelles ont capturé deux croiseurs et trois destroyers en construction ainsi qu’un supertanker plein de sufrile raffinée. Les installation au sol ont été gravement saccagées. Les réparations et le manquent à gagner sont représentent une somme considérable !
La voix se fit plus dure encore et la tête de taureau sembla s’abaisser comme pour charger :
_ Vous rendez-vous compte que par votre faute tous nos efforts pour détruire l’Union se trouvent gravement compromis ?
De Choivill retenait son souffle, il pouvait à tout moment être foudroyé par les armes cachées dans les cornes... Non, s’ils voulaient le tuer, ils ne lui auraient pas expliqué pourquoi, ce n’était pas dans les habitudes du conseil. Il retrouva son calme sur cette pensée puis le haut-parleur se redressa finalement et déclara :
_ Nous vous laissons une chance de vous rattraper, Amiral, mais ce sera la dernière... Un nouvel échec de votre part se solderait par une retraite anticipée. Est-ce clair ? Répondez !
_ Oui, très clair.
Les yeux du taureau devinrent vitreux et la monumentale porte s’ouvrit derrière De Choivill. Il tourna les talons et sortit en masquant sa colère. Durant tout le trajet qui le ramenait vers son vaisseau d’état-major, les sentinelles habituellement stoïques se dérangeaient à son passage, frappées par la noirceur irradiant de la mince silhouette du Grand Amiral. Son vaisseau d’état-major sortit majestueusement du supercuirassé géant et prit rapidement de la vitesse avant de passer dans l’hyperespace.
Dans l’appareil, De Choivill était assis devant la grande table de la salle de commande.
_ Me faire ça à moi, murmura-t-il, cette humiliation ne restera pas impunie. Ils me le paieront... Ils me le paieront très cher, et bientôt.
Un éclat intense illumina son regard au moment même où, à l’extérieur, toutes les étoiles fusionnaient en un seul point. Presque immédiatement, les étoiles réapparurent, dans une configuration différente. Il se leva et resta un long moment à contempler les étoiles, pendant que son engin s’approchait du cuirassé Atlas, toujours en orbite autour de Corserre.
Parvenu sur la passerelle de commande de son cuirassé, De Choivill appela son officier des transmissions. Celui-ci lui dit dès qu’il arriva :
_ Nous avons reçu un message du Vengeur, Amiral.
_ Que disait-il ?
L’officier se racla la gorge et lui répondit :
_ Je vous propose de le regarder vous-même, Amiral, nous l’avons enregistré.
_ Soit, commencez la diffusion.
Le puissant holocom de la cabine bourdonna et un officier de stature imposante apparut au milieu de la pièce. L’hologramme s’anima et il commença ainsi :
_ Capitaine Gortion du Vengeur au Grand Amiral De Choivill de l’Atlas. Amiral, ce message est à sens unique, n’essayez donc pas de me répondre. Mon aviso a subi de sérieux dommages.
L’hologramme se brouilla et De Choivill fronça les sourcils. Cette entrée en matière ne lui plaisait guère. La projection reprit peu à peu sa netteté et le capitaine continua :
_ Le mieux est que je vous raconte tout depuis le début. Il y a quelques jours, après avoir sauté dans l’hyperespace sur la trace des rebelles, mon aviso s’est réintégré dans les couches supérieures de l’atmosphère d’une planète. La chaleur a fortement endommagé mon appareil. Nous avons cependant réussi à éviter la destruction et à nous mettre sur orbite. Mais mes scanners sont complètement détruits, mes batteries ventrales sont inutilisables et le système de propulsion est légèrement abîmé. Les réparations nous prendront une à deux semaines.
L’hologramme perdit ses couleurs subitement. Le capitaine maintenant en noir et blanc reprit :
_ Il semble que nous ayons aussi des difficultés de transmissions... Je vais donc abréger. Mon plus gros problème est que je ne connais pas ma position. Comme mes scanners sont détruits, je ne pourrai pas être renseigné avant plusieurs jours car nous devrons faire une triangulation manuelle au téléscope... Vous ne pourrez donc pas m’envoyer de secours.
La qualité de la projection se dégradait maintenant très rapidement et l’officier reprit précipitamment :
_ Je finis rapidement, nous n’avons pas rencontré de nefs rebelles et la planète n’a aucune émission radio. Elle est malgré tout habitée : il y a des lumières la nuit. Les rebelles en semblent pas nous avoir détectés, ou alors ne possèdent dans cette base pas de chasseurs en nombre suffisant pour nous attaquer directement. Je pense donc pouvoir accomplir ma mission, après les réparations. Terminé.
L’hologramme se dissipa et De Choivill resta quelques instants immobile.
_ Bon, dit-il comme pour lui-même, il ne manquait vraiment plus que ça... Quels sont les ordres qui vous sont parvenus de Sufri ? demanda-t-il en se tournant vers l’officier des transmissions.
_ Toute la Cosmoforce doit faire route vers Yavino, en prévention d’une autre attaque des rebelles.
De Choivill hocha négativement la tête :
_ C’est ridicule, ils n’ont pas observé l’attaque ? Ils ont bien dû voir que ce n’était qu’un raid surprise, pas une offensive de grande envergure... Et ces imbéciles du conseil m’accusent moi de faire échouer leurs plans. C’est navrant.
L’officier des transmissions ne savait que répondre, cette accusation directe du conseil le déroutait au plus haut point. Il demanda timidement :
_ Doit-on annuler l’ordre de mission, Amiral ?
_ Non, fit celui-ci en le regardant, rappelez les espions et toutes nos forces restées au sol, donnez l’ordre à la flotte d’appareiller. Nous devons partir au plus tard dans une heure. Je vais dans ma cabine. Je ne veux pas être dérangé.
_ Très bien Amiral.
La silhouette écarlate du Grand Amiral s’éloigna en direction de ses quartiers pendant que l’officier s’activait à préparer le départ de la cinquantaine d’appareils qui composaient la Cosmoforce 17. Les transports de troupes rappelaient leurs effectifs et décollaient lourdement vers leurs vaisseaux d’attache, les cargos banalisés des espions s’éloignaient discrètement et rejoignaient progressivement leurs appareils, tandis que les escadrilles de chasseurs TKS sillonnaient le ciel et l’espace autour des engins de transport. Une heure plus tard, tous les vaisseaux étaient rentrés, tous les officiers étaient à leurs postes, tous les vaisseaux étaient prêts à partir. Ils sautèrent alors dans l’hyperespace, par vagues, à l’avant les nefs légères, les bâtiments lourds ensuite et les destroyers composant l’arrière-garde en dernier.
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